S’il s’agissait de goûter un plat de cuisine, on pourrait comparer les deux développeurs du studio Dark Blue Games Ltd. à deux grands chefs étoilés qui sont les précurseurs, avec Infected Shelter, d’une nouvelle macédoine de légumes se voulant de grande qualité et inspirée des plus grandes recettes, mais en y ajoutant quelques ingrédients afin de relever le tout et de la rendre reconnaissable à la première fourchette. L’avant goût est-il digne de restaurants 5 étoiles ? Nous allons y répondre.
Un jeu à la hauteur de ses inspirations
Infected Shelter est un action rpg/dungeon brawler rogue-like dans un univers post apocalyptique jouable de 1 à 4 joueurs en coop uniquement en local. Les développeurs ont pris le risque de faire du name dropping dans la description de leur jeu avec une addition de titres connus d’un grand nombre, qui se sont installés comme références dans leur genre respectif et adulés par la critique et par les joueurs : Castle Crashers, Dead Cells et Mortal Kombat. Autant être clair, si cela peut paraître prétentieux, on se rend vite compte une fois manette en main que le pari est largement réussi s’inspirant de choses qui ont participé au succès de chaque titre tout en ajoutant un petit plus qui permet au jeu de se démarquer de chacune de ses muses. On peut rajouter aux trois titres prestigieux cités comme inspiration les non moins célèbres Rogue Legacy et The Binding of Isaac.
Au lancement de la partie, vous avez une petite intro en bande dessinée animée qui vous montre que votre camp a été attaqué par des punks qui ont kidnappés certains de vos amis dont une laborantine qui n’était pas loin de trouver un sérum contre l’infection. A la suite de l’animation, vous avez le choix entre 4 classes de personnages (seulement 2 jouables dans notre version PC datant du 4 mai dont l’accès à l’early access est prévue au 8 mai 2019) aux statistiques différentes basées sur 5 attributs que sont l’endurance, la force, la dextérité, l’intelligence ainsi que la sérendipité qui est la probabilité de chance de trouver des plans et dans lesquelles vous avez le choix entre 3 personnages aléatoires. C’est à ce moment que l’on comprend une chose : le jeu ne se prend pas au sérieux et se veut volontairement décalé et humoristique, car votre choix de classe se portera entre : “la fille guitariste” qui utilise sa guitare comme coup puissant, “le grand-père et sa petite fille” la petite fille poussant et utilisant son grand-père qui se trouve en chaise roulante pour fracasser ceux qui vous veulent du mal, “l’ouvrier aux gros bras” avec une bedaine et une bouteille d’alcool à la place des outils et “le soldat souriant” qui est en béquille car il lui manque une jambe (les 2 derniers étant les classes non jouables). Vient ensuite le dilemme du personnage, qui présentent chacun 1 “trait” spécifique à la façon des traits de caractère de vos héritiers dans Rogue Legacy, que vous pourrez activer ou non et qui modifieront votre gameplay (“tuer avec plus de sang” qui vous ajoute du sang en premier plan à chaque kill, gain de +5 MAX HP ou perte de 50% des pièces d’or aléatoirement à la fin de chaque zone, “mouvements involontaires” qui fera que votre perso lancera un combo à la simple pression d’une touche…). Votre héros prêt, vous pouvez marquer un arrêt chez “Le chef” du camp afin d’activer les plans acquis le long des runs précédents puis activer ou non le tutoriel en parlant au garde présent à la sortie du camp.
Une recette bien équilibrée
Les choses sérieuses commencent à votre sortie du campement, et les premières minutes de gameplay font immédiatement penser à Castle Crashers dans sa partie beat’em all avec une jouabilité simple et accessible (1 coup normal, 1 coup puissant, le saut, la parade, la gestion de l’inventaire rapide avec les gâchettes, la gestion de capacités en restant appuyé sur une gâchette puis en pressant la touche représentant la capacité à activer), son système de pièces d’or que lâchent les ennemis vaincus et utilisable pour l’achat d’objets dans des boutiques présentes aléatoirement dans les zones et de gros boss en fin de niveaux. Le jeu se démarque de sa référence avec des décors destructibles qui permettent de trouver des armes ou des rations pour se soigner, armes que laissera tomber un ennemi armé que vous aurez projeté au sol et que vous ou vos ennemis pourrez ramasser. La présence d’objets décalés aux effets parfois aléatoires sur votre personne et d’animaux sous forme d’alliés nous font entrevoir aussi un petit hommage à The Binding of Isaac. Vous avez aussi une esquive sous forme de roulade qui vous rend momentanément invulnérable à la façon de Dead Cells dont l’inspiration ne s’arrête pas là. Tout d’abord la mise à profit d’un gameplay simple d’accès mais dur à maîtriser à un jeu exigeant et difficile avec une progression basée sur l’aléatoire et le die and retry, puis le système de parchemins et de cellules trouvables sur les cadavres de nos ennemis ou dans des coffres est présent ici sous la forme de plans et d’échantillons d’infection. En utilisant comme monnaie d’échange ces échantillons d’infection chez “Le chef” du camp, vous débloquerez les plans trouvés précédemment qui vous donneront accès à de nouvelles choses dans différentes catégories : “améliorations” qui donnent un bonus au cours du run, “armes”, “vêtements” qui modifient bien évidemment le skin mais ajoutent ou améliorent des attributs (comme la résistance au feu, la chance, les PV max…), “compétences” offensives comme défensives et des “reliques” qui offrent des bonus passifs. La dernière référence des développeurs dont il est impossible d’ignorer est Mortal Kombat. En effet le jeu est sanglant, très sanglant. Le moindre coup amène un afflux de sang à l’écran et, selon l’état de votre adversaire, vous aurez la possibilité d’effectuer un “Finish Him” bien gore digne du jeu de combat à la simple pression d’un bouton et qui dépendra du personnage ainsi que de l’arme équipée. Il est à noter qu’il vous est possible d’utiliser un membre comme arme lors d’un démembrement d’ennemi.
C’est gore, c’est ensanglanté… mais que c’est beau
L’aspect technique est irréprochable, les graphismes à base d’images vectorielles dessinées à la main sont splendides et colorés mettent en valeur un univers post-apocalyptique bien représenté avec de nombreux ennemis (humains, zombies, animaux, drones, robots…) qui se battent aussi entre eux dans un monde en ruine. Que se soit le design ou les animations des niveaux générés de façon procédurales, des personnages, des ennemis ou des armes, tout est une franche réussite. La fluidité est de mise que ce soit en solo ou à 4 joueurs et pourtant il y a parfois beaucoup d’animations à l’écran. D’ailleurs un recule de la caméra est effectué lorsqu’un joueur va à l’extrémité opposé d’un autre en multi afin de garder un lisibilité qui est la plupart du temps excellente. Avec ses bruitages des personnages, des armes ou sa musique qui colle avec le thème, l’aspect sonore est très bon lui aussi.
Fort d’un contenu généreux à sa sortie (plus de 150 plans, plus de 50 “traits”, plus de 50 exécutions différentes, plus de 200 lieux différents), d’une jouabilité simple, jouissive et surtout addictive malgré une difficulté bien présente, d’une identité bien personnelle avec une patte graphique sublime qui le rend reconnaissable dès les premiers instants de jeu et son parti pris pour le gore et l’hémoglobine, d’une bonne dose d’humour et un multi offrant de grosses barres de rire entre amis; Infected Shelter est sans aucun doute une des pépites indépendantes de l’année et un futur indispensable sur Nintendo Switch qui vous rendra encore plus difficile le moment de lâcher votre manette. Un travail impressionnant des deux développeurs de Dark Blue Games Ltd.