Il y a 25 ans, Square Enix était l’acteur majeur du JRPG, genre qui connaissait son âge d’or. Final Fantasy ou encore Dragon Quest, des noms loin d’être méconnus dans le monde. Au Japon, le nom de SaGa était également connu, une autre série de Square Enix qui faisait écho au célèbre Final Fantasy. Cette série est moins connue en Occident et c’est avec un quart de siècle de retard que l’éditeur présente un remaster de Romancing Saga 3 sur les plateformes actuelles, dont la Switch, avec une arrivée pour la première fois du jeu chez nous. On a eu la chance de goûter à ce qui est un des piliers japonais du genre d’un passé lointain.
Romancing Traveler
Le récent Octopath Traveler et l’équipe de développement derrière n’ont jamais démenti leur inspiration prise sur d’anciennes gloires du passif de Square Enix, et les fans ont été nombreux à voir une certaine ressemblance entre celui-ci et la série SaGa. Au moins et surtout sur le fait de choisir, dès le début, de suivre la route d’un personnage parmi 8 principaux. Les mythes de Romancing SaGa 3 font mention d’une Éclipse Noire menaçant l’équilibre du monde. On dit que toute existence voyant le jour l’année où cette Éclipse se produit est réduite à néant. Il y a 600 ans, cette Éclipse ravagea le monde à l’exception d’un enfant, qui devint le Seigneur des Ténèbres et mena le monde à la ruine en instaurant les ténèbres. 300 ans après, l’Éclipse Noire refit surface et anéantit tout, à l’exception d’un nouvel enfant qui devint la Matriarche. Celle-ci bannit les ténèbres et ramena la paix en ce monde. Nous sommes désormais à l’aube d’une nouvelle Éclipse et il s’agit de savoir si un nouvel enfant de la destinée survivra, et quel destin celui-ci réservera-t-il au monde… Dans ce contexte, nous avons le choix de vivre l’aventure de 8 personnages : Julian Nohl, Thomas Bent, Ellen Carson, Sarah Carson, Khalid, Mikhail Ausbach von Roanne, Katarina Lauran ou Monica Ausbach. Le prologue nous propulse au commencement d’une guerre entre 2 royaumes en un jour de pluie. Ce prologue est à la fois similaire à chacun des 8 personnages, comme il comporte des éléments nuancés et différents selon le personnage que vous aurez choisi. Si vous démarrez avec Mikhail, vous vivrez le conflit directement au front par exemple. Tandis qu’une bonne partie des autres se contente de fuir, en escortant la sœur de celui-ci, pour chercher du renfort. À la fin du prologue, le conflit se termine par une victoire de Mikhail et c’est alors que l’histoire se fragmente totalement et vous laisse totalement libre avec vous-même.
Ce qu’on veut dire par là, et surtout à l’époque, le JRPG était du genre à vous tenir par la main au début et parfois vous laisser une certaine liberté sur la seconde moitié du jeu. Quelque part on vous mentionnait Octopath Traveler, mais même celui-ci restait linéaire en vous proposant simplement la liberté d’avoir de multiples histoires à vivre. Romancing Saga 3, comme d’autres opus avant lui, casse ce code, un peu comme aujourd’hui Breath of The Wild a cassé la routine du donjon et de l’exploration linéaire de la série. Une fois le prologue passé, certains des 8 personnages restent ensemble mais d’autres se séparent. Chacun se recroise ou non, la finalité revient au mythe de l’Éclipse Noire et de la porte Abyssale que l’on referme afin d’éviter une nouvelle catastrophe mondiale. Mais entre le prologue et la toute fin, vous vivez une aventure faite d’inconnues. Parlez à des personnes dans des villes pour récolter des informations. Ces informations vous permettent parfois de débloquer un nouveau lieu du monde à explorer. Parfois, ces personnes vous donne même des quêtes à accomplir, voire vous rejoignent directement dans cette quête qui développe très légèrement leur background que l’on oublie d’ailleurs bien vite. Il arrive qu’un personnage soit porteur d’une quête, mais comme votre protagoniste n’a pas atteint un certain “niveau” vulgairement défini par votre nombre de HP maximum, cette quête ne démarrera pas. Et vous n’avez aucun indice sur le fait que ce personnage peut vous attribuer une quête ainsi que la quantité de HP qu’il vous est demandé d’avoir. Beaucoup de quêtes sont également très difficiles et vous pouvez rapidement finir « bloqué » dans le jeu, à explorer des donjons pour faire progresser vos personnages et voir au hasard si une nouvelle quête plus accessible ne s’est pas débloquée. Une liberté déconcertante si vous êtes du genre à être guidé. On en arrive du coup à prendre plusieurs dizaines et dizaines d’heures à vadrouiller sans repère et faire de nombreux combats. Pour ceux en quête d’un RPG libre avec de gros challenges à surmonter, il va sans dire que Romancing SaGa 3 sera un jeu à votre portée. Pour d’autres, il faudra s’armer d’un guide quelconque pour savoir ce que vous devez ou pouvez faire et ainsi pouvoir avancer plus aisément dans cette expérience très atypique dans le genre. Avouons une chose, ce genre de liberté permet à chacun de vivre une aventure unique, car les événements ne s’enchaînent jamais dans le même ordre. Sans parler du fait que chaque protagoniste propose tout de même quelques quêtes et développements propres à sa route. Le 100% sera ardu.
Aléatoirement unique
L’exploration sur le monde de Romancing SaGa 3 se fait via des lieux que l’on doit d’abord sélectionner sur la carte du monde, qui est elle-même divisée en plusieurs régions. À l’époque, cela participait potentiellement à donner une idée de monde vaste. Cependant, il faut avouer qu’on aurait préféré une simple liste de lieux à sélectionner avec un point indiquant où l’on se situe et où l’on se rend sur ce monde. On a à la place une carte divisée en plusieurs zones et on se prend la tête avec notre croix directionnelle pour changer de région et essayer de sélectionner la ville ou le donjon dans lequel on désire se rendre. Une mécanique assez inconfortable à l’heure actuelle, mais ceux qui ont choisi d’entreprendre cette vieille aventure d’il y a 25 ans se sont normalement déjà préparés à cela. En ville, vous avez accès aux classiques auberges et boutiques, ainsi qu’aux interactions avec les PNJ. Sachez que le bar peut également vous permettre de virer l’un des 6 membres de votre groupe, vous pourrez éventuellement le recruter à nouveau ; sachant que les combats ne vous autorisent la présence que de 5 personnages, ce qui signifie que le dernier à l’arrière n’est qu’un renfort. D’ailleurs parlons justement des affrontements : hormis les boss qui sont souvent terrés à la fin d’un donjon, malgré l’âge de Romancing SaGa 3, les rencontres ne sont pas aléatoires. Les monstres sont visibles par une silhouette sombre et le combat démarre lorsque votre personnage à l’écran touche la silhouette. En le touchant à l’arrière vous prenez l’avantage, si en revanche le monstre vous touche en pleine course votre formation de combat est brisée.
Le système de combat de Romancing SaGa est unique en son genre, certains diraient même en avance sur son temps. Tout d’abord il s’agit, comme on le disait, de définir sa formation à adopter en combat selon le nombre de combattants que l’on souhaite utiliser. Elles sont nombreuses et vous pouvez échafauder de nombreuses stratégies selon la formation que vous adopterez. Nous ne sommes pas juste en présence d’un système où vous choisissez juste qui mettre à l’avant de la formation et qui mettre à l’arrière. Dans une formation “Chacun pour soi”, tout le monde lance des offensives normales et tout le monde est sensible aux attaques de la même façon. Mais vous pouvez très bien choisir d’adopter une formation augmentant la vitesse de certains membres, ou encore d’avoir un personnage qui attirera les offensives sur lui tandis que les autres attaquent à l’arrière. Ensuite, dans Romancing SaGa, exit les classiques montées de niveaux accompagnées des montées de stats selon un système de points d’expérience gagnés en combat. Après l’exploration libre et aléatoire du monde, faites place à la progression aléatoire de vos personnages. Du moins, plus ou moins aléatoire.
Vos personnages ont des stats, des équipements et un rang d’arme. Vous êtes libres d’équiper l’arme que vous désirez à vos protagonistes, même celles qui ne leur sont pas spécialement recommandées. Sur une session, vous pouvez équiper des armes ou des objets à utiliser en combat et, sur une autre session, équiper des pièces d’équipements de défense et accessoires. Utiliser plus ou moins une arme avec un personnage augmentera son rang d’arme. Cela peut également vous permettre de débloquer une technique de combat lié à cette arme. Ce déblocage se fait de manière totalement aléatoire, un peu comme si une roue tournait à chaque fois que vous attaquiez avec une arme et que cette roue s’arrêtait sur “rien” ou “nouvelle technique”. Il nous est arrivé d’apprendre une technique à un moment mais de reset le jeu sans sauvegarder, puis d’apprendre une toute autre technique, voire rien du tout, en relançant la même partie. Chaque technique possède ses propriétés et consomme plus ou moins de SP. Les SP sont assez précieux au début, ce qui fait que vous préférez certainement les dépenser pour des combats importants et donc utiliser des techniques consommant 0 SP. Notez qu’en montant de rang d’arme, vous pourrez éventuellement diminuer cette consommation de SP. Aussi, sur le menu principal hors combat, lorsque vous désirez jeter un œil à vos techniques, vous en verrez certaines affichées avec une police de couleur bleu. Cela veut dire que vous pouvez définitivement apprendre cette technique et un autre personnage du groupe pourra également l’acquérir via apprentissage. Il faut aussi souligner qu’au total, un personnage peut mémoriser 8 techniques. On précise bien au total et pas 8 techniques par arme. Ce qui signifie qu’il arrivera à un moment où vous pouvez croire qu’il n’y a plus de techniques à débloquer. En fait, il se peut que vous ayez simplement atteint ce maximum. On vous recommande simplement d’apprendre vos différentes techniques, puis d’oublier celles que vous jugez inutiles à vos stratégies pour en apprendre d’autres. La cerise sur ce système complexe, c’est que Romancing SaGa 3 ne vous apprend rien et qu’il vous faudra découvrir ça par vous-même sur le tas ou en lisant le manuel de jeu.
Et cette complexité et unicité ne s’arrêtent pas là. Comme on vous le disait, on ne monte pas de niveau dans ce jeu. Mais à la fin du combat, il est fréquent que vos personnages augmentent des SP, des HP et des MP de manière aléatoire. Et cet aléa participe à forger la difficulté du jeu. Il ne s’agit pas de monter de niveau pour augmenter ses stats et franchir un obstacle, il s’agit de faire des combats afin d’essayer de faire progresser les stats de nos personnages en jouant avec cette roue du hasard. On peut comprendre que beaucoup abandonneront, pour les challengers il y a toujours un sentiment gratifiant de passer du temps sur quelque chose et résoudre un problème. Au-delà de ces mécaniques, Romancing SaGa 3 propose des expériences variées toutes aussi uniques. Il arrive qu’on ait affaire à des “Combats de Masse”, c’est-à-dire que l’on peut prendre part à un conflit et diriger une armée contre une autre. Le but étant de remporter le combat selon un système en temps réel, où l’on utilise le moral de son armée pour mener des offensives ou entamer une retraite. On peut également avec Mikhail se placer sur le trône et avoir un mini-jeu, où l’on gère les affaires du Royaume. Avec Thomas, on a même un mini-jeu de management d’une entreprise, où l’on tente de faire l’acquisition des différents commerces du monde de Romancing SaGa 3. Des idées et expériences qui peuvent nous plonger encore plus profondément dans l’univers du jeu et nous rapprocher des différents protagonistes du jeu.
Enfin, que ce soit en portable ou sur votre écran TV, le travail de remaster de Square Enix est louable. On a un pixel art très joli et plein de détails, peut-être moins bon que le fameux HD-2D d’Octopath Traveler. Pourtant, on peut saluer les beaux environnements, les décors ainsi que les aires de combats avec de beaux détails et des design de sprite encore aujourd’hui très beaux à voir. L’OST est également de qualité, avec des thèmes de combats de grande qualité, sans parler des bruitages d’époque qui parleront aux plus nostalgiques. Ce remaster HD permet au développeur d’ajouter un donjon supplémentaire, avec quelques dénouements et scènes inédites pour les personnages, mais rien de bien transcendant. On a toujours de nombreux textes en anglais ici à lire, défilant à une vitesse de tortue. Puis une petite imprécision de saisie de commande de temps à autres. Alors que l’on souhaite juste descendre d’un cran pour lancer une technique, on se retrouve à lancer une technique qui se situait beaucoup plus bas dans la liste des capacités. Un problème de sensibilité peut-être, mais cela peut vous jouer de mauvais tours. Romancing SaGa parlera beaucoup aux experts du RPG amoureux de l’ambiance d’époque mais on aura du mal à le recommander de manière générale.
Conclusion
Romancing SaGa 3 ne sera à recommander que pour les vétérans du genre, et notamment à ceux qui cherchent du challenge ainsi que du dépaysement à travers ses mécaniques, qui étaient certainement avant-gardistes pour l’époque. Pour les amateurs curieux qui désirent tenter l’expérience, un guide et un mode d’emploi devra être ouvert en permanence afin de ne pas être totalement perdu et bloqué dans le jeu. Cela reste un beau cadeau de la part de Square Enix, publiant pour la première fois et rendant accessible à l’occident ce monument de leur catalogue.
LES PLUS
- 8 personnages, 8 aventures
- Voyager et explorer le vaste monde au hasard
- Le gameplay original, unique
- Et des expériences variées
- Du challenge en veux-tu en voilà
- Un beau remaster avec de jolis détails
- De belles musiques entrainantes
- Un donjon supplémentaire et quelques bonus
LES MOINS
- Les nombreux personnages du jeu que l’on oublie
- Les amateurs seront totalement perdus
- La progression hasardeuse qui peut rebuter
- Beaucoup de farm
- Petite imprécision du curseur ?
- Expérience très difficile qui peut décourager
- Aucun tutoriel pour expliquer les choses
- Et s’il y en a un, il est certainement en anglais
jeu a l’ancienne 🙂
Exigeant mais bon
L’anglais en point négatif? mouais…
Ca le sera toujours a ce niveau. Certes les fans du genre ont desormais appris a connaitre l’anglais pour pouvoir faire ces jeux qu’ils aiment mais on devrait pas forcement et pouvoir apprecier les jeux dans sa langue surtout en 2019.
Subjectivement ca ne me derange plus mais je peux comprendre le defaut que ca peut representer