« Extrait du journal de bord : 13 octobre, la brume, la nuit. Après quatre semaines à écumer la zone arctique, la folie guette sur notre navire plein de rouille. A quelques lieues d’une île aux mystérieuses lueurs, Wilfrid, notre sous-officier a été porté disparu au petit matin. C’est le sixième… »
En partant de cette bonne vieille ville de Londres, Sunless Sea nous permet en effet d’explorer des océans sombres et de vivre l’effroi sous divers prétextes, et ce dans un véritable délire lovecraftien. Soyez sur vos gardes ! Sur une mer d’huile, dans l’obscurité la plus totale surgira une créature à la fois gigantesque et innommable : œil géant, être tentaculaire indescriptible, hybridation improbable, Grand Ancien d’un temps et d’une galaxie inconnus… Eparses visions de terreur qui feront monter le trouillomètre au plus haut. Pour sûr, le jeu distille une tension palpable, laquelle est augmentée par une difficulté élevée. Risette, éternelle risette, la mort vous fera. Dommage que les combats à base d’exocet soient frustrants, même contre un bataillon de méduses à l’air inoffensif. Le maniement de notre navire et la visée ne sont pas confortables, et la perte de points de vie est souvent irréversible.
Heureusement, la mort ne sera pas une fin. Bien sûr après un game over, nous devrons créer un tout nouveau personnage (voué lui aussi à une mort certaine) et repartir depuis Londres, éternel point de départ. Mais on pourra bénéficier d’un héritage, et conserver quelques avantages ou équipements que nous aura laissé notre précédent capitaine (Paix à son âme !). Pour résumer ce principe, notre aventure est donc une chaîne de capitaines de bateaux qui connaîtront, à une exception près, des destins funestes. On peut rapprocher le jeu au genre qu’est le Rogue Like dur sur l’homme. Mais cette fois-ci, il y aura une grosse, une énorme part d’aventure textuelle. Car si elle est poivrée de séquences « live » d’exploration et d’action, l’aventure se vit surtout par la lecture.
L’aventure se raconte par le biais de chapitres et d’onglets, lesquels nous renvoient, à la manière des livres dont vous êtes le héros, à d’autres chapitres et à pléthore de choix multiples à mesure que l’on explore les îles. Nos actions vont bien sûr générer tantôt de bonnes surprises (gain de fuel, de nourriture et autres trouvailles ou bien recruter un nouvel équipier etc.) tantôt des mauvaises (points de terreur en plus, points de vie en moins…). L’interface, complexe, pleine de ramifications, demande un long temps d’adaptation. Par exemple, il faudra se frotter à quelques incompréhensions, et grattages de barbe, pour optimiser un minimum notre embarcation. Attention à ne pas boire la tasse.
Dans Sunless Sea, le plus difficile ne sera donc pas d’affronter d’effroyables créatures venues du fond des mers, mais bien d’entrer dans l’aventure elle-même. Si par malheur votre anglais se résume à un niveau scolaire passable, vous risquez de rester échoué sur la grève. Sorti ultérieurement sur PC en 2015, les développeurs n’ont jamais consenti à traduire le jeu. Et la version Switch, pourtant agrémentée d’ajouts comme celui d’être aux commandes d’un sous-marin (d’où le sous-titre : Zubmariner Edition), est du même tonneau. Le jeu s’adresse exclusivement aux anglophones, voire aux anglophiles : le discours y est soutenu, littérairement parlant et le texte omniprésent !
Conclusion
Ambiance lovecraftienne exquise et tension montante sur des océans sans nom, Sunless Sea est une réussite dans le genre horrifique… Hélas, le jeu est à réserver à une élite de joueurs patients, se tortillant la pointe de la moustache, et pratiquant, la pipe au bec, l’anglais avec aisance.
LES PLUS
- Ambiance exquise
- Frissons garantis
- Un livre-jeu à l’ancienne
- La difficulté, redoutable !
LES MOINS
- A réserver aux anglophones
- Système de combat moyen
- La difficulté, redoutable !