Pour ceux qui ont connu les VHS des années 80, à base de scream queens, de monstres en latex et de geysers de ketchup, Carrion rappellera de bons souvenirs ! Mais cette fois-ci, le jeu inverse les rôles : nous n’incarnons pas le gentil héros, arme au poing, la peur au ventre, errant dans un sombre complexe futuriste mais une créature digne des meilleurs films d’horreur, un mélange d’Alien pour le côté carnassier, de The Thing pour l’aspect polymorphe (et même parasitaire) et de notre ami à tous, le Blob, sympathique gelée gloutonne (et grumeaux bien dégueux inside).
A peine sorti de notre tonneau radioactif, nous devons survivre coûte que coûte, grandir et contaminer ce tout nouveau monde qui s’offre à nous. Notre nourriture, abondante, sera composée à 100% d’humains, lesquels crieront de terreur à notre vue ou nous arroseront de mitraille pour peu que ces bougres soient armés. En effet, nous n’avons pas une gueule de porte bonheur : une multitude de bouches dentées, lesquelles cisaillent pour mieux mâcher, et d’innombrables tentacules, frétillants et visqueux, qui s’immiscent partout. A mesure que l’on bouffe, se tortore et ripaille, sachez -et c’est amusant de le savoir- que nous grossissons à vue d’œil.
L’addiction à un jeu tient parfois à quelques détails, quel que soit ses défauts. Ici, le maniement de la bestiole est tout simplement génial. L’animation est divine, les bruitages de succion sont raccords. La physique qui anime la bestiole défie la gravité et la logique purement humaine. La créature est informe, n’a pas de haut ou de bas, s’enroule sur elle-même, s’allonge, se compacte, se meut avec grâce, grâce à ses tentacules. La contrôler est un véritable plaisir et amplifie même notre désir de tout massacrer virtuellement, en forçant les portes toutes tentacules dehors, en projetant notre lourde masse sur de pauvres laborantins, techniciens de surface et ingénieurs en costard cravate… LA toute-puissance incarnée (rappelant même celle de l’oie blanche dans le célèbre Untitled Goose Game).
Le jeu est gore, ultra-gore ! Les affrontements sont brefs et nerveux. Ils ont le défaut de se répéter parfois, au début surtout, mais la difficulté arrive à point nommé dans la seconde partie du jeu avec son lot de militaires, drones et autres robots bipèdes. Il sera alors temps à ce moment-là de privilégier une approche moins bourrine et de nous servir, par exemple, des coursives pour se la jouer infiltration, et « suspens » alors que les soldats sont piégés dans la salle centrale, ou mieux d’abuser de nos nombreux pouvoirs.
Les pouvoirs, que l’on gagne au fur et à mesure que l’on trouve les tonneaux durant notre périple, nous obligent à jouer sur notre taille. Manger nous fait grossir, inexorablement, et c’est à cette seule condition que l’on pourra user de certains pouvoirs. Mais d’autres pouvoirs (l’invisibilité par exemple) sont exclusifs à notre forme la plus primitive. Il faudra donc pour les utiliser abandonner une partie de notre masse corporelle, en formant des cocons dans les mares de gelée que l’on croisera. Un concept excellent qui amène fatalement à se creuser les méninges. Nombreux sont les passages, sous forme d’énigmes, qui nous obligera à faire des choix purement caloriques.
Car étonnamment, avant même d’être un jeu d’action ou un jeu d’horreur, Carrion est un jeu d’exploration. Le complexe futuriste se partage entre laboratoires, mines abandonnées, bouts de jungle, centrale nucléaire et autres bunkers et est connecté de bout en bout. L’absence de carte (ce qui est logique, nous sommes une bestiole et nous n’avons pas de sac à dos pour la ranger) n’est pas une mauvaise chose en soi, ça nous oblige à réfléchir un minimum notre exploration.
Il est dommage néanmoins qu’une fois les zones visitées et nettoyées, on ne se sente plus obliger d’y retourner (à une ou deux exceptions près). Il n’y a pas de respawn des ennemis et les pièges désactivés le sont ad vitam. Une fois les zones explorées (et les quelques tonneaux retrouvés), ce sont juste de longs couloirs vides dans lesquels on peut largement se perdre, et errer sans fin (rappelez-vous, on n’a pas de carte). Au final, le jeu reste assez linéaire et décevra peut-être les puristes qui s’attendaient à jouer à un véritable metroidvania. La durée de vie est néanmoins correcte, six heures à vue de tentcule, et le jeu se termine à point nommé, avant que l’on puisse se lasser du concept.
Une maxime, presque la même : l’addiction à un jeu tient parfois à quelques détails, un bout de tentacule par-ci, un coup de dents par-là… En plus de sa créature délicieusement affreuse, Carrion décline son pixel art avec élégance et goût ; et la musique, lorgnant sur celles des films SF horrifiques, est juste parfaite. Mais surtout, le jeu n’est pas dénué d’humour. Sans parler de la scène finale, joyeusement nihiliste, difficile de ne pas sourire lorsque notre gigantesque « Blob » se contient avec peine dans une minuscule cabine d’ascenseur… Et agite, de manière fébrile, un petit tentacule pour actionner l’interrupteur.
Conclusion
Gore, mais pas que. Carrion s'avère être un excellent jeu d'exploration où chose amusante, on incarne un amas difforme, plein de protubérances et de dents pointues. Le genre à tout bouffer devant lui. Si on peut regretter sur la fin une certaine linéarité, alors qu'on a la promesse d'un petit monde hyper connecté, Carrion captive jusqu'au bout, grâce à son gameplay extraterrestre tout simplement jouissif. Parole de poulpe martien : les humains n'ont qu'à bien se tenir !
LES PLUS
- La bestiole est ZE "Star du jeu"
- Gameplay jouissif
- Animation divine
- Énigmes bien troussées
- La bestiole
- De l'exploration sans carte, enfin !
- La bestiole
- Du gore qui tâche
LES MOINS
- Somme toute, c'est linéaire
- Gare à ne pas vous égarer !
- Parfois répétitif