Paradise Killer n’est pas un jeu (ouais, il commence d’enfer ce test). Non, tel Myst en son temps, Paradise Killer est d’abord une expérience vidéoludique. Il est donc très difficile de le noter, car comme toute expérience, elle dépend aussi de l’expérimentateur. Suivant vos attentes, elle pourra soit vous enchanter pour une vingtaine d’heures, soit vous dégouter en une heure de temps.
Premier titre du studio anglais Kaizen Game Works composé de deux vétérans de l’industrie, Paradise Killer va d’abord vous perdre dans ses méandres et, sans vous donner toutes les réponses, vous faire vivre une vraie enquête. Oubliez toute assistance, ce sera à vous de vous faire vos propres conclusions. Le jeu étant entièrement en anglais, il vous faudra une bonne maîtrise de la langue de la perfide Albion (les amateurs de rugby se régalent là) pour profiter du titre.
Phoenix Wright chez les satanistes
La première chose que vous allez devoir assimiler, c’est le background. On n’a pas encore commencé à jouer que les informations s’enchaînent : vous êtes dans une dimension parallèle qui est une île paradisiaque – okay – celle-ci a été créée par une organisation : le syndicat dans le but de vénérer des dieux extra-terrestres morts – okayyy – le leader du syndicat : Montserrat a cherché à ressusciter les susmentionnés dieux et pour cela, il force les citoyens à accomplir des rituels psychiques – okayyyyyy – mais l’expérience a foiré quelque part et des démons ont débarqué sur l’île, obligeant le syndicat à créer une autre île et à recommencer – je vous jure je blague pas et je suis à jeun – et comme ça s’est reproduit plusieurs fois, l’histoire commence sur l’île n°24 à la veille du déplacement vers la vingt-cinquième.
Maintenant, l’histoire peut commencer : vous incarnez Lady Love Dies, une ancienne investigatrice du syndicat qui a été bannie il y a de cela 3 004 769 jours (ça fait quand même 8226 ans, même Napoléon n’a pas fait mieux) et qui est rappelée en urgence, parce que sur Paradise, c’est la crise : les membres du conseil ont été assassinés ! Stoppant net le transfert en cours vers l’île 25.
Bien sûr c’est à vous de mener l’enquête. Enfin, à peine sortie de votre retraite, la juge vous précise quand même que le coupable est déjà arrêté, incarcéré et prêt à mourir. Bon, vous n’êtes pas née de la dernière pluie et vous sentez bien que tout ça ça pue le coup monté à plein nez. Mais qui sont les responsables ? C’est ici que Paradise Killer commence.
A la manière d’un Phoenix Wright, il va vous falloir mener vos investigations en alternant les phases d’interrogatoires, de collectes d’indices et pour finir passer par le tribunal. Mais si le principe est identique, la manière d’aborder le jeu d’enquête est complètement renversée. Ici, pas de lieu pré-choisi à visiter, ni de personnages à rencontrer pour faire avancer l’enquête. Vous êtes complètement libre. Et cette liberté est double :
- libre dans votre manière de mener l’enquête : vous pouvez si vous le souhaitez proposer votre coupable au bout de 5 minutes, même s’il a peu de chance d’être déclaré coupable.
Le jeu ne fait que souligner les indices et bien sûr les protagonistes ne font que vous enduire de plusieurs couches d’erreurs en multipliant les fausses pistes et autres témoignages incomplets sur leurs alibis et leurs mobiles.
- libre dans vos déplacements aussi : dès le début du jeu, vous avez accès à l’île tout entière. Le sentiment de désorientation est intense en début de partie. Heureusement, un radar vous indiquera la position des personnages et autre lieu du crime.
Lady Love Dies l’exploratrice
Vous déambulez dans un monde en 3D, assez propre, mais complètement vide. Ce qui pourrait passer pour un manque d’ambition d’un tout petit studio est ici justifié par le scénario et ne gêne pas du tout. On se promène sur l’île alternant, suivant nos envies, les phases directes d’enquête ou la simple promenade. Et surprise, des fantômes peuplent l’île et nous confient différentes missions qui, si elles ne sont pas en lien direct avec notre affaire, nous apporteront une aide bienvenue lorsqu’il faudra désigner le coupable.
Là aussi, les habitants de l’île étant immortels, pas besoin de se presser. Prendre son temps pour aider nos fantômes ne pose aucun souci de conscience si l’enquête principal est en stand-by. (pas d’effet Witcher 3 : je pars à la recherche de Siri / je vais aider le bouseux à sauver son troupeau…).
Il va falloir, pour faire éclater la vérité, si celle-ci vous préoccupe… passer beaucoup de temps à rechercher toutes les cachettes qui pourraient contenir des objets intéressants. Encore une fois, cette partie est optionnelle, mais Paradise Killer ne dévoilera son histoire et le sort des 23 premières îles qu’à ce prix. Vous débloquez aussi plusieurs musiques de cette façon. Cette phase d’exploration se fera en mode chill avec parfois des passages un peu plus plateforme, mais rien de vraiment compliqué.
Pour vous aider dans votre dur labeur, Lady Love Dies dispose de Starlight, son ordinateur qui regroupera les faits importants pour vous, vous aurez aussi à disposition une carte de l’île, mais celle-ci est quasiment inutilisable car trop petite et non zoomable. Pour vous déplacer, vous avez à disposition des téléporteurs payants, là aussi c’est dommage, car la monnaie du jeu (des cristaux de sang…) est aussi utile pour débloquer des capacités de notre ordinateur ou pour payer une informatrice. Les déplacements à pieds seront donc votre quotidien par peur de manquer de cristaux de sang, ce n’est jamais frustrant car le level design de l’île est intéressant : pas de couloirs rectilignes ici, beaucoup d’intersections, de niveaux différents et accessibles par différentes voies.
Il y a beaucoup d’intelligence dans la création de cet open world, ce qui vient encore accentuer la sensation d’exploration et la perte de repères. Les environnements rencontrés sont assez semblables même si plusieurs influences (égyptiennes, aztèques, européennes) se rencontrent, venant casser la monotonie du voyage.
Si le monde est en trois dimensions et réaliste, les personnages sont en deux dimensions, dessinés à la main et complètement surréalistes. Lady Love Dies est une espèce de vamp qu’on peine à comparer à Julie Lescaut. Entre une architecte contorsionniste et un médecin à crête rose entre autres, il y a de quoi vous surprendre. Très souvent un démon viendra vous tenir compagnie, doté d’une esthétique particulière, ses interruptions seront toujours savoureuses et dérangeantes.
Pour vous entraîner encore plus dans son trip, Paradise Killer est doté d’une musique qui colle parfaitement à l’exploration. Avec des intros qui vous rappelleront des classiques du jeu vidéo pour se transformer en musique d’ambiance parfois rythmée, détendue et/ou surprenante. Les pistes sont disponibles sur Bandcamp : ici.
Comptez une vingtaine d’heures pour venir à bout du titre en ayant soigné votre exploration et les enquêtes secondaires.
Conclusion
S’il n’est pas exempt de défauts avec sa carte peu accessible et ses décors sans vie, son histoire et son univers sont largement suffisants pour donner envie d’aller toujours plus loin et de découvrir les secrets de l’île. Une bonne maîtrise de l’anglais vous seront toutefois nécessaire pour en profiter. Paradise Killer mélange adroitement exploration, enquêtes et visual novel dans un titre qui ne vous laissera pas indifférent : vous accrocherez à ce titre ou ne lui trouverez aucune qualité. Tout dépendra de ce que vous attendez d’un jeu vidéo : qu’on vous raconte une histoire ou qu’on vous la fasse découvrir. Les développeurs voulaient offrir de la liberté aux joueurs : ils ont réussi !
LES PLUS
- Le lore
- La direction artistique surréaliste
- Les dialogues
- La liberté
LES MOINS
- La carte
- En anglais uniquement