Un corps vient d’être retrouvé dans une boîte de nuit tenue par un chef mafieux. En compagnie de ce pesant personnage et de ses hommes de main, une enquêtrice va reconstituer le parcours sinueux du tueur. Et ce tueur à capuche, au visage indistinct, c’est nous ! Nous allons faire les choix à travers des flashbacks et à mesure que la reconstitution dénoue les fils d’une ténébreuse histoire…
Oui, le joueur va devoir abandonner son petit monde de pixels qu’il aime tant pour celui, à la fois inconfortable et néanmoins stimulant, de la fiction à choix multiples avec de véritables acteurs de chair et de sang. Avec ce tout nouveau film interactif signé par un studio russe, difficile de ne pas évoquer Bandersnatch, l’épisode interactif de la série Black Mirror diffusé sur Netflix, lequel projet a bénéficié d’un budget autrement plus confortable. Même si le résultat a pu diviser un public peu habitué à faire ses propres choix, Bandersnatch était renversant en termes d’interactivité, dopé par une histoire excitante, en mode matriochka, laquelle n’hésitait jamais à briser les conventions.
Budget modeste oblige, She Sees Red ne joue peut-être pas dans la même catégorie, mais abat ses cartes avec astuce et professionnalisme. Le huis clos, ici, est une manière habile pour le réalisateur de resserrer l’action sur un lieu unique de tournage, celui de l’arrière-boutique d’une boîte de nuit. La mise en scène s’avère léchée. La photo, le montage et les acteurs (de bonnes « gueules » de mafieux) relèvent du cinéma. On est en effet bien loin des jeux en FMV des années 90 comme les Night Trap et autre Crime Patrol qui lorgnaient vers la série Z, et qui ont cantonné le genre, des décennies durant, dans la case « cheapos et ringard ». Ici, nous avons droit à un métrage nerveux, variant avec brio la nature de ses scènes entre enquête, suspens, action (scène de baston mémorable) et même du gore des plus inattendus.
She Sees Red reste néanmoins modeste dans ses ambitions, le joueur le ressentira par sa durée. Il suffira d’une trentaine de minutes pour voir le générique de fin et de quatre runs pour faire le tour complet de ce film interactif. Non sans lassitude, car même si le jeu promet quatre fins, les chemins pour y parvenir se répètent et n’ont pas forcément l’impact espéré. Grosso modo, on choisira surtout la tournure du début et de la fin, la trame entre ses deux extrémités restant plutôt balisée.
Durant un run, le joueur aura droit à une moyenne d’une grosse dizaine de choix, entre deux actions, ce qui peut paraître un peu chiche. Mais le résultat a tout de même le grand mérite de fonctionner, de nous tenir en haleine au moment de la découverte. Quelques révélations sur l’histoire, distillées au fil des différents runs, permettent d’atténuer le sentiment de répétition lors des parties suivantes.
Côté son, on a le choix entre la version originale en russe et un doublage anglais acceptable. La présence des sous-titres en français (parmi une pléthore de langues) est plus que bienvenue, même si on a droit à quelques décalages entre l’apparition du texte et la voix de l’acteur.
Techniquement, il est dommage que cette version Switch souffre d’un lag qui gâche un peu l’immersion. L’image, d’une excellente résolution, saccade par moments. Cela n’empêche pas de jouer et d’apprécier l’histoire ou la réalisation d’ensemble, mais en 2020, ça fait un peu tâche d’avoir l’impression de regarder un film en streaming, avec une mauvaise connexion…
Conclusion
Saluons le studio pour sa tentative de nous sortir du monde des pixels pour celui de la full motion vidéo. À l'ancienne. Le huis clos dans lequel il nous embarque est réussi ; l'histoire est captivante au moment de la découverte, avec un lot de scènes chocs plutôt inattendues. Dommage que le film soit très court (½ heure pour le premier run) et que l’interactivité soit encore limitée à une poignée de choix...
LES PLUS
- Une mise en scène efficace
- Les acteurs sont excellents
- Des révélations au fil des runs
- Des sous-titres en français
LES MOINS
- L'image saccade par moment
- C'est court !
- Interactivité limitée