Sakuna: Of Rice and Ruin est certainement le premier projet principal de la petite équipe d’Edelweiss représentée cette fois-ci par Marvelous, un éditeur majeur de notre industrie du Jeu Vidéo. Un titre qui ne cesse d’intriguer depuis son annonce, par son ambiance, son gameplay et son originalité et qui s’apprête enfin à fleurir sur nos Switch. Nous avons eu la chance de cultiver le riz de cet Action-RPG. Après avoir labouré les champs puis planté les premières pousses de riz jusqu’à son battage, nous relevons enfin la tête, notre tâche accomplie ainsi que l’aventure que nous venons de vivre avec Sakuna.
L’histoire d’une Déesse gâtée exilée sur une île démoniaque
L’atmosphère est sombre, mais cela ne nous empêche pas de noter que la traduction est uniquement en anglais. Cet anglais sera l’intermédiaire obligatoire et seuls les habitués du JRPG localisé non traduit en français seront aptes à vivre convenablement l’aventure qui les attend. En omettant cette note, on distingue, sous fond embrumé, un pont sur lequel avancent cinq personnes d’un pas lourd rappelant une démarche de zombie. Une mystérieuse voix défend ces individus de poursuivre leur route sur ce chemin qui semble lié à une sorte de Royaume Divin interdit aux mortels. Une route, poursuit la voix, qui ne laisse aucune possibilité de retour en arrière une fois parcourue en entier.
Les individus continuent d’avancer comme si ces mots ne leur étaient jamais parvenus aux oreilles. Le timbre de la voix montre une certaine nervosité face à cet entêtement et poursuit sa mise en garde d’une voix de plus en plus colérique. Apparaît alors un individu de grande taille, en armure, muni d’un sabre. Il dégaine, résolu à en découdre avec le groupe. Venant de l’autre côté du pont, une figure noble de femme fait son apparition. On devine rapidement au timbre de sa voix que cette dernière est sous l’emprise de l’alcool (de riz). Pourtant, la mystérieuse voix du début semble qualifier cette dernière de “Princesse”. Une petite embrouille oppose le soldat et la mystérieuse jeune femme.
Brusquement, celle-ci envoie valser l’individu par-dessus le pont d’un simple coup de pied. Elle se tourne alors vers les cinq autres afin de leur dire de simplement de faire demi-tour chez eux et ne pas poursuivre leur route. Elle revient alors sur ses pas aussi mystérieusement qu’elle est apparue en marmonnant qu’elle part poursuivre son banquet. Les cinq la suivent, avec l’idée vraisemblable de jouer les pique-assiettes.
De son nom Sakuna, notre princesse retourne festoyer à la capitale Mihashira aux côtés de son gardien Tama et de son amie Kokorowa. On apprend alors que la mystérieuse voix du pont comme était celle de Tama et l’on constate le caractère trempé, voire énervant, de Sakuna. Une princesse dont on devine rapidement la vie opulente sans aucun tracas apparent. Du moins jusqu’à ce qu’elle s’aperçoive que les mortels ont finalement débarqué dans la capitale divine. Craignant les éventuelles sanctions de Dame Kamutsuki, celle qui semble être la plus grande autorité des dieux de ce royaume, notre héroïne insupportable se lance à leur poursuite à travers la capitale.
Sakuna retrouvera les cinq individus dans un entrepôt de la Capitale Mihashira. Ceux-ci s’enfuiront en la voyant arriver, renversant une lampe qui par enchaînement des choses démarrera un incendie dans cet entrepôt d’offrandes de toutes sortes, incluant du saké. Une explosion s’ensuit et l’on retrouve les cinq personnages ainsi que Sakuna face à la gigantesque Déesse Kamutsuki. Le pont reliant le Monde des Dieux et celui des Mortels semble impraticable pour une période indéterminée. La Déesse Kamutsuki sanctionne ainsi tout ce petit monde ainsi que Sakuna et les exile sur l’île des Démons, l’île Hinoe.
Un nouveau mythe nippon à raconter autour du repas
Cette île a été débarrassée des démons par les parents de Sakuna par le passé. Les monstres semblent revenir de plus en plus nombreux et notre petit groupe a pour mission de purger l’île de nouveau. Nos compères vont retrouver le foyer abandonné de la famille de Sakuna. Celle-ci est une déesse des récoltes. Tama est son gardien et nous explique très vite que la puissance de notre princesse gâtée est soumise à la qualité du riz récolté.
Parmi nos cinq contrevenants mortels, Tauemon est un ex-bandit qui a tout raté, Myrrthe est une évangéliste venue au royaume de Yanato afin d’y prêcher sa foi avant de finir comme esclave du groupe de bandit du premier cité. Les trois enfants les accompagnant sont Kinta, Yui et Kaimaru. Chacun de ces personnages ayant un rôle auprès de nous. Commençons justement par Tauemon, malgré ses échecs dans la vie, il connaît toute la théorie sur la culture du riz. Ainsi, c’est en suivant ses conseils que Sakuna cultivera du riz afin de gagner en puissance et explorer toujours plus en profondeur l’île Hinoe. En avançant dans le jeu, il nous livrera même des informations météorologiques, données importantes s’il on veut cultiver le meilleur riz possible. La météo est d’ailleurs modifiable dans ce monde divin en priant la grande Déesse Kamutsuki.
Myrrthe reste sous le toit principal de l’exploitation de riz. Elle s’occupe du repas grâce à ses connaissances accumulées durant son périple jusqu’à Yanato avant d’être faites esclave et arrivées sur le territoire des Dieux. Il est possible de lui donner des ingrédients que nous récupérons durant notre exploitation afin d’en faire des préparations pour le dîner. Nous pouvons agrémenter le menu, et chaque recette nous donne temporairement des bonus de statistiques ou des attributs bonus temporaires pour une journée. Notons aussi que les ingrédients frais ont une date limite de conservation et peuvent pourrir. Les ingrédients périmés peuvent toujours servir d’engrais pour le riz.
Aussi, le dîner peut, si on le désire, faire passer le temps jusqu’à l’aube de la journée suivante. Autre chose intéressante lors du dîner, les saynètes entre les différents personnages du jeu. Un peu comme lorsque l’on prend un repas autour de la table avec notre famille et nos amis. Ces échanges sont l’occasion souvent de développer les différents et d’en apprendre plus sur eux. Ces saynètes peuvent être passées, mais sont très intéressantes et permettent souvent à en apprendre plus sur les personnages, mais aussi sur le pays de chacun d’entre eux, leur culture et croyances religieuses… Un moyen intéressant de développer le lore autour d’un délicieux repas fictif.
En développant tout ce petit monde et progressant dans l’histoire principale, Kinta et Yui trouveront également leur voie et leur rôle de soutien. Kinta se découvrira un don et une passion dans la forge et s’occupera d’utiliser ce que nous minons afin d’en faire de nouvelles armes à équiper pour terrasser plus efficacement les démons. Yui s’occupera de façonner nos accoutrements procurant différents effets passifs et défensifs sur notre héroïne. Reste le petit Kaimaru dont on découvrira la capacité à communiquer avec les animaux. Cela nous aidera à entretenir notre rizière en notre absence. Ainsi, ses chiens peuvent accompagner une des personnes du groupe et permettent de ramener des matériaux en fin de journée.
Sur une ultime note à ce sujet, d’autres personnages déjà présentés interviendront sur notre île et auront un rôle de soutien supplémentaire en avançant dans le jeu. On vous laisse découvrir cela en mentionnant que vous aurez une bonne vingtaine ou trentaine d’heures de jeu avant d’en arriver aux crédits de fin. L’histoire est riche en émotion et plaira à tous les joueurs fans du folklore japonais et des mythes entre Kami et Démon, ici revisités. On a au final un lore très inspiré des récits du Japon antique, mais également de certains éléments de notre culture occidentale à travers le personnage de Myrrthe notamment. Il y a quelques longueurs et le schéma de progression, sur lequel nous allons revenir, nous donne une impression de répéter un cycle qui peut lasser. Mais les personnages deviennent attachants, même Sakuna qui est agaçante au début évolue très bien et l’on sympathise au final avec tout ce petit monde. Dommage que quelques personnages soient en retrait et pas aussi bien développés. Reste que le lore global est particulièrement plaisant et laisse la porte ouverte au développement d’une autre œuvre, piochant parmi les quelques individus restés à l’arrière.
Purge de démon et riziculture
La progression de Sakuna est rythmée par un cycle jour/nuit ainsi qu’un système de saisons divisées en trois jours chacune. Une année se termine une fois que défile chacune des saisons : Printemps, Été, Automne et Hiver. Dans ce cycle de progression, l’aventure connaît deux phases : une de culture de riz en 3D chez Sakuna et une autre d’exploration hack and slash en 2,5D. Une progression véritablement unique dans le genre et l’on salue la Team Edelweiss pour cette prise de risque donnant une certaine fraîcheur à la formule du jeu d’action 2,5D.
Commençons par détailler la phase de culture 3D du jeu. Une prise de risque peut toujours être saluée, mais elle peut se révéler être infructueuse et faire office de simple expérience brouillonne malgré une volonté de variation d’expérience. Ce n’est apparemment pas le cas pour Sakuna où cette interaction 3D semble riche et fortement liée à l’exploration 2,5D. Sakuna possède une parcelle de terre cultivable face à son domicile et il vous appartient de labourer celle-ci, y planter le riz, veiller à l’hydratation de vos cultures, fabriquer de l’engrais parmi bien d’autres possibilités dont certaines se débloquent bien plus tard en fonction de votre volonté à répondre aux requêtes de vos alliés humains.
À l’approche des saisons froides, on récolte les plants de riz, on les fait sécher, on stocke tout ça dans un entrepôt pour les battre puis les décortiquer au marteau-pilon. À la fin, la qualité de votre riz est évaluée. Plus la qualité est au rendez-vous plus votre héroïne Sakuna progresse en gagnant des niveaux avec montée de statistiques. C’est votre unique moyen d’améliorer votre héroïne et la riziculture devient ainsi un élément indispensable à la progression au sein de l’île de Hinoe où vous attendent des démons toujours plus puissants.
Chaque opération de riziculture est interactive avec des semblants de mini-jeux assez laborieux et répétitifs, mais sans doute en est-il ainsi de la (véritable) culture du riz. Il est toujours possible de nous concentrer sur la partie Action 2,5D en laissant un de nos alliés humains travailler à notre place, mais nous prenons ainsi le risque de perdre en qualité de travail. Après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. D’ailleurs en veillant nous-mêmes à la culture du riz, des subtilités semblent se débloquer. Prenons l’exemple de la plantation de riz au printemps. En prenant le temps de le planter nous-mêmes, Sakuna acquiert progressivement des techniques rendant l’opération moins laborieuse. Comme la possibilité de planter deux pousses d’un coup. Et ces subtilités existent pour chacune des opérations liées au riz, de la plantation au battage.
Le HUB en 3D est aussi explorable et visiter la maison de Sakuna est l’occasion de renforcer nos liens avec les humains exilés avec nous ainsi que de débloquer de nouveaux utilitaires comme la forge d’armes dont on vous parlait plus tôt. On vous le mentionnait plus tôt, mais on a la main mise sur ce cycle jour/nuit. On peut à tout moment se reposer chez soi pour faire défiler le temps en se reposant ou après avoir pris un bon repas grâce à Myrrthe pour obtenir certains bonus passifs.
Ainsi, une fois le repas pris, nous pouvons faire défiler le temps jusqu’au matin, faire quelques tâches matinales puis quitter notre foyer pour une exploration de l’île. Nous sommes alors sur une grande carte avec différents lieux explorables selon notre progression dans le jeu et son histoire. On bascule alors dans un Hack and Slash rappelant un peu Oboro Muramasa pour les joueurs ayant pu tâter à ce chef d’oeuvre de la Wii. Le gameplay alterne alors entre phases de plate-forme et batailles à coup d’outils de riziculture contre des hordes d’ennemis démoniaques. La subtilité vient des différentes techniques de Sakuna consommant des MP à l’utilisation. Ces techniques se renforcent avec le nombre d’utilisations que vous en faites. Plus vous les utilisez, plus une jauge de niveau liée à la technique se remplit et plus elle gagne en puissance débloquant également de nouveaux effets secondaires.
Le gameplay s’enrichit également d’une sorte de grappin que l’on peut utiliser en pressant R afin de se déplacer rapidement d’un bout à l’autre de la zone de combat. On peut également l’utiliser sur les ennemis afin de les contourner rapidement et de les lacérer par-derrière. En progressant, vous débloquez également des techniques propres de combat consommant des MP en lien avec ce grappin. Les contrôles sont simples et expliqués dès le début dans la capitale de Mihashira lorsque Sakuna poursuit les mortels dans la capitale divine. On appuie sur Y pour un enchaînement d’attaques rapides d’une arme et X pour une puissante attaque de l’autre arme. Le bouton A sert à employer des techniques spéciales paramétrables sur différentes directions associées.
Soyons honnêtes, les affrontements deviennent parfois brouillons. On tape dans le tas sans distinction, mais l’action est si intense que l’on se surprend à taper dans la mauvaise direction en usant du grappin pour esquiver des attaques. Ce qui nous laisse en proie aux offensives ennemies et peut devenir agaçant. Il arrive qu’il y ait de gros ennemis dans le tas sur lesquels on souhaite focaliser notre attention malheureusement sans succès. Par manipulation, on tend le grappin pour esquiver une grosse attaque en allant derrière lui et on enchaîne nos attaques pour taper non pas sur le gros ennemi, mais sur des laquais ou sur du vide. Une option de lock n’aurait peut être pas été de trop. Surtout que certains combats ne permettent pas ce genre d’erreur, notamment les combats de nuit pour certaines quêtes annexes. En effet, la nuit les ennemis sont beaucoup plus puissants et résistants que le jour et on peut rapidement tomber au combat. Il est possible d’allumer temporairement une torche avec notre stock d’huile le cas échéant.
La progression globale s’articule donc autour de ce cycle quotidien et saisonnier de riziculture ainsi qu’autour de nos aller-retour incessants entre notre domicile 3D et les champs de bataille en 2D. Un cycle que l’on vit au début tranquillement, mais qui peut devenir répétitif à la longue. Surtout que comme tout jeu, le récit au début motive et enchaîne les scènes et évènements. Mais à un certain point au milieu, le rythme de l’histoire se tasse et c’est à ce moment que l’on peut commencer à trouver le temps long en voyant le cycle et les “années” du jeu se répéter avant d’arriver aux enchaînements de la fin. Puis, on avouera que le bestiaire très peu varié du jeu n’aide pas à renouveler énormément l’expérience de gameplay que ce soit au niveau des ennemis aux patterns redondants ou au niveau visuel.
Reste que le studio Edelweiss montre sa maîtrise technique de ce gameplay dynamique puisque la Switch arrive à faire tourner tout cela de manière fluide en dockée comme en portable. On a tout de même quelques drops sur le HUB en 3D, surtout en été lorsque les pousses de riz sont nombreuses et bougent avec le vent. Toutefois, rien de véritablement inconfortable. Quelques drops aussi sur certains décors 2,5D lorsque l’on explore des zones riches en éléments affichés.
Le studio séduit cependant par une patte graphique très colorée, inspirée et chatoyante. Les décors sont détaillés durant les phases d’exploration 2,5D comme dans le HUB en 3D. Les décors sont assez diversifiés entre forêts, grottes, champs de bataille médiévaux ou volcans parmi d’autres. Le rendu des personnages est également très réussi sans oublier une bande sonore de bonne facture en adéquation avec le Japon médiéval folklorique. D’ailleurs, en version japonaise, le dialecte est issu de cette ancienne époque du Japon donnant une certaine crédibilité à l’ensemble alors même que le Royaume de Yanato n’est qu’une fiction inspirée du légendaire Royaume Japonais Ancestral de Yamato.
Conclusion
Si vous recherchez un genre de mélange entre Rune Factory et Oboro Muramasa, Edelweiss a certainement trouvé le meilleur compromis à cela. Le titre attirera facilement vos yeux, son ambiance sonore peut satisfaire vos tympans et son récit ne vous laissera certainement pas de marbre. L’expérience en riziculture est bien construite et peut potentiellement vous en apprendre beaucoup sur la fabrication du riz. Les phases d’actions dynamiques, bien que perfectibles, vous permettront également de vous changer les idées en zigouillant simplement des monstres à gogo en oubliant les tracas des champs de riz. Pourtant, lorsqu’arrive la fin de l’année en observant les sacs de riz empilés dans votre grange et les corps des ennemis entassés sur les champs de bataille, c’est l’impression d’avoir vécu le fameux slogan “Métro, Boulot, Dodo” qui s’empare de nous. Après avoir aidé la Princesse Sakuna à redorer son blason et sauver son monde d’une menace démoniaque, il est temps pour nous de démissionner des champs de riz. Non sans nous rappeler avec fierté tout ce chemin parcouru et toute cette sueur dépensée à bon escient.
LES PLUS
- Réalisation 3D et 2,5D chatoyante et mignonne
- Quelques illustrations de toute beauté
- L’expérience en riziculture
- Des combats dynamiques aux mécaniques efficaces
- L’utilisation de la mécanique de grappin
- Une histoire envoûtante inspirée du folklore japonais
- L’évolution des personnages qui deviennent attachants
- Les histoires autour du repas “familial”
- Des rebondissements et des émotions
- Un lore ouvert à d’autres récits
- Une longue durée de vie pour un “ARPG”
- La bonne ambiance sonore évoquant le Japon médiéval
- Dual-audio disponible
- Expérience de qualité en docké comme portable
LES MOINS
- Quelques chutes de framerate surtout sur le HUB 3D
- Des combats qui peuvent être brouillons
- Un bestiaire timide en variété
- Beaucoup d’aller-retour tout de même
- Cette impression de “Métro, Boulot, Dodo”
- Donc de cycle de répétition sans fin
- Ça tire un peu en longueur inutilement
- Ça “blablate” parfois pour rien
- Quelques personnages en retrait
- Traduction uniquement anglaise
ahhhh muramasa