Le genre du shmup néo-rétro psychédélique a un dieu. Un dieu qui fut intronisé dieu avant même que le genre n’existe. Il s’appelle Jeff Minter, c’est un dieu barbu et, depuis les années 80, il s’évertue à dessiner les horizons changeants du genre dans ses productions : action addictive et tout azimut, couleurs délirantes, effets psychédéliques débordant de toutes parts, rendant l’ensemble tantôt illisible ou hypnotique, folie partout tout en s’inspirant ou en recyclant des jeux d’arcade du début des années 80.
En voyant Death Ray Manta tourner, les moins de trente-cinq ans penseront à l’excellent Geometry Wars, mixé à du Pac-Man DX pour les effets graphiques bien fluo et bien glossy. Ils n’auront pas tort. Pour les plus vieux, ayant eu par hasard l’Atari ST ou l’Amiga à la fin des années 80, ils auront l’impression de jouer à une démo Llamasoft signée Jeff Minter. Death Ray Manta rappelle en effet Llamatron (1991), qui était lui-même un remake complètement barré d’un vieux classique de l’arcade eighties : Robotron 2084. Un concept vieux comme érode, upgradé aux effets psychédéliques.
Comprenez par là que l’on retrouve une base solide, éprouvée : une vue de dessus, un tir multidirectionnel, des dizaines d’ennemis autour de nous et des vagues de salles que l’on vide en une poignée de secondes. Le déversement de textes et d’éléments graphiques à l’écran, un humour pince-sans-rire, les couleurs folles, les éléments graphiques non identifiés, le minimalisme du menu et du contenu, le côté cryptique aussi du contexte, ça, c’est la patte Jeff Minter, c’est l’âme des jeux Llamasoft.
Death Ray Manta se veut être un hommage, mais un hommage au final maladroit qui anonymise sa principale référence, en s’appropriant tels quels l’âme et l’esprit des jeux Llamasoft, en faisant « à la manière de », mais sans rien insuffler d’original. Le drame est que le dieu du genre néo-rétro est méconnu en ces temps présents, et que les joueurs qui s’essaieront à Death Ray Manta n’auront que faire des jeux du lama (le surnom de Jeff Minter) qui sont pourtant tout aussi hypnotiques et délirants que le jeu qui nous intéresse, mais également plus généreux et plus jouissifs encore.
Death Ray Manta SE reste un petit jeu, voire un tout petit jeu trouvable entre 0,99 € et 1,99 € sur Steam (et sur l’eShop au prix incompréhensible de 10 €). Le joueur aura droit à 32 niveaux qui durent une dizaine de secondes chacun, un tir unique et la possibilité de tourner dans tous les sens. Deux sticks, 32 niveaux, donc, à parcourir d’une traite, avec une seule vie. Le scoring se résume principalement au nombre de niveaux parcourus et des gemmes que vous allez collecter, qui comptent pour 1 point (il y en a une par niveau, elle disparaît si vous tardez trop à la récupérer). Dites-vous que si vous atteignez la moitié du parcours, en prenant trois gemmes par exemple, vous obtiendrez le score faramineux de 19 points. Vous pourrez être fier avec 19 points, vous faites partie de la crème de la crème !
Le jeu n’est pas facile, vu qu’on a qu’une seule vie, qu’il y a pléthore d’ennemis et que la lisibilité de l’action est mise à rude épreuve avec tous les effets de lumières et de gerbes de couleur qui envahissent l’écran. Les game over vont se répéter sans fin, jusqu’à ce qu’à ce que le joueur les oublie et recommence le jeu de manière pavlovienne, sans l’aide de son cerveau, comme s’il était au casino. Notre palpitant montera bien entendu d’un coup lorsqu’on s’apercevra que l’on a dépassé notre score (« Wahou, j’ai un score de 20 points ! »).
La progression en mode « stop and go » hardcore est à la fois une bonne chose, une arrogance bienvenue dans un monde où l’on accepte de moins en moins de devoir tout recommencer, et en même temps sa principale limite. La progression se fait par à-coups, et si le joueur se concentre uniquement sur le jeu, il devra se satisfaire de quelques miettes de plaisir pour une forte dose de frustration.
À noter que les sticks des manettes d’origine de la Nintendo Switch ne sont pas franchement agréables pour un twin stick shooter, trop petits et peu maniables lorsqu’il s’agit de tourner à 360° au quart de seconde. Autant opter pour la manette Pro, avec des sticks (incurvés et plus grands) nettement plus accueillants pour nos pouces de shmuper fou.
Si on comprend que le jeu est une sorte de jeu de détente hypnotique où la défaite n’a aucune espèce d’importance, Death Ray Manta est intéressant. Une sorte d’aquarium psychédélique (normal, nous sommes une raie manta) avec plein d’effets lumineux rigolos. Il a même un petit côté juke-box avec ses quelques morceaux de synthwave minimalistes.
Hélas, le contenu du jeu est trop chiche pour que l’on y joue sans fin : pas de checkpoint, pas de save, pas de mode de jeu, pas de choix de difficulté, peu de variation, en dehors du choix des musiques. Quelques nouveaux ennemis sont introduits par-ci, par-là, mais il n’y a rien de transcendant ou de jamais vu dans le genre « shoot ». Death Ray Manta s’avère plus chiche en termes de contenu qu’un jeu Atari 2600 de la fin des années 70. C’est un choix assumé, qui malmène malheureusement la petite joie et les sensations que le jeu peut, somme toute, nous procurer.
Conclusion
À 1 € sur PC, cet hommage aux vieux jeux d'arcade et aux productions Llamasoft peut s'apparenter à une gemme précieuse aux reflets scintillants et changeants. Sur l’eShop, il est hélas à 10 € et soudain, l'absence de contenu saute autant aux yeux que les effets lumineux qui égayent l'écran de la Nintendo Switch. Un shmup psychédélique à réserver aux joueurs avertis.
LES PLUS
- Psychédélique à souhait
- Jolis effets de couleurs et de lumière
- Peut devenir une drogue si l'on accroche
LES MOINS
- Concept frustrant
- Scoring frustrant
- Contenu frustrant