Voici un « jeu dont vous êtes le héros » qui est la -très- fidèle retranscription d’un -très- grand classique des Gamebooks. Au point de retrouver nos amis les dés à six faces et de sentir cette bonne odeur de papier jauni, lorsqu’on tombe notamment sur les superbes illustrations d’antan signées Russ Nicholson.
Mais revenons un peu en arrière, notamment pour ceux qui n’auraient pas connu l’émergence des livres-jeux quelques décennies plus tôt… Début des années 80, deux jeunes britanniques, Steve Jackson et Ian Livingstone (futur patron d’Eidos période Tomb Raider), eurent la bonne idée de créer la série emblématique des Défis Fantastiques, une série de livres-jeux mariant le jeu de rôle donc (avec pour toile de fond l’Héroïc Fantasy, mais aussi la SF, l’horreur gothique et même l’époque actuelle) et la littérature à choix multiples, mettant le lecteur dans la position du héros (comme dans un jeu vidéo).
Le premier d’entre ces livres, sorti en l’année glorieuse de 1982, fut le fameux The Warlock of Firetop Mountain, soit en bon françois Le Sorcier de la Montagne de Feu. Un titre mythique. Un classique du Porte Monstre Trésor qui à défaut d’être le meilleur ou le plus inspiré des Gamebooks fut le fer de lance du genre, celui avec lequel tout commença. Le Sorcier de la Montagne de Feu, le jeu vidéo, est comme le livre, très classique, austère et même un brin désuet dans ce qu’il propose : une juxtaposition de salles dans un labyrinthe, avec son lot de gobelins, d’orcs et de sorciers, de pièges tordus et d’objets légendaires à glaner. On va retrouver les stats à base de points de vie, de skill et de points de chance. Il n’y a pas d’xp à proprement parler, mais nos actions tout comme notre inventaire nous permettront d’augmenter ces stats et les âmes collectées, une fois les ennemis tués, serviront de monnaie d’échange.
Le jeu alterne entre feuillets (en anglais uniquement) reprenant tels quels les chapitres du livre et des passages sous la forme d’un simili-jeu de plateau, avec le déplacement de notre figurine faisant office de héros. Dans les faits, cela se traduit ainsi : nous progressons dans de sombres couloirs à l’aide de choix prédéfinis (« ouvrir la porte ou continuer à l’est ? »), les salles apparaissent au fur et à mesure de nos pérégrinations et les fameuses pages de texte nous tombent dessus dès lors que ça s’anime devant nous, le tout ponctué par des illustrations d’époque, colorisées avec grand soin. C’est étonnant, car le jeu ne cherche jamais à trahir ses origines papier, on revit le livre-jeu tout simplement.
Les combats sont plus élaborés que ceux que l’on trouvait dans le livre (qui n’étaient qu’une simple partie de dés) puisqu’ils introduisent comme dans un jeu de rôle la notion de déplacement, avec un terrain découpé en cases, et un déroulement au quasi tour par tour. « Quasi tour par tour », car en réalité, nous choisissons d’abord notre action à l’aide d’un menu déroulant et ensuite nos actions se réalisent en même temps que celles de nos ennemis. Avec ce système, les coups dans le vide, alors que l’ennemi se déplace, seront donc pléthores. Il faudra donc veiller à anticiper les déplacements ennemis et à bien choisir nos directions pour attaquer. Si nous attaquons en même temps que l’ennemi, là, les deux dés à six faces feront leur entrée en jeu pour déterminer lequel aura l’ascendant sur l’autre.
Cela donne un système de combat assez peu dynamique au final, et même parfois aléatoire puisque les ennemis changent souvent de case sans grande logique, avec un malin plaisir pour nous faire tourner en bourrique. Ces combats sont néanmoins dans le ton du jeu, en rajoutant un charme désuet à l’ensemble.
Ne vous attendez pas à ce que le jeu soit un modèle de beauté, les figurines auraient même pu être un peu plus détaillées ou plus attrayantes. L’essentiel, visuellement, se trouve dans les décors, plutôt fins, s’imbriquant de manière complexe, et nous faisant rapidement perdre nos repères surtout si on essaye de comprendre au mieux toutes les jonctions possibles entre les couloirs.
Comme dans un livre-jeu, il faudra accepter l’idée que l’on ne puisse pas faire machine arrière ou recommencer une action. On pourra parfois, mais trop rarement vu que nos points de vie défilent rapidement, se restaurer à des endroits bien précis : le repos du guerrier se fera uniquement assis sur une souche d’un vieux chêne, sachez-le.
Mourir, après avoir utilisé les 3 pierres de résurrection sera un retour au menu bien sec, qui fera disparaître notre sauvegarde dans les limbes de l’oubli. C’est à la fois violent, et en même temps tellement proche de ce que l’on vivait à l’époque, lorsque par malheur on tombait sur un chapitre se finissant par un cinglant « ainsi se termine votre aventure… ».
Cet aspect est loin d’être frustrant, car reprendre plusieurs fois l’aventure est la seule manière de pouvoir espérer la finir un jour, tout en nous permettant de découvrir, avec plaisir, des pans entiers de niveau que l’on aurait délaissé les fois précédentes. Prometteuse durée de vie en soit. Dire que le jeu est une véritable lettre d’amour au genre est un euphémisme, la preuve avec ces clins d’oeil à d’autres livres de la série et ce musée comprenant des bonus à foison, des anecdotes d’antan et l’intégralité des illustrations composant le livre à débloquer.
Conclusion
"Le Sorcier de la Montagne de Feu" sur Switch n'a donc rien d'une vitrine technologique, une modernisation vidéoludique façon Diablo III ou Skyrim d'un grand classique des livres-jeu. C'est un véritable "livre-jeu-vidéo", un hommage, que l'on pourra trouver désuet (système de combats old-school), mais d'un infini respect, retranscrivant à la perfection une ambiance révolue.
LES PLUS
- Un profond respect pour le livre d'origine
- Pour ceux qui aiment les livres-jeu à l'ancienne
- Les illustrations de Russ Nicholson
- Un labyrinthe parfaitement alambiqué
- Des bonus à foison
LES MOINS
- En anglais uniquement
- Peu avenant pour le néophyte
- Combats peu dynamiques