Il est des jeux difficiles à tester pour différentes raisons : leur difficulté, le temps nécessaire pour en voir le bout, leur nullité… Anodyne 2 : Return to Dust est difficile à tester pour une tout autre raison. S’il est compliqué de parler du dernier-né des studios Analgésic Productions, c’est surtout parce que s’il empreinte les codes du jeu vidéo, ce n’est surtout qu’une enveloppe contenant une œuvre improbable mêlant des thèmes matures à une prose poétique. Alors, autant être clair dès l’introduction du test : celui-ci ne sert à rien, car chacun vivra Anodyne 2 : Return to Dust à sa façon, mais il tentera quand même, de manière objective, de revenir sur les différents aspects qui composent ce titre.
From Dust to Dust
Après un premier épisode, sorti en 2013, Melos Han-Tani et Marina Kittaka sont de retour sur la licence Anodyne pour nous en offrir une suite. Celle-ci, toutefois, ne nécessite nullement d’avoir joué au premier épisode pour comprendre les tenants et aboutissants de l’intrigue. La première chose que nous remarquons concerne le changement de moteur du jeu. Après un premier épisode très convaincant, tout en 2D, et proposant une aventure non-linéaire assez contemplative, Anodyne 2 : Return to Dust nous débarque dans un monde en trois dimensions.
Nous est alors contée l’histoire dans laquelle nous prendrons place. Le futur est de mise, car nous ne sommes pas encore nés au moment de prendre le contrôle de notre avatar. Il va donc falloir accomplir différentes tâches pour sortir de notre matrice et venir à la vie. Une fois parcourut les derniers mètres de notre cordon ombilical, nous arrivons sur l’île de Laterre. Celle-ci est prise en étau par une tempête de poussière ayant ravagé tous ses alentours. Cette poussière n’est pas qu’inerte, elle contient des êtres qui s’infiltrent dans le corps des habitants de Laterre pour les corrompre. Seul le Centre est là pour les combattre.
Nous sommes le dernier espoir du Centre pour en venir à bout et pour restaurer l’ordre. Il nous faudra ainsi parcourir ce monde pour en détecter les infectés, puis à l’aide de notre pouvoir de miniaturisation, nous pourrons nous infiltrer dans leur subconscient et les débarrasser de cette poussière et rendre ainsi aux habitants leur intégrité de corps et d’esprit.
Si ce scénario semble très manichéen, à force d’en apprendre davantage sur nos protagonistes et sur les mondes du centre et de la poussière, notre point de vue pourra évoluer en fonction de nos découvertes. Durant notre voyage, il nous faudra guérir les habitants de leur colère, de leur désir toxique ou de leur obsession. Les thèmes sont tous très matures. Seront ainsi abordés notre rapport à la mort, les problèmes de nutrition, la colère face à la déception, le besoin d’être guidé ou encore notre désir d’indépendance.
Ces thèmes font d’Anodyne 2 un titre qui ne sera pas à même de plaire à tous les joueurs. D’autant plus que beaucoup de lectures seront nécessaires pour vraiment profiter de l’aventure. Et si les dialogues et les descriptions sont très bien écrits, elles le sont dans un style poétique qui ne pourra pas non plus satisfaire les joueurs : ainsi « telle une fleur arrogante, qui germe avant l’heure pour se moquer du froid de l’hiver. Les méchants faneront avant de fleurir, leurs machinations réduites en poussière. » n’en est qu’un tout petit exemple.
Tout est mini dans notre vie
Si Analgésic Productions a troqué le tout 2D pour un mélange 2D/3D, les phases associées à chaque rendu sont très différentes. Globalement, le gameplay d’Anodyne 2 peut se résumer à « trouver et soigner ». Toute la partie exploration pour débusquer les infectés se fera dans un monde modélisé en 3D. Il nous faudra nous débrouiller avec une carte rudimentaire n’affichant pas notre position pour nous repérer. Les niveaux ne sont pas énormes et les points d’intérêt sont assez visibles. Le tout donne de très bonnes sensations.
Sans être pris par la main, il est facile d’avancer dans l’aventure et cette partie de cache-cache géant se déroule assez naturellement. Les éléments de level-design sont astucieusement placés pour nous indiquer la route, sans toutefois donner l’impression d’une énorme flèche pointée dans la direction à suivre. C’est à la fois déroutant de se déplacer dans ce monde avec un but assez vague tout en se rendant compte, que oui, ce que nous faisons, avait été prévu par les développeurs pour nous faire avancer dans l’intrigue.
Une fois un malade trouvé, une petite phase de jeu de rythme se lance. Très courte, elle nous permet de nous approcher pour lancer la procédure de miniaturisation. Ces phases sont bien réalisées, elles apparaissent relativement peu dans l’aventure ce qui ne les rend jamais pénibles. De manière générale, elles sont plutôt simples et ne génèrent aucune frustration.
La miniaturisation ayant eu lieu, arrive alors la seconde grande phase de gameplay. Tout en 2D, nous évoluons à travers différents tableaux contenants chacun une petite énigme basée sur l’utilisation de notre arme principale : un aspirateur à poussière. Nous pourrons ainsi aspirer les monstres puis les renvoyer sur d’autres bébêtes inamicales. Chaque niveau possédera ses propres mécaniques qu’il faudra comprendre et exploiter pour avancer. Sans révolutionner le genre, ces parties sont bien réalisées et intéressantes tout au long de l’aventure.
Toutes ces mécaniques s’alternent agréablement sans que l’une prenne le pas sur l’autre, offrant un rythme qui n’est, certes, pas frénétique, mais qui ne connaît pas de temps mort. Nous regretterons juste la nécessité de quelques allers-retours nécessaire pour vider notre aspirateur dans le Centre et la trop grande facilité des phases en 2D.
Rien n’est anodin
D’un point de vue direction artistique, Anodyne 2 ne pourra pas faire l’unanimité. Sa 3D rappelle des œuvres à mi-chemin entre la Nintendo 64 et la Gamecube. Avec un rendu bien pauvre, une caméra hésitante et des passages à travers certaines textures, il est difficile d’apprécier ce parti-pris d’Analgésic Productions. Si le choix des couleurs générales aide beaucoup à poser une ambiance en lien avec les lieux visités, il est toutefois très dur de faire abstraction de ces graphismes qui auront tendance à écourter les sessions de jeu, d’autant plus que les niveaux ne sont pas très étendus, mais qu’ils nécessitent toutefois de fréquents temps de chargement.
La partie 2D est plus classique. Bien détaillé, chaque niveau a sa propre charte graphique, rendant chaque exploration unique. À aucun moment une impression de déjà-vu ne viendra ternir ces phases de gameplay. D’autant plus que la réalisation est irréprochable. Notre héros répond parfaitement à nos sollicitations, peu importe le mode dans lequel nous nous trouvons.
Les musiques sont bien plus homogènes tout en se renouvelant régulièrement. Elles accompagnent agréablement nos pérégrinations dans ce monde étrange soumis aux variations de nos émotions. La traduction en français est irréprochable et permet de suivre les errements de notre personnage. La durée de vie est, elle aussi, plutôt bonne, il faudra compter une bonne dizaine d’heures pour venir à bout de l’histoire et récupérer les différents éléments qui nous aideront à comprendre ce monde, ainsi que ceux brisant le quatrième mur et donnant des informations sur le développement du titre.
Conclusion
Avec son rythme très contemplatif, son contenu abordant des thèmes matures et ses partis-pris graphiques, Anodyne 2 : Return to Dust n’offre pas une expérience vidéo ludique ordinaire. C’est davantage une œuvre se parant d’attrait de gameplay pour faire réfléchir sur le monde qui nous entoure et ses excès. Il offre toutefois une aventure prenante, bien écrite et loin des scénarios trop convenus du genre. Melos Han-Tani et Marina Kittaka ont réalisé une œuvre à part intéressante. Il est toutefois dommage qu’elle ne puisse s’adresser à plus de monde tant les choix faits concernant la 3D semblent clivants.
LES PLUS
- Les graphismes des phases 2D sont très soignés
- Les musiques sont variées et adaptées à chaque lieu
- La narration est vraiment intéressante avec des thèmes matures
- Le style des textes est très poétique
- Le level-design nous guide subtilement sans nous prendre par la main
LES MOINS
- Les graphismes en 3D sont vraiment anachroniques
- Les temps de chargements sont assez agaçants vu la petite taille des zones