La série “anti Final Fantasy” qu’est SaGa de Square Enix continue timidement son retour sur la scène du jeu vidéo. On a eu jusqu’à ce jour, quelques remasters comme SaGa Scarlet Grace, des remasters d’anciens Romancing SaGa ou encore récemment la compilation du trentième anniversaire incluant les trois premiers jeux Gameboy. En ce printemps 2021, c’est au tour de SaGa Frontier Remastered de faire son retour sur Switch. À défaut d’avoir un opus totalement inédit de cette saga de RPG, nous avons eu la chance de poser nos joy-cons sur cet ultime remaster que l’on vous détaille ci-dessous.
Perdu dans les frontières de cette saga
Les œuvres narratives sont divisées en de nombreux genres et sous-genres. SaGa frontier pourrait être un RPG avec une histoire que l’on rangerait dans l’Heroic Fantasy médiévale. Pourtant, son univers possède également des éléments futuristes et aborde des thématiques tirées de la science-fiction. C’est ainsi que le sous-genre Science Fantasy devient pratique pour classifier convenablement ce genre d’œuvre.
À vous de choisir si vous désirez vivre une histoire de vengeance avec comme héros Red, un jeune homme évitant de justesse la mort grâce à un mystérieux Super Héros qui le convertit lui-même en un tout nouveau Super Héros. Toutefois, peut-être préféreriez-vous suivre les péripéties de Asellus, unique représentante mi-humaine mi-mystique victime d’une expérimentation. La jeune femme, rejetée par les deux races, est en fuite avec la princesse White Rose.
Il y a ainsi cinq autres personnages avec un background propre à chacun, que vous pouvez choisir d’incarner dès le début. Chaque histoire se déroule dans cet univers de Science Fantasy du nom de “The Regions” sur différentes planètes d’un système solaire. Les personnages se croisent plus ou moins et ne sont pas nécessairement voués à affronter une menace commune. La série SaGa s’est toujours vantée de ce système de scénarios libres et non linéaires, quitte à perturber, notamment les joueurs occidentaux, souvent critiques avec ce système en comparaison à la fameuse série Final Fantasy.
Dans les faits, le scénario de chaque personnage est assez court et même assez superficiel. La force de SaGa c’est son scénario libre mais son défaut c’est de ne pas aller au fond des choses. Beaucoup de personnages rejoignent votre aventure et peuvent se battre à vos côtés. Toutefois, il semble difficile de développer des personnages secondaires quand les personnages principaux eux-même sont juste brièvement abordés. Il sera ainsi assez ardu aux non-connaisseurs de s’attacher aux personnages et de se motiver à vivre leur récit jusqu’au bout.
Toutefois, si l’aventure vous plaît, la récompense peut vous encourager à continuer. En effet, un New Game Plus vous attend avec la possibilité de jouer une autre histoire tout en gardant certaines données de notre partie passée. Ainsi, on peut retrouver notre précédent héros avec quelques statistiques et techniques préservées de l’ancienne partie. Une excellente manière de motiver à jouer les autres histoires aussi peu développées soient-elles.
C’est dommage car le background initial unique parfois très mature de chacun des protagonistes et le fait de pouvoir vivre un récit différent dès le début du jeu est une bonne idée. Cependant, si vous êtes habitué à un récit plus dense, avec des personnages au développement plus riche et un drama voué à impacter le destin du monde, SaGa Frontier pourrait ne pas convenir à vos standards tant il sort des sentiers battus. C’est un des facteurs qui fait de cette série de Square Enix, un RPG “anti Final Fantasy”.
Ici, peu importe le personnage que vous prendrez au début, il est probable que vous soyez complètement perdu en quelques minutes de jeu quant à la direction à prendre pour continuer la dizaine d’heure de récit à vivre (voire moins) pour chacun des personnages. Vous chercherez parfois de longues minutes à la manière d’avancer dans votre histoire, pour finir dans un lieu infesté de monstres trop forts. Vous serez alors persuadé qu’il faut poursuivre et vous passerez des heures à entraîner vos personnages sans forcément réussir à passer le lieu en question.
Au final, après des heures d’égarement à faire du surplace, vous découvrirez par inadvertance dans votre errance que vous n’étiez simplement pas au bon endroit et qu’il fallait juste parler à un certain personnage. C’est cela qui vous attendra continuellement dans SaGa Frontier et c’est cela qui fait également partie de cette proposition de scénario libre par les développeurs du jeu. Nous sommes pourtant dans un remaster et Square Enix a tout de même pris le temps de retravailler quelques points afin de rendre l’expérience légèrement plus accessible. En effet, en début de partie, le jeu vous invite à choisir de jouer avec ou sans les contenus additionnels.
De légers rééquilibrages et des bonus pour une expérience moins impossible
Ceux-ci sont divers éléments que les développeurs ont mis en place afin d’améliorer légèrement le confort de l’expérience. En choisissant de jouer avec le contenu additionnel, vous aurez quelques lignes de scénario en plus pour certains personnages, de légers ajustements en combat mais surtout la possibilité de fuir n’importe quel combat. En plus de ça vient l’ajout d’un huitième personnage principal jouable, le patrouilleur Fuse qui intervient sur les différents récits du jeu et qui pourrait plaire aux grands fans du jeu et leur apporter une plus-value.
On a également in-game la possibilité d’accélérer le rythme des combats ou encore d’accéder à la catégorie Histoire qui permettra à tous de mieux suivre le récit et de savoir directement où aller. Le développeur ajoute également une catégorie liée aux combos du jeu afin d’avoir la possibilité de retrouver comment réaliser un combo qu’on aurait réalisé par inadvertance.
Puis en marge de tout ça, vous retrouverez une galerie d’art dans laquelle vous pourrez admirer toutes les sublimes illustrations de Kobayashi Tomomi. Vous pourrez d’ailleurs les admirer in-game vu que les illustrations servent à marquer une courte pause entre les différents mini-chapitres du scénario de chacun des personnages. Il est également possible d’écouter l’OST du jeu qui est proposée uniquement en version d’origine.
Aucun travail sonore n’a véritablement été réalisé pour marquer ce retour. Cela n’empêche pas SaGa Frontier de proposer une OST plus que convenable, on aurait juste aimé quelques arrangements pour marquer le coup. Sur une autre note décevante, le jeu propose uniquement les textes japonais ou anglais. Un effort de localisation minime qui aurait éventuellement pu changer la donne avec une version française en ouvrant la licence à un potentiel nouveau public friand de RPG mais béotien de SaGa.
Toujours à la frontière de la fainéantise
Ce retour de SaGa Frontier reste comme l’intitulé le stipule, un simple remaster. On a ainsi un travail de lissage en HD afin de rendre tout ceci plus propre, plus fluide et totalement clean visuellement. En nomade comme en docké, tout est désormais totalement lisse et propre. Néanmoins, on reconnaît aisément les anciennes origines du jeu provenant de l’ère des consoles 64 bits.
Malgré le rendu très propre, il est difficile pour un remaster de drastiquement changer les choses sur les textures du jeu, la mise en scène très pauvre, les animations datées des différents personnages ou encore l’angle fixe semi-aérien de la caméra. Un rendu complètement retro qui peut effrayer notamment la jeune génération non habituée à ce genre de rendu d’une époque révolue. Celle-ci aurait certainement plus espéré un travail de remake.
D’autant plus que malgré les quelques petits efforts abordés plus tôt, nous notons tout de même encore la présence de quelques défauts de cette ancienne ère. Comme le fait que les dialogues avec les PNJ apparaissent automatiquement dès que vous les touchez. Chose peu pratique, notamment dans des environnements étroits où vous toucherez le même PNJ dix fois. Puis surtout l’absence de possibilité de chargement rapide en cours de partie. L’équipe a fait l’effort de mettre au point ici une sauvegarde automatique et même une sauvegarde rapide mais a oublié le chargement.
Ce n’est pas un si grand défaut, vous entends-je dire. C’est en fait une chose qui aurait été pratique pour ceux qui prendraient le temps de farmer les personnages. Le scénario ne vous laissant pas forcément toujours en présence d’un lieu où vous pourrez récupérer. Ceux qui connaissent un minimum la série savent pourtant que les héros sont soignés automatiquement dès la fin d’un combat. Mais alors pourquoi ces complications sur un lieu de récupération et la fonction de chargement ?
Vient ainsi le moment de vous parler du système de combat du jeu, un système propre à la série SaGa et qui fait partie de cette identité “anti Final Fantasy”. Dans SaGa Frontier, les ennemis sont visibles sur la carte et lorsque vous entrez en contact avec eux l’affrontement démarre. En de termes très basiques, les combats fonctionnent sur un simple tour par tour classique dans lequel vous choisissez vos actions afin de vaincre les ennemis. Ceci étant dit, qu’est-ce-qui différencie le système de celui d’un FF ?
Et à la frontière de l’impossible ?
Tout d’abord, il n’y a pas de barre ATB, le système ne se veut pas aussi actif qu’un FF. Puis surtout, dans SaGa nos personnages progressent mais pas sur un système classique de montée de niveau. Dans SaGa, de manière totalement aléatoire à la fin des combats vos personnages montent simplement de statistiques. En vérité, cette progression s’applique seulement aux personnages humains.
En effet, il y a différentes races de personnage, les protagonistes eux-même ne sont pas tous des humains. On a cinq races de personnages : les humains, les mecha-robots, les mystics, les demi-mystics et les monstres. Les humains progressent aléatoirement après les combats. Puis selon l’équipement que vous leur donnez ils apprendront de manière aléatoire en combat de nouvelles et puissantes techniques de combat consommant des WP.
Les mystics progressent de manière similaire mais uniquement sur les PV, WP et JP. Pour les autres stats, ils doivent absorber les ennemis. Les demi-mystics englobent les spécificités humaines et mystics. Les mechas, eux, ne progressent pas de cette manière. Ils ont simplement plus d’emplacement pour les équipements et celui-ci booste considérablement leurs statistiques. Ils peuvent acquérir des techniques via leur équipement mais surtout en absorbant les données d’autres unités mécaniques.
Les monstres sont une race très aléatoire et fonctionnant sur l’absorption d’autres monstres pour progresser. Formez vos groupes de personnages en leur équipant le meilleur équipement. Faites en sorte d’acquérir les meilleures techniques et surtout enclenchez les meilleurs combos pour maximiser les dégâts. En effet, en sélectionnant certaines techniques précises, vos personnages vont les combiner en une puissante offensive allant d’une offensive à deux jusqu’à l’ensemble des cinq membres du groupe en combat. Et c’est pour ça, que l’ajout du menu des combos est un grand plus pour s’y retrouver.
Avec ce genre de spécificité, le farm nécessaire à la progression devient encore plus fastidieux.
Pour en revenir à une précédente interrogation, si on est régénéré à chaque combat, qu’est-ce qui peut vraiment rendre les choses contraignantes et nécessitant un point de régénération ? Tout simplement les LP, les “Life Point”. Tous vos personnages ont un certain nombre de LP qui correspondent au nombre de fois où ils peuvent être mis K.O. et revenir sur pied.
Les lieux de récupération vous permettent de récupérer des LP. Et vous allez accumuler très facilement et très rapidement des morts dans ce jeu. C’est là qu’une fonction chargement rapide aurait eu du sens afin de simplement reprendre à sa sauvegarde et ne pas devoir relancer tout le jeu à chaque perte de LP lorsque l’on prend le temps de s’entraîner. Après le farm est-il réellement nécessaire dans la mesure où le niveau des combats augmente de lui-même avec les stats de notre groupe ? C’est une autre interrogation pertinente.
Ne vaut-il mieux pas simplement progresser dans le jeu à faible stats pour avoir des combats “plutôt simples » ou s’entraîner pour explorer le plus de lieux explorables du jeu même les plus hostiles ? En fait, la manière la plus simple aurait été de laisser aux joueurs la liberté de choisir de vivre une aventure où la difficulté des combats est alignée sur le groupe ou de vivre une aventure avec une difficulté définie sur plusieurs niveaux définis par chaque joueur comme dans d’autres RPG traditionnels (en proposant plusieurs modes : Facile, Normal et Difficile par exemple). Une fonctionnalité qui n’était certainement pas si difficile à incorporer pour ce remaster et qui aurait pu potentiellement ouvrir le titre et la licence à un autre public.
Conclusion
SaGa Frontier n’était pas un JRPG à mettre entre les mains de tous il y a de cela vingt-quatre ans. Il revient sur Switch cette année en HD avec un léger travail de réécriture et quelques ajouts de mécanismes. Un contenu qui peut parler aux fans mais qui semble surtout destiné à rendre l’expérience moins indigeste à un fan de RPG rétro qui serait curieux de vivre ce SaGa Frontier Remastered. Des ajouts sympathiques pourtant insuffisants pour véritablement inviter tous les joueurs à découvrir le titre original du JRPG. À ne réserver qu’aux aventuriers aguerris prêts à braver l’impossible, friands d’expérience atypique dans le genre du RPG et pour lesquels la langue anglaise n’est pas une barrière à la compréhension.
LES PLUS
- Un remaster propre
- Les magnifiques illustrations de Kobayashi Tomomi-san
- Les ajouts de confort de cette version
- Le scénario libre et le scénario supplémentaire
- La galerie d’art et la galerie audio
- La progression des personnages, unique en son genre
- Les combos en combat pour de gros dégâts
- Une durée de vie correcte dans l’ensemble
LES MOINS
- Aussi propre soit-il, ça reste un simple remaster
- Le scénario libre qui peut dérouter et perdre les joueurs
- Un récit pas si pertinent pour chacun des huit personnages
- Un petit réarrangement musical aurait été cool aussi
- Quelques thèmes discrets ou redondant
- Un gameplay unique mais pas si évident à comprendre
- Il y avait possibilité de faire d’autres ajouts de confort
- Pas de chargement rapide
- Pas de VF