Commençons ce test par une anecdote inutile et donc nécessaire. Il y a quelques années, discutant avec un jeune joueur de Kerbal Space Program, je dus lui expliquer le principe de la fronde gravitationnelle pour qu’il puisse réussir ses missions longue-distance. Cette assistance gravitationnelle consiste à utiliser l’attraction d’une planète pour accélérer, freiner ou modifier la trajectoire d’un engin spatial sans avoir à utiliser un moteur. Très pratique et économique, cette méthode a le défaut de demander une masse de calcul. En plus d’être belle théoriquement, cette méthode est aussi très esthétique tant les courbes qui en résultent sont mathématiquement parfaites. Et bien Graviter, du développeur Emil Markiewicz, utilise cette pureté des formes pour nous offrir un jeu de réflexion prenant et malin.
Le matou matheux
Comme tout bon jeu se doit de commencer par un scénario sérieux, ou pas, Graviter démarre avec un climax de fou dingue. Nous observons une comète perdre son chat. Rien que ça. Comprenant sa détresse cosmique, nous allons devoir utiliser toutes nos ressources pour l’aider à reprendre contact avec son matou. Autant dire qu’avec un pitch de cette ampleur, le reste ne peut qu’être de qualité, ne pas se prendre au sérieux étant la première des grandes qualités, la seconde étant bien sûr de savoir réaliser 36 kills sur une seule game de Splatoon 2.
Pour sauver notre félin, il nous faudra suivre et récupérer ses traces de pas (des pattounes donc) à travers 101 niveaux qui nous feront traverser une grande partie de la voûte céleste. Mais notre comète est soumise à la dure loi de la gravitation, et comme l’a dit Domitius Ulpanius : Dura Lex Sed Lex (la loi est dure mais c’est la loi). Mais nous ne sommes pas sans ressources non plus. Du haut de notre perchoir nous avons la possibilité d’agrandir ou rétrécir des planètes, de les déplacer, voir même, dans un moment de complet oublie des lois cosmiques, les faire disparaître ou apparaître.
Bien sûr, tous ces changements modifieront le tissu même de l’espace-temps, modifiant par conséquent la trajectoire de notre bolide céleste. Notre trajectoire sera toujours visualisable et toute modification que nous ferons se répercutera instantanément sur le tracé de notre trajet. C’est extrêmement instinctif et il n’est absolument pas nécessaire de posséder un quelconque bagage scientifique pour se sortir des pièges tendus par Mr Markiewicz.
Conique mon amour
Il nous sera aussi possible d’arrêter le temps, un nombre limité de fois, pour modifier la disposition des lieux et ainsi mettre à jour la trajectoire de notre comète, lui permettant ainsi d’atteindre des pattounes supplémentaires. À la fois technique et très maligne, cette feature amène de l’intérêt et de la frustration. Notre aérolithe aura une vitesse variable en fonction de la gravité qui l’entoure. Stopper le temps lorsque sa vitesse est faible, de manière précise pour réaliser nos modifications, dans des conditions optimales, ne posent aucun souci et apporte un vrai sentiment de plaisir tant nous contrôlons la gravité sur le bout des doigts tout en observant les effets en temps réel.
Toutefois sa vitesse peut aussi augmenter sensiblement lorsqu’un puit gravifique l’attire et dans ces moments, arrêter le temps au bon moment, c’est à dire ni trop tôt ni trop tard pour obtenir le meilleur effet de fronde, pose souvent problème et nous sommes obligés, pour nous placer à l’endroit voulu, de nous y reprendre par micro arrêt, consommant de fait un nombre important de pause.
Pour contrer cette faiblesse, Mr Markowicz offre la possibilité d’acheter des pauses supplémentaires. C’est plutôt utile, mais cela ajoute une nécessité de farm de pièces pas vraiment agréables, alors qu’une option de ralenti eut été plus adaptée. Ces mêmes pièces permettent aussi de s’offrir quelques changements cosmétiques. Loin d’être intéressant, il ne modifie que la couleur de notre trajectoire. C’est dommage, un peu plus de folie aurait permis de tirer davantage de sourires aux joueurs.
D’un point de vue graphique, nous avons le choix entre un univers coloré ou en noir et blanc. Peu importe le choix fait, l’esthétique des coniques a toujours ce côté hypnotisant. La bande-son nous met aussi dans cette ambiance éthérée avec des titres calmes et relaxants. C’est toujours un plaisir de lancer une partie de Graviter et ce bien que la difficulté des situations que nous devrons affronter monte parallèlement à notre avancée.
Si les premiers niveaux ne posent que peu de problème, très vite, de plus en plus d’essais seront nécessaire pour comprendre ce que le développeur attend de nous. Il est toutefois possible de s’en sortir de nombreuses façons, et c’est l’une des forces du titre de Mr Markiewicz. La solution d’un niveau n’est jamais unique. Enfin si vraiment une pattoune nous résiste, il est possible d’acheter des passe-droits qui débloquent notre avancée. Les situations se renouvellent agréablement au fur et à mesure de notre progression et il n’y a que peu d’effet de déjà-vu dans les problèmes rencontrés.
Conclusion
Pour réaliser un bon puzzle-game, il y a deux règles à respecter : mettre au point un système de jeu dont la logique est imparable et développer suffisamment les situations dans lesquelles utiliser ces mécaniques pour éviter la lassitude du joueur. Graviter réussi à cocher ces deux cases en offrant un jeu dont les courbes esthétiques feront le plaisir des amateurs de coniques tout en plaisant aux amateurs de casse-tête. Proposé en plus à un prix très raisonnable de 6,39€, le titre d’Emil Markiewicz fait une très belle entrée dans la cour des jeux de réflexion.
LES PLUS
- Un gameplay basé sur la gravité, c’est forcément intriguant
- Une bande son relaxante bien adaptée à l’univers graphique
- Des graphismes éthérés qui laissent la part belle aux courbes des trajectoires
- Une très belle durée de vie avec ses 101 niveaux
- La possibilité de personnaliser notre comète est agréable …
- Un tout petit prix de 6,39€
LES MOINS
- … mais bien trop sage
- La pause est imprécise lorsque la vitesse augmente