Au crépuscule de notre vie, cloîtré dans un appartement mité et miteux, nous sommes un vieil homme qui tente de se raccrocher aux souvenirs, lesquels filent entre les doigts… Une suite de puzzles vont se dresser face à nous, notre arthrose et notre canne. Et il est temps d’en découdre une fois pour toute, pour que le brouillard qui embrume notre cerveau se disperse peu à peu.
Dès les premiers instants, ce qui frappe nos globes occulaires, ouïe et cortex est cette ambiance qui nimbe Heal. Elle n’est pas des plus joyeuses, mais elle est incroyablement immersive et d’une belle étrangeté, quelque part entre un tableau de Magritte et un dessin de Topor (Téléchat, ne me dites pas que vous ne connaissez pas !). Notre papy fait les cent pas sur fond de tapisseries disparates aux couleurs défraichies. La bande-son, très travaillée, file le parfait cafard, tout en intriguant (parfaitement), et les odeurs mêlées de moisi et de naphtaline parviennent presque à nous parvenir par-delà l’écran de la Switch.
Quelques passages oppressants trahissent le passif du programmeur, Jesse Makkonen, auteur de la série horrifique Distraint. Malgré ça, Heal n’est pas un jeu d’horreur… Ou en tout cas, il tente de s’en écarter le plus souvent. Il y a de très belles éclaircies comme cet épilogue, puissant et émouvant ou ce niveau chaleureux se déroulant au grand air, un niveau « météorologique » pour la peine puisque nous jouerons à faire la pluie et le beau temps.
Les casses-têtes rencontrés nous sortent tous un petit air connu, en jouant classiquement sur les formes, la numération ou les mécanismes. Du déjà joué ? Pour les joueurs qui ont déjà parcouru les Witness, Myst, Professeur Layton et consorts, il n’y a pas ou peu de surprises. La surprise se situe davantage dans l’agencement des niveaux, puisque chacun d’entre eux est un puzzle à reconstituer.
Les indices visuels s’invitent en effet sur les murs et les puzzles sont tous liés entre eux. Il faudra découvrir la logique qui les lie : une fois un puzzle résolu, à nous la clé de compréhension pour le suivant, ou pour le précédent, celui que nous n’avons justement pas su résoudre. C’est bien fait. La difficulté des puzzles est suffisante pour être motivante et le jeu s’avère finement pensé tout du long et fluide. Et tout est fait pour que les situations se renouvellent avec ingéniosité.
Avec la manette, le maniement au stick (pour remplacer la souris d’un P.C., le jeu étant initialement sorti sur Steam) manque de précision. Il faudra souvent s’y reprendre à plusieurs reprises pour que notre mouvement soit pris en compte. Heureusement, Heal est jouable avec l’écran tactile en mode nomade et même si tout n’est pas parfait (léger décalage par moment), c’est bien plus confortable.
Maintenant, venons-en au principal défaut de Heal qui limite, hélas, trois fois hélas, sa portée : la partie est trop courte. Comptez une à deux heures pour boucler les sept chapitres. Et même si l’aventure se finit sur un beau final et que le soft se trouve à petit prix (5,99 €), une forme de frustration toque à la porte. D’autant plus que l’expérience se révèle, durant ce court laps de temps, particulièrement intense…
« Long et ennuyeux » aurait-il mieux convenu ? La vie est bien trop courte pour ne pas profiter des petits plaisirs, et Heal en est un, marquant qui plus est.
Conclusion
Heal apparaît tel un casse-tête en bois, il est beau, sent le travail bien fait et surtout, son mystère, sous des apparâts de simplicité, nous plonge dans une interrogation fébrile et passionante. Dommage que la joute soit trop courte : il faut en effet une à deux heures pour terminer le jeu. À petit prix, Heal reste néanmoins hautement recommandable pour tous les amateurs de puzzles et de jeux à ambiance, le genre « athmosphérique et abstrait ».
LES PLUS
- Artistiquement sublime !
- La logique qui lie les puzzles
- Jouable avec l'écran tactile
- Un beau final
LES MOINS
- Affreusement court
- Délicat à jouer au stick