Le genre du RPG reste majoritairement de niche et cela malgré les efforts de chacun pour tenter d’ouvrir celui-ci à de nouveaux joueurs en travaillant notamment sur l’accessibilité. Dans ces efforts, on note souvent des mécanismes simplifiés ou des ajouts de niveaux de difficulté en dessous de la normale voire même parfois un mode sans difficulté afin de juste vivre l’histoire. Toutefois, Nintendo reste certainement un des maîtres dans l’adaptation d’un concept pour le rendre accessible et attractif pour tous en y mettant une bonne dose d’absurde. Miitopia est certainement né de cette expérimentation dans le genre du RPG. Disponible sur 3DS il y a quelques années, le voici adapté sur Switch pour notre plus grand bonheur… ?
Une aventure utopique et drôle
Avant de commencer l’aventure, il nous est demandé de créer notre Mii qui sera ainsi le protagoniste de cette histoire au ton très léger. On atterrit alors sur l’île de Miitopia, un territoire sur lequel l’avatar du mal sévit en volant le visage des habitants ! On arrive dans un village afin d’assister impuissant à plusieurs vols de visages par cette entité maléfique. Comme tout méchant qui se respecte, l’avatar du mal choisit avec soin ses victimes, faisant preuve de clémence et épargnant quelques visages par-ci par-là. C’est un méchant tout puissant qui considère qu’il pourra s’occuper de votre cas à n’importe quel moment. Les Cieux vous désignent alors comme élu destiné à contrecarrer les projets du méchant. Le récit tourne uniquement autour des Mii, s’inspire énormément de l’expérience barrée et aléatoire de Tomodachi Life et propose ainsi de nombreux moments légers et drôles à défaut de développer une intrigue passionnante.
L’objectif est clair dès le début, il s’agit juste de parcourir l’ île afin de récupérer les visages des Mii du village mais également ceux des nombreux habitants de Miitopia. Le côté barré du jeu est également de la partie dès le début puisque Miitopia vous donne la liberté de définir les rôles de chacun des personnages de votre histoire. Ainsi, vous pouvez donner un nom et un visage à chaque habitant du premier village, à d’autres personnages importants du jeu ainsi qu’à l’Avatar du Mal lui-même !
Dans notre histoire, la plupart des habitants du premier village étaient un staff de rédaction de Nintendo Town, les membres de notre groupe principal également quant à l’Avatar du Mal… nous ne l’avions pas défini. Il n’est pas toujours évident de placer un nom et un visage sur tout. Le jeu se propose de nous épauler en nous proposant de choisir parmi les créations populaires des joueurs que ce soit des créations récentes ou datant même du jeu 3DS.
Dans tous les cas, si l’écriture du récit est basique et propose juste le minimum pour que chacun vive une aventure sympathique, ceux qui se laisseront réellement prendre par l’humour de bas étage et typique des Mii seront les premiers à être totalement satisfaits de l’expérience Miitopia. Aussi basique que soit l’écriture, cette liberté donnée aux joueurs de définir tous les rôles donnera l’illusion que chacun vit une aventure différente avec son casting propre à lui.
Ainsi, il est difficile de donner une durée de vie à une expérience telle que Miitopia. C’est une expérience qui veut rendre accessible la grammaire des RPG à tous mais elle ne touchera pas tous les publics de la même manière. Un spécialiste du RPG à la recherche d’une écriture de qualité avec des surprises ainsi que des mécaniques de gameplay au moins enrichissantes pourrait rapidement tourner de l’œil sur Miitopia et prôner que le jeu s’est arrêté en quelques minutes pour lui. Au mieux il trouvera l’expérience sympathique mais il ne saura certainement pas le recommander à ses pairs.
Un simple amateur du genre ou un joueur lambda peu familiarisé au RPG pourra plus facilement apprécier l’expérience et être absorbé par celle-ci. Il finira dans cette spirale absurde à regarder ces Mii converser pour dire des bêtises, se disputer en plein combat, être jaloux les uns des autres puis se réconcilier à l’auberge. Le temps de détourner enfin les yeux du jeu et nous nous apercevons avoir passé non pas une minute mais une dizaine, une vingtaine ou encore une trentaine d’heures sur le jeu voire beaucoup plus !
Une utopie légère à vivre et minimaliste
Mii oblige, l’ambiance du récit déteint sur toutes les autres facettes du jeu. Parlons du gameplay justement. Comme pour le récit et la durée de vie, ceux qui ont fait le jeu 3DS ne verront pas de grandes nouveautés. La communication centrait d’ailleurs énormément sur les possibilités de customisation plus poussés des Mii sur Switch que sur 3DS. Avec plus de choix de maquillages, de perruques ou d’autres possibilités qu’on vous laisse découvrir sans avoir à dresser ici une liste interminable des possibilités.
Pour le reste nous somme sur un RPG avec de l’exploration de villages, de paysages et de donjons ainsi que des combats au tour par tour. L’exploration se fait sur un axe 2D avec des décors en 2.5D, quelques éléments de profondeur et parfois des scènes en 3D. Une réalisation convenable, ni impressionnante pour la Switch ni moche, au moins fluide en TV comme en portable. L’ambiance sonore est tout aussi loufoque que le jeu. En zones habitées, on explore librement et on peut parler aux PNJ. Sur les autres décors, les déplacements de nos protagonistes sont automatiques, de gauche à droite avec un décor et des bulles de dialogues qui défilent. Enfin, une auberge se situe toujours en bout de niveau.
Durant ces explorations automatiques, quelques évènements et scènes aléatoires entre vos Mii faisant des trouvailles peuvent se jouer. Il peut y avoir des ouvertures de coffres comme des objets que vos Mii découvrent en fouillant le sol. Mais ces explorations sont surtout rythmées par des rencontres aléatoires avec des ennemis possédant toujours un visage. Une fois qu’ils sont défaits, vous libérez les visages de ces monstres et par définition dans le jeu vous sauvez des Mii en leur redonnant leurs bouilles.
Les villages, les paysages et les donjons sont reliés sur une grande worldmap un peu comme les différents niveaux d’un monde dans un Mario 2D. Une fois que vous avez exploré un décor à 100% vous verrez alors un drapeau doré surplomber le niveau. En fait, les explorations de décors et de donjons sont automatiques et le décor circule sur un seul axe dans un rendu très minimaliste shématisé en bas à gauche par une mini-map.
Un paysage et un donjon peut ainsi être divisés en de nombreuses routes que vous aurez à choisir. Chaque route ne propose pas nécessairement un défilement de décor unique, ce qui ne facilite pas la compréhension visuelle de l’ensemble. Toutefois, une route peut être différente d’une autre en termes de difficulté de combat ou du fait qu’il y ait un coffre ou non par exemple. Cela semble ainsi fait pour inciter les allers-retours et el’exploration de chaque décor à 100%.
Les combats contre les ennemis sont également typiques du RPG traditionnel au tour par tour. Toutefois, Miitopia propose également une atmosphère unique qui semble possible et crédible uniquement grâce à cette ambiance centrée sur les Mii. Nous ne contrôlons que notre personnage principal et les trois autres compagnons avec nous sont dirigés par l’I.A. Toutefois, entre certains tours, nous avons la possibilité d’effectuer des interventions manuelles dans le combat au-delà même des simples commandes d’actions de notre héros. Un peu comme si l’on brisait le quatrième mur en contrôlant ces Mii de notre propre main.
En appuyant sur X, on a ainsi la possibilité d’empoigner un de nos Mii afin de le mettre à l’abri par exemple. Chose bien utile lorsqu’un des membres de l’équipe subit une altération d’état et qu’il faille le soigner. On a également la possibilité d’utiliser une salière pour saupoudrer nos Mii de PV ou de PM pour les régénérer. Une implication du joueur intéressante proposant ainsi à celui-ci d’être le protagoniste direct de l’histoire avec son Mii mais également de tenir un rôle de joueur prenant soin de ses “figurines” en danger.
Pour le reste on a un classique tableau de commandes pour les actions de notre Mii. Toutefois, le caractère unique du système proviendra ensuite de toute la dimension loufoque propre aux Mii et à leur personnalité. Lorsque vous créez vos personnages, vous choisissez une classe et une personnalité. La classe vous permet en montant de niveau de débloquer des techniques propres à celle-ci comme du soin pour les prêtres, de puissantes magies pour les mages ou du soutien pour les chanteurs parmi d’autres possibilités.
La personnalité permet de varier la donne avec d’autres compétences propres à chaque personnalité et elles permettent de booster vos offensives ou vos supports de manière imprévisible. Un Mii assuré possède une grande confiance en lui et par moment il sera sûr d’infliger des critiques ou d’esquiver une attaque. Tandis qu’un Mii prudent prendra le temps de booster l’efficacité de son attaque pour une offensive à gros dégâts ou pourra potentiellement se soigner grâce à un objet qu’il avait caché sur lui.
Les combats nous font gagner de l’XP afin de faire progresser nos Mii. D’ailleurs en parlant de progression, il nous faut également évoquer la fonction de l’auberge à la fin de chaque niveau qui vous permet de donner de l’argent à vos Mii pour s’acheter de l’équipement. La part d’aléatoire reste présente puisque votre Mii peut se tromper dans son achat. Nous avons également la possibilité de donner à manger à nos héros pour booster leurs stats selon les plats qu’ils aiment et d’autres fonctions et mini-jeux afin de renforcer les liens entre tout ce petit monde toujours dans la légèreté et l’humour basique et omniprésent des Mii.
Ajoutez la présence d’un cheval ainsi que justement les niveaux de relation entre chacun de vos Mii débloquant toujours plus de compétences farfelues et inédites. Puis nous nous retrouvons, sur le papier, avec un RPG possédant système de jeu addictif, complet et rigolo. Associez tout ça avec toutes les lignes de dialogue très aléatoires de ce casting et vous avez sur le papier un spectacle humoristique quasi-interminable qui se joue durant toute votre aventure jusqu’aux crédits finals.
Une utopie qui tourne en rond
Toutefois, il nous faut véritablement souligner les mots “sur le papier”. En effet, Miitopia se veut être une production rigolote et jouable par tous. Ainsi, la notion de difficulté en est totalement bannie. Chose en totale contradiction avec la possibilité de monter de niveau, de débloquer de nouvelles compétences et toutes les mécaniques de RPG parfois uniques du jeu. En fait, cela permet simplement de donner une illusion de progression et une espèce d’aspect tactique pour les véritables non-initiés aux RPG.
Ainsi le spécialiste se rendra compte que le jeu est fait de telle sorte que l’on aura toujours le niveau requis pour avancer sans embûche. La preuve la plus formelle est la présence du mode de jeu automatique. Déjà que l’exploration nous laisse juste regarder nos Mii se déplacer dans un décor, il est même possible de laisser l’I.A. complètement jouer les combats. Votre seule interaction restant ainsi les lignes de dialogues. Il n’y a pas besoin de réfléchir du tout pour jouer à Miitopia. Vous avez juste besoin d’avoir un sens de l’humour basique pour vous laisser captiver par l’expérience…
Osons dire que même un débutant en RPG, s’il n’est pas réceptif à cet humour des Mii, se rendra compte également de la supercherie. On ressent très vite que cette aventure tourne en rond en termes d’expérience à l’image du cycle infini de chaque niveau : route, choix de route et auberge. À moins d’être véritablement captivé par le jeu du début à la fin, la répétitivité se fera vite ressentir et une majorité des joueurs de Miitopia finiront certainement par laisser le jeu se jouer tout seul. Appuyant juste machinalement sur A en faisant juste autre chose de plus intéressant, s’ils n’ont tout simplement pas juste arrêté de jouer au jeu voire déjà revendu ce dernier pour une expérience de RPG plus pertinente.
Conclusion
Sur la voie du RPG, certains vivent des batailles épiques dans un monde au lore d’une écriture riche avec un enjeu géopolitique exceptionnel ou des personnages au développement psychologique incomparable. Nintendo propose une nouvelle option RPG autant pour les connaisseurs que pour ceux qui n’ont jamais approché le genre. Un véritable “RPG pour les nuls” avec sur le papier tous les ingrédients d’un RPG. Une véritable utopie du RPG simple et accessible à tous. En bonus, le tout est présenté par les Mii et leur humour barré qui donne l’illusion de casser des codes du genre en allant très loin dans l’absurde. Pourtant, en sortant de la notice, lorsque l’on met tout ça en pratique, le constat en quelques minutes est littéralement automatique: l’expérience tourne en rond. Seuls, celles et ceux captivés par cet absurde et cet humour exagéré seront suffisamment addict à Miitopia et se retrouveront à la fin de cette aventure. Un titre à réserver à un public non connaisseur de RPG et à la recherche d’une expérience sans prise de tête.
LES PLUS
- Une réalisation propre, mignonne et débile
- Une ambiance sonore qui va de paire
- Les mécaniques de RPG classiques et efficaces
- Les éléments absurdes amenés via les Mii
- Une impression de briser le mur entre le jeu et nous
- Le scénario que l’on personnalise avec les Mii
- La personnalisation poussée des Mii
- Les bonus de personnalisation en comparaison à la version 3DS
- L’arrivée du cheval
- Un jeu qu’on peut faire partout
- Une expérience 100% accessible à tous
- Une bonne introduction au RPG “pour les nuls”
- La compatibilité Amiibo
LES MOINS
- Une réalisation qui ne casse pas trois pattes à un Mii
- Pas forcément de thème musical qu’on retient vraiment
- Des mécaniques bien sur le papier puis… on passe en automatique
- Quel terme y a-t-il en dessous de très très très très facile ?
- Ça tourne en rond en quelques minutes
- Ceux qui n’aiment pas les Mii peuvent passer leur chemin
- Pas grand-chose de plus en comparant avec la version 3DS
- Un scénario de base sans aucune surprise
- Une utopie qui ne séduira pas les RPG-istes