A Tale of Synapse: The Chaos Theory, c’est un rêve devenu réalité. C’est le mélange brillant d’un jeu de plateforme avec des puzzles basés sur les mathématiques. Si des softs pseudo-éducatifs ont déjà tenté ce pari, bien peu ont réussi à fournir une expérience ludique et/ou éducative digne de ce nom. Le titre du studio français Souris-Lab, basé à Oyonnax et fondé par Mme Caroline Martinand, nous propose donc sa vision onirique du puzzle-plateformer et le résultat est tout simplement bluffant. Alors, aiguisons nos méninges et faisons chauffer nos crayons, ou l’inverse, car A Tale of Synapse va nous emmener dans son univers pour ne plus nous lâcher.
« La mathématique universelle est un logique de l’imagination » Leibnitz
A Tale of Synapse, est née de l’imagination de Mme Martinand lors d’un stage au CNRS. Son héros, Néro est un synapsien qui a du mal à s’intégrer dans la société. Celle-ci se sclérose de plus en plus et ne cherche plus à faire progresser ses sciences. Elle se suffit de ce qu’elle sait déjà. Néro découvre alors un endroit merveilleux : une bibliothèque. Mais même ici, certains livres sont proscrits des rayons. Néro, en passant le balai au fin fond de la réserve, libère l’un de ses ouvrages dangereux : le livre du chaos. Par la même occasion, il libère Sci, une petite méduse, qui l’aidera dans son périple visant à ramener toutes les pages libérées.
Les dialogues, qu’ils concernent nos deux héros, ou les habitants d’Héméïde, sont toujours bien écrits. Ils ne tombent jamais dans les clichés et nous permettent de suivre avec plaisir la quête de Néro. Nous suivrons donc agréablement les déambulations de nos héros qui réussiront à ouvrir l’esprit de leurs contemporains, faisant ainsi d’une pierre deux coups. En piochant des influences à droite et à gauche, a Tale of Synapse se construit un univers cohérent et attachant, dans lequel nous entrons très facilement.
Les petites saynètes qui accompagneront notre progression à chaque fin de monde font toujours progresser l’histoire en nous fournissant un but. Les nombreux personnages que nous rencontrerons au fur et à mesure de notre aventure sont dispersés à travers les niveaux et ont chacun une toute petite histoire à nous raconter. Pour les libérer, il nous faudra d’abord découvrir où il se terre puis résoudre une petite énigme qui ouvrira un passage, leur permettant de rejoindre la cité des synapsiens. Chacun des quatre mondes comporte une vingtaine de personnages à débusquer, la partie exploration est loin d’être anecdotique dans le titre de Souris-Lab.
Le monde que nous parcourrons est magnifique. Entièrement construit avec des formes ou des symboles mathématiques, il propose un aspect abstrait tout en restant un modèle de lisibilité. Avec ses graphismes colorés, il attire tout de suite l’œil et que ce soit en nomade ou en docké, le résultat est extrêmement propre tout en regorgeant de détails. Il ne donne jamais l’impression de nous emmener dans un monde mathématique tant ses éléments forment un tout cohérent et vivant.
« L’essence des mathématiques, c’est la liberté. » Georg Cantor
Le gameplay que nous propose A Tale of Synapse est basé sur plusieurs points. Il y a d’abord de la plateforme. Il faudra mener notre avatar à travers des niveaux à la composante verticale importante. Les classiques de ce genre sont au rendez-vous. Les sauts, doubles sauts, attaques, qu’elles soient de bases ou spéciales, sont bien au rendez-vous. Pour avancer dans les niveaux et vaincre nos ennemis, il nous faudra apprendre à maîtriser les différents mouvements. Ceux-ci sont assez complets pour nous permettre de trouver notre propre voie, aussi bien en termes d’élimination de monstres que d’exploration de niveau.
C’est justement le deuxième point : l’exploration. S’il est possible de parcourir un niveau sans fouiller les coins et les recoins, il est très difficile de trouver le chemin directement. Il faut toujours choisir une voie sans vraiment savoir si elle est la bonne ou non. Toutefois, le level design est une telle réussite que jamais nous n’avons l’impression de nous perdre ou de devoir revenir bêtement sur nos pas. Nous parcourrons le monde de Néro sans jamais nous lasser, les énigmes, les petits combats et les rencontres s’enchaînent de manière harmonieuse en offrant une expérience de jeu vraiment complète.
Le dernier point de gameplay concerne bien évidemment les énigmes. Pour les aborder, il nous faudra utiliser les pouvoirs de Sci. Celui-ci se contrôle via le stick droit si nous affrontons seuls le titre de Souris-Lab, mais il est aussi possible de le confier à un second joueur. Ses pouvoirs consistent d’abord à soulever des objets pour déclencher des mécanismes, mais surtout, il va nous permettre d’afficher la dimension primitive. Dans celle-ci, se trouvent des indications sur la façon de résoudre les énigmes. Ces indications peuvent être sur ce que le jeu attend du joueur, ou sur un point de définition nécessaire.
Les énigmes étant basées sur les mathématiques que les élèves découvrent de la cinquième à la terminale, il faudra, pour les plus jeunes, faire preuve d’attention pour découvrir la solution attendue. C’est sans doute le plus gros point faible de A Tale of Synapse, à qui s’adresse-t-il ? Si le plaisir pour toute personne maîtrisant un tant soit peu la mère de toutes les sciences est indéniable, et si le titre attire forcément des enfants dès 10 ans, il nécessite forcément la présence d’un adulte à leur côté pour expliquer les concepts et venir à bout des énigmes. En soit, c’est une bonne chose, le jeu vidéo est un formidable vecteur de partage, mais c’est une contrainte avec laquelle il faudra tenir compte et avec laquelle un public de jeunes adolescents aura peut-être des réticences.
Nous avons enfin la possibilité d’améliorer nos compétences grâce à un système d’orbes à dépenser. Si chaque monde nous permet de récupérer une compétence particulière comme le tir à l’arc (assimilé à un vecteur) ou la glissade, ces capacités sont upgradables. Nous pouvons ainsi développer Néro et Sci comme nous l’entendons. Cette feature est un plus assez prenant qu’il nous faudra gérer astucieusement. En effet, nos points de vie dépendent aussi de ces orbes, tout dépenser d’un coup signifie donc se retrouver sans défense face à l’adversité. Le jeu cherche-t-il à nous faire comprendre que patience et longueur de temps font plus que force et courage ? Quoi qu’il en soit cela renforce encore un peu plus le plaisir que procure A Tale of Synapse.
La perfection n’est pas dans les hommes, mais dans leurs intentions
Alors le titre du studio français est-il un modèle de réussite ? Malheureusement, de petites erreurs viennent entacher cette perfection jusque-là mathématique. Si la plupart des énigmes sont un modèle d’accessibilité, certaines, semblant, pourtant très simples, nous demandent plusieurs essais avant que nous comprenions ce qui doit réellement être fait. Ce manque de clarté en termes de but se résorbe avec l’utilisation de bagues d’aide, bagues qui sont dispersées à travers les niveaux. Il est toutefois dommage de les utiliser quand ce n’est pas la solution de l’énigme qui pose problème, mais la façon de la présenter.
L’autre point qui pose problème concerne la gestion des plateformes. Dès que celles-ci ont une forme arrondie, notre personnage perd pied sur celle-ci et il devient impossible de faire un saut enchaîné d’un double saut. Le soft considère que lors d’un déplacement sur ce type de sol, notre héros est en chute et c’est directement le double saut qui se lance, limitant ainsi notre rayon d’action. Frustrant. Ce sont les deux seuls reproches à faire au titre de Souris-Lab, le reste de sa réalisation ne souffre d’aucun défaut.
La musique, bien que discrète, nous accompagne sereinement lors de notre périple. Le level design offre des niveaux vastes qui demandent très vite une bonne vingtaine de minutes pour se terminer, multiplions le tout par 48 niveaux et nous obtenons une durée de vie plus que conséquente pour un jeu dont le prix de 15 € est plus que raisonnable. Joy-con en main, Néro et Sci répondent au doigt et à l’œil et à aucun moment un passage ou une énigme n’ont été pénible, à cause des contrôles.
Conclusion
A Tale of Synapse: The Chaos Theory réussit là où personne n’avait réussi avant lui : il propose, certes, une expérience didactique basée sur des énigmes mathématiques, mais il nous offre d’abord et avant tout un jeu. Ses phases d’action/plateforme/énigmes s’enchaînent, on ne peut plus naturellement, nous permettant ainsi de découvrir le monde magnifique d’Héméïde. Il n’est pas exempt de petits défauts, notamment sur la gestion de ses plateformes arrondies, mais il n’en reste pas moins un excellent titre pour tous ceux qui aiment les mathématiques ou qui veulent les découvrir, qu’ils soient petits ou grands. La seule question que nous souhaitons poser aux développeurs de Souris-Lab est donc : à quand la suite ?
LES PLUS
- Les graphismes basés sur les mathématiques sont magnifiques
- Les musiques proposent une ambiance calme qui colle parfaitement
- Le level design est un modèle du genre
- L’univers proposé est très agréable à parcourir
- Les phases d’action et d’énigmes s’enchaînent parfaitement
- Les mathématiques fournissent un réservoir sans fin d’énigmes toute différentes
- La possibilité de jouer à deux toute l’aventure est un plus
- Les mécaniques d’amélioration couplées à la gestion des orbes sont bien pensées
- Nécessite la présence d’un parent pour les plus jeunes (ce qui est un point fort...)
LES MOINS
- La gestion des sauts sur les plateformes arrondis est très perfectible
- Certaines énigmes ont une résolution plus absconse