Les œuvres les plus intrigantes sont toujours le fait de programmeurs isolés qui, ayant une vision claire et précise de l’univers onirique qu’ils souhaitent rendre vivant, nous donnent la possibilité de partager un bref instant leur folie. Thomas Sala fait partie de ces fous qui se lancent, seuls, dans la conception de leur jeu vidéo. C’est ainsi qu’est arrivé The Falconeer durant le mois de novembre 2020 sur Xbox et Pc. Il est tant d’accueillir ce shooter aérien sur nos Switch et de découvrir si le résultat est à la hauteur des ambitions de son créateur.
Et dans 150 ans…
Le monde de The Falconeer est un monde dévasté par la montée des eaux dans lequel, isolées les unes des autres, des îles tentent comme elles peuvent de trouver de quoi subvenir à leur besoin. Pour cela, elles exploitent les ressources qui se trouvent aux alentours. Ces ressources sont rares et sont l’objet de toutes les convoitises. Pour avoir le droit de les exploiter, il faut obtenir de l’impérium, le gouvernement en charge de la gestion globale, un droit d’exploitation. Mais chaque île tente tout ce qu’elle peut pour mettre des bâtons dans les roues de ses concurrents pour récupérer ces fameux droits d’exploitation et ainsi augmenter son prestige et son influence.
D’un point de vue scénaristique, nous ne sommes pas loin des luttes intestines de Games of Throne. Tous les coups sont bons pour amasser la moindre petite miette de pouvoir. Les alliances se font et se défont au grès de notre avancée dans l’histoire et nous ne sommes que les pions des puissants qui, bien placés sur leur île, nous donnent les ordres à suivre pour améliorer leur situation. L’atmosphère mise en place par la narration est vraiment efficace et chaque chapitre apporte son lot de rebondissements.
Au début de cette aventure, nous incarnons un simple civil sur une petite île éloignée du centre, dont les dirigeants font ce qu’ils peuvent pour maintenir le niveau de vie de ses habitants. Pour cela, ils nous envoient en mission aux quatre coins de leur sphère d’influence pour défendre leurs possessions des raids des pirates. Très vite, nous en apprendrons davantage sur ce qui motivent ces gêneurs et sur les dessous de la politique de ce monde. Mais à peine ce premier chapitre se referme-t-il que nous laissons tomber tout cela pour rejoindre un nouveau personnage appartenant à un autre clan.
C’est l’un des points importants de l’œuvre de Thomas Sala. A chaque nouveau chapitre, nous incarnons un personnage différent. Nous conservons l’expérience acquise au cours de l’aventure, mais notre avatar change, renforçant l’impression de n’être qu’un pion dans cette histoire. Pas de gentils ni de méchants, tout est question du point de vue. Que ce soit l’impératrice et la maison des Borgia, qui contrôle une grande partie de ce monde, ou l’ordre des Manciens, qui cherchent à protéger les sites engloutis des anciens, tous agissent pour le bien de leur communauté. Si l’idée est intéressante, elle a aussi le défaut d’empêcher complètement l’attachement à notre héros. Si The Falconeer se présente comme un shooter aérien avec des mécaniques de RPG, celles-ci sont vraiment mises à mal par ce parti-pris scénaristique. Nous avançons dans l’histoire et à chaque fois qu’un sentiment d’identification à notre avatar commence à se faire sentir, nous sommes obligés d’en changer, cela gâche l’expérience.
D’autant plus que les choix esthétiques et les personnalisations offertes à notre avatar en début de chapitre sont d’une, très limités, et de deux complètement inutiles. Pourquoi nous permettre de décider de la tête de notre personnage quand nous n’incarnons que sa monture et que nous comprenons bien vite que nous en changerons dès le chapitre suivant ? De même, nous pouvons choisir une classe pour nos héros, du fauconnier agile au mercenaire surarmé en passant par le freelance impériale. Mais faire le choix de la vitesse ou de la résistance n’impacte que très peu notre expérience une fois dans les airs. La possibilité de monter un faucon géant, un dragon ou un ptérodactyle est bien plus agréable, la personnalisation de nos montures aurait été un choix bien plus judicieux.
L’atmosphère générale du titre est soignée et nous entrons très facilement dans l’histoire qui nous est contée via les missions principales que nous effectuons. Point de cinématique ici, tout passe par le texte et sa voix off. Jamais trop long en discours, nous avançons assez rapidement sans avoir l’impression de s’appesantir sur les éléments narratifs, la priorité est mise sur le contrôle de notre faucon. Tous ces dialogues sont entièrement traduits en français ce qui permet à tout un chacun de profiter des quatre chapitres et de la petite vingtaine d’heures de jeu nécessaire pour voir son épilogue.
Un faucon géant sachant chasser
Pour défendre son île, les dirigeants ont à leur disposition plusieurs engins. Les navires ont pour eux la puissance de feu tandis que les dirigeables peuvent atteindre n’importe quelle cible. Toutefois, l’arme ultime est le faucon. Rapide, agile et puissamment armé, il peut venir à bout de n’importe quelle situation et cela tombe bien, car nous incarnons l’un des pilotes qui ont l’honneur de grimper sur leur dos.
Si nos premiers pas sont assez simples et consistent à voler à travers un parcours, à attraper des mines pour les lancer là où il faut puis à livrer des colis, très vite nous sommes happés par les combats aériens contre des ennemis aussi bien armés que nous, mais moins doués bien sûr. Nous devons gérer deux jauges une fois en vol : notre vie et notre endurance. Notre vie, en cas de dégâts prononcés, se rechargera toute seule au bout d’un temps certain, à nous de nous mettre en sécurité loin des combats. Notre endurance nous permet d’effectuer des esquives, d’accélérer et de prendre de la hauteur. Il vaut mieux commencer ses combats en altitude avec une jauge pleine pour avoir l’occasion d’utiliser au mieux nos capacités.
Pour venir à bout de nos ennemis, nous avons à disposition une arme principale, qu’il faudra recharger en nous promenant dans des orages, ainsi qu’un tir secondaire unique plus puissant qu’il vaut mieux garder pour l’ennemi le plus puissamment armé. Les combats sont plutôt dynamiques, il faut sans cesse se déplacer, esquiver et varier sa vitesse pour optimiser nos dégâts. Le système de visée est efficace, il nous faut déplacer notre réticule au plus proche de notre cible pour pouvoir espérer le toucher.
Les contrôles répondent facilement et sont pensés pour offrir une expérience agréable aux joueurs. La touche Y pour cibler un ennemi se montrera très vite indispensable, contrairement à celle permettant à la caméra de se centrer sur notre cible. En effet, il arrive trop souvent que nous assistions alors à un ballet hautement vomitogène. Les indicateurs nous précisant la position de notre ennemi par rapport à nous sont bien plus utiles et permettent de se repérer très facilement. La dernière touche utile, en dehors des tirs bien sûr, nous permet d’accélérer un court moment en fonction de notre endurance.
Là encore, il faudra gérer avec subtilité ce boost pour éviter de perdre toute notre vitesse au plus mauvais des moments. La fatigue de nos montures est très vite un élément de gestion qui prend de la place. Il est toutefois possible de contourner cette contrainte en utilisant au mieux les courants, qu’ils soient ascendants ou accélérateurs. Nos parties de chasse n’en sont que plus aériennes et c’est avec un réel plaisir que nous prenons à chaque fois notre envol tant toutes ces couches de gameplay s’enchaînent bien.
Nous aurons la possibilité, lors de certaines missions, de voyager avec un allié. Nous pourrons donner des ordres simples à celui-ci, ce qui nous aidera durant nos missions. Toujours pour rendre nos taches plus aisées, nous pouvons profiter des produits de la mer et garder le produit de notre pêche entre nos serres jusqu’au moment où notre barre de vie demandera un remplissage salvateur.
Nos montures, comme celles de nos ennemis, sont assez fragiles. Foncer comme une brute en pleine mêlée ne signifiera qu’une chose : la mort et une baisse conséquente de notre pécule. Les combats sont à aborder avec un certain sens tactique. Il sera bien plus intéressant de commencer par éliminer les cibles isolées, puis de jouer l’appât pour amener nos adversaires vers nos alliés et les laisser se faire mettre en pièces.
Fedex j’écoute …
Nous pourrons améliorer notre faucon, ou en changer, en accostant dans les différentes villes qui composent ce monde et en accomplissant différentes missions et achats dans celles-ci. Si la partie commerce, qui demande l’achat de permis, encourage à l’exploration et à la recherche de profit, elle est vraiment freinée par la répétitivité des quêtes annexes à accomplir. Il faudra toujours soit livrer un colis, soit faire une course, soit tuer tel ou tel renégat. Ces missions, à faire en boucle, permettront de gagner de l’argent ainsi que de l’expérience. Là encore, le système de levelling est un peu bancal. Ne pas accomplir ces missions secondaires et se contenter des missions principales feront que, au chapitre suivant, nous nous retrouverons avec un niveau trop faible. Il est sans arrêt nécessaire d’effectuer ces missions en boucle pour augmenter notre niveau et pour acheter des bonus à nos montures, c’est vite lassant, et cela nuit à la narration.
Le monde que nous survolons est assez fascinant. Il se découvre petit à petit et cache de petits secrets qui se révéleront au sortir d’un brouillard épais. Toujours plonger dans une purée de pois, le radar se révélera un allié important durant notre épopée et chaque île découverte apportera une petite surprise agréable. Jouer avec le vent apporte aussi des sensations agréables. Ne toucher à rien durant un vol amène notre oiseau à subir les courants et à se déplacer seul au grès du vent. Tandis qu’à certains moments, lorsque nous cherchons à faire le foufou entre des tours en ruine ou à l’intérieur d’une grotte, il nous faudra lutter contre des courants traîtres.
Toutefois, la sensation de parcourir un champ de nuage est assez lassante, d’autant plus que notre oiseau le parcourt assez lentement. Les effets de lumières d’un coucher de soleil et les orages aux teintes différentes viennent bien rompre cette monotonie, mais l’impression d’émerveillement, comme lors de rencontre fortuite avec des baleines, n’est que trop ponctuel. Il est certes possible d’atteindre directement le lieu des combats lors des missions principales, mais ce n’est pas le cas lors des phases d’exploration, ce qui ancre nos parties dans l’histoire principale sans nous laisser, jamais, aucun degré de liberté.
Conclusion
Thomas Sala a accompli un travail remarquable avec The Falconeer, il nous permet de voyager dans un monde magnifique, ravagé par la montée des eaux, aux intrigues politiques dignes d’un épisode de Game of Throne. Les combats aériens, qui sont le cœur du jeu, sont à la fois tactiques et techniques et offrent de très bonnes sensations. Toutefois, son œuvre souffre clairement d’un manque de moyens en ce qui concerne les mécaniques de RPG. Les quêtes annexes se ressemblent toutes et le parti-pris d’une narration aux héros multiples nous fait perdre toute empathie envers nos avatars. Il faut espérer que ce programmeur génial reçoive de l’aide pour qu’un second épisode vienne gommer ces imperfections.
LES PLUS
- Les graphismes chatoyants sont merveilleux à parcourir
- Les sensations de vol en combats sont vraiment bonnes
- La bande-son nous emmène directement dans ce monde
- Toutes les mécaniques de jeu s’intègrent parfaitement
- La narration est vraiment intéressante
- Ce monde ravagé est envoûtant
- Entièrement en français
- Les contrôles sont intelligemment pensés pour fournir une très bonne jouabilité
- Savoir que c’est l’œuvre d’une seule personne force le respect
LES MOINS
- Les mécaniques de RPG sont bancales
- La personnalisation de notre avatar est inutile
- Les quêtes fedex sont redondantes au possible et pourtant nécessaires
- La caméra automatique est à oublier en combat
- Les phases d’exploration sont vraiment lentes