King’s Bounty est une licence à part pour les amateurs de jeux de stratégie. Sortie, en 1990, de l’imagination du développeur Jon Van Caneghem, sur des machines tel mon Amiga 500 d’amour, il s’agit de l’ancêtre de la série des Heroes of Might and Magic. La franchise créée par New World Computing, qui mélange avec succès des éléments de jeux de rôle et de stratégie au tour par tour, dans un univers médiéval fantastique, a fait le plaisir des joueurs durant la seconde moitié des années 90 avant d’être rachetée par Ubisoft… et mise au placard. Il faut attendre 2008 pour que l’éditeur ressorte King’s Bounty des cartons, publiant un nouvel opus sobrement intitulé The Legend, très bien accueilli. De nombreux épisodes lui succéderont jusqu’en 2014 avant de retomber dans l’oubli. Mais les légendes ne disparaissent jamais vraiment, dans l’ombre elles reprennent des forces ; alors, paré pour la suite ?
Chacun sa route, chacun son chemin
Sans trop en dévoiler sur l’intrigue qui vous attend, sachez d’abord que nous allons parcourir un univers bien plus mature que celui des épisodes précédents. L’ambiance est d’ailleurs beaucoup plus proche d’un Game of Throne, le prologue prenant place dans une contrée enneigée qui rappelle fortement le nord de Westeros. La narration, elle aussi, est bien plus sombre. Oubliez le côté décalé du reboot de 2008, la contrée de Nostria, que nous découvrirons juste après l’introduction, est un endroit mal famé dans lequel les pires monstres nous attendent. La trame principale nous proposera de démêler les fils d’une histoire tissée de complots, d’empoisonnement et de nécromancie. Après avoir sélectionné trois héros au début de l’aventure, nous aurons pour devoir d’aider le prétendant au trône à sauver son royaume.
Si, particularité assez déroutante, le choix de notre héros semble n’avoir aucune influence sur la narration au lancement d’une nouvelle partie, des divergences apparaîtront cependant rapidement. Chaque personnage a droit à son histoire propre, ce qui témoigne d’une réelle rejouabilité, d’autant plus que la composante RPG est loin d’être négligeable dans cette nouvelle mouture. Nous parcourons librement un vaste monde pseudo-ouvert constitué de multiples chemins, au sein duquel de nombreux PNJ nous solliciteront, par l’intermédiaire de quêtes secondaires bien scénarisées, pour la plupart. Qu’il s’agisse de secourir des réfugiés ou de sauver l’âme d’un défunt, les dialogues, bien construits, ne nous donnent jamais l’envie de zapper.
Il existe en outre plusieurs façons de mener à bien nos missions, toujours liées à un choix d’alignement. Nous pourrons ainsi privilégier l’ordre, l’anarchie, mais aussi la force ou la finesse. En fonction de nos décisions, les récompenses et notre alignement varieront. Des rétributions loin d’être anecdotiques puisqu’elles permettent de récupérer de nouvelles unités ! Quant à notre alignement, il influera directement sur le cours des événements. Un énorme bond en avant qu’effectue la série dans sa narration, de même qu’une franche réussite en matière d’immersion, tant le monde de Nostria regorge de vie.
Les trois héros disponibles au début de notre périple se distinguent par leurs histoires et attraits respectifs. Si le guerrier vous dotera de points de combat supplémentaires, la magicienne misera davantage sur ses sorts afin de se sortir d’affrontements périlleux, tandis que la paladin profitera d’un savant mélange de ces deux techniques. Mais loin d’être monolithique, le système d’évolution de King’s Bounty II autorise toutes les fantaisies grâce à son arbre de talents. Celui-ci, qui repose toujours sur les quatre éléments, permet de débloquer différents bonus et capacités, très utiles en combat.
Le bon goût de l’hexagone
Nous abordons donc naturellement la seconde partie de King’s Bounty II : les combats, qui jalonnent notre parcours. Obligatoires ou facultatifs, ils favorisent le déverrouillage de nouvelles unités, le gain d’expérience et dans le premier cas, la progression au cœur de l’intrigue. Les affrontements se déroulent systématiquement sur un plateau composé de cases hexagonales, dans la plus pure tradition des jeux de stratégie. Nous y répartissons nos unités, au nombre de cinq maximum, dont les capacités diffèrent au niveau des déplacements, du type d’attaques ou de défense. Plutôt classique, la recette n’en reste pas moins ultra-efficace. Il nous faudra constituer des équipes à l’alchimie effective, puis les ajuster en fonction de la nature des ennemis rencontrés et de la topographie des lieux.
Les terrains nécessitent donc une étude, pas forcément exhaustive mais attentive, de leur dénivelé et d’éventuels obstacles avant de les fouler – ce qui vaut aussi pour l’intelligence artificielle, s’adaptant en conséquence. Une unité ne peut par exemple lancer un sort ou une attaque longue-portée qu’à condition de jouir d’une vue dégagée. À nous d’en profiter le plus possible en attirant nos adversaires en terrain exposé, tout en gardant à couvert nos propres fantassins.
Une préparation bien pensée, accompagnée d’une judicieuse tactique durant l’affrontement, nous permettra d’une part, de le remporter plus facilement, de l’autre de réduire drastiquement nos pertes humaines et financières. Car les mercenaires ça coûte cher, qu’il faille les soigner ou les remplacer, et l’argent deviendra vite le nerf de la guerre. Nos unités bénéficiant de plus d’un système d’expérience, nous avons tout intérêt à les préserver de la mort et nous épargner l’âpreté d’un retour à zéro au sortir du combat. Pour ceux qui souhaiteraient avancer plus facilement, mieux vaut donc éviter de traiter ses troupes comme de la vulgaire chair à canon !
Notre choix de héros, au départ, revêt également toute son importance, aussi bien dans le déroulement des combats qu’au cours de nos pérégrinations. Chacun d’entre eux possède en effet des compétences spécifiques influençant de manière passive les batailles, ou activables lors des phases d’exploration. À notre portée également, la possibilité de lancer des sorts une fois par tour : qu’ils soient de type « attaque », « soins » ou « buff/debuff« , ils piocheront dans notre réserve de mana et toujours changeront, l’issue du combat. De ces différentes composantes résultent des conflits très tactiques, qui auront tôt fait de sanctionner les joueurs imprudents, récompensant à l’inverse ceux d’entre nous qui chercheront à optimiser leurs troupes et leur positionnement.
L’exploration d’un monde complexe
La grande nouveauté de ce nouveau King’s Bounty tient dans l’exploration, qui renonce à la traditionnelle vue de dessus au profit d’une caméra embarquée à même le dos de notre avatar ou de son destrier. Les terres de Nostria ont beau très vite révéler leurs limites – notamment des murs invisibles et des chemins très balisés -, ce monde semi-ouvert favorise grandement l’immersion au sein de l’aventure. En revanche ne disposons-nous pas de mini-map, mais d’un simple indicateur boussole nous orientant vers les points d’intérêts. Ce parti-pris, qui nous oblige à nous interrompre plus que de raison pour accéder à la carte via le bouton « + », casse le rythme de notre aventure. Autre point désagréable, notre monture : le gain de vitesse, peu visible, donne l’impression de déplacements particulièrement lents.
D’un point de vue graphique, cette version Switch, forcément en-deçà de ce que la preview nous avait offert en ultra sur Pc, nous gratifie néanmoins en nomade d’un rendu très satisfaisant en extérieur, malgré une distance d’affichage et une résolution nettement plus faibles – adieu full HD ! En mode docké, le constat se fait plus rude pour nos mirettes encore éblouies par la preview. C’est pourquoi nous lui préférerons la configuration portable, naviguant dans des paysages fournis en végétation et fourmillant d’un luxe de détails. De petits effets de lumière ou de bourrasques sont même visibles çà et là. L’aliasing est évidemment de la partie, mais il reste acceptable, sauf en docké.
Nous ne pouvons cependant en dire autant des phases de combat, bien décevantes visuellement, pourtant plus avares de détails à afficher, sur un plateau à la taille de surcroît limitée ; des conditions qui ne justifient pas d’observer la même baisse de qualité qu’en exploration, avec un résultat nettement inférieur à ce que peut proposer un Fire Emblem. Parce qu’il est difficile de distinguer les unités et leur spécialité, il devient nécessaire d’utiliser l’infobulle en début de bataille afin de mener à bien nos combats, ce qui empiète sur le plaisir de jeu.
L’autre grosse différence entre la preview Pc et cette version finale sur Switch a trait aux contrôles. Nous passons d’un combo clavier/souris à des raccourcis manettes, toutefois très efficaces. Ceux-ci permettent une utilisation optimale des fonctions, en combat comme en exploration. Nous accédons facilement au menu ainsi qu’aux statistiques des unités, la navigation dans les menus se montrant très intuitive. Une aide à la maniabilité, présente en permanence à l’écran sans possibilité de la retirer, alourdit malheureusement notre fenêtre inutilement. Gageons qu’un patch arrivera rapidement et nous débarrassera de ces indications visuelles vite caduques…
La bande-son, quant à elle, est un pur plaisir. La musique, toujours adaptée aux situations, oscille entre compositions légères au fil des phases d’exploration, et rythmes plus oppressants en combat. Entièrement doublé en anglais et sous-titré en français, le titre accueille bien volontiers le joueur en son sein, qui s’y sent rapidement chez lui. Même nos déambulations en ville nous permettent de glaner des bribes de conversations ! Clin d’œil sympathique, une chanson dédiée, Greflet’s song d’Alina Gingertail, vient agrémenter notre aventure. L’ambiance s’enrichit enfin de nombreux sons et effets qui renforcent encore notre plongée dans le monde de Nostria.
Conclusion
La série King’s Bounty, encore se bonifie. Ce dernier épisode tient toutes les promesses de ses prédécesseurs en offrant une composante RPG très poussée, mâtinée de choix et d’exploration. Sa narration, certes bien plus mature que celle de ses ancêtres, s'avère parfaitement maîtrisée, entrecoupée de moments de tension très bien amenés. Son système de combat reste un modèle du genre, s'articulant autour d'affrontements au tour par tour sur un plateau hexagonal, qui nécessitent de faire preuve d’un bon sens tactique. Si le titre de 1C Entertainment souffre, en mode docké, de la comparaison avec la version Pc, il reste très agréable à l’œil en mode nomade, affichant de nombreux détails.
LES PLUS
- La narration, approfondie et très bien menée
- L’immersion, au rendez-vous
- La grande liberté qu'induit la composante RPG
- L'usage très libre et pertinent des quatre alignements possibles
- Les combats, toujours aussi tactiques et maîtrisés
- Les phases d’exploration, agréables et prenantes
- La personnalisation poussée de notre avatar
- Les graphismes durant l'exploration, en mode nomade, très appréciables et détaillés pour une version Switch
- Les contrôles, bien optimisés à la manette
- Le retour réussi d’une licence culte, c’est toujours un plaisir !
- Le doublage en anglais, à la hauteur
- Entièrement sous-titré en français
LES MOINS
- La lenteur des déplacements à cheval
- L’absence frustrante de mini-map
- Le hub, envahissant pour rien
- Les graphismes inexplicablement au rabais lors des affrontements
il me chauffe ce jeu
Il me tente carrément !!!