À l’heure où les jeux de fantasy tournent souvent autour d’un univers « tolkienesque » ou « game of thronesque », le studio russe Morteshka vous propose une aventure dans les terres slaves à la fin du 19ème siècle, dans la peau d’une Koldun…
Koldun, quésaco ?
Reprenons depuis le début et parlons de l’histoire… ! Vous incarnerez Vasilisa, une jeune orpheline élevée par le vieux Egor. L’histoire de Vasilisa prend un tournant sombre (et débute réellement) lorsque son fiancé se suicide… De fait, il ne peut pas être enterré en terre consacrée et son âme est condamnée aux tourments éternels des enfers… Ne pouvant accepter un destin si cruel pour son bien-aimé, Vasilisa se rend auprès de son mentor, Egor, afin de trouver une solution… Celui-ci lui propose alors de prendre sa suite et d’embrasser sa destinée de Koldun (une sorcière), en récupérant son « Black Book », autrement dit son « grimoire sombre »… Celui-ci est pourvu de 7 sceaux et si Vasilisa parvient à tous les ouvrir, elle gagnera alors la capacité d’obtenir tout ce qu’elle souhaite… Après un passage rituel dans les enfers, Vasilisa parvient à ouvrir (avec une certaine facilité), le premier sceau… Le début d’une quête où le destin de la jeune fille se jouera sur le fil du rasoir…
L’heure des sorcières
Vous l’aurez compris, l’univers proposé par Black Book n’est pas très courant ; c’est aussi vrai pour le gameplay, qui mixe plusieurs genres, et pour les termes utilisés. Très vite nous nous retrouverons pris dans ces légendes et références propres à la culture slave. Il est d’ailleurs appréciable que certains termes ne soient pas traduits et gardent leurs noms russes. Nous comprenons, en effet, rapidement ce qu’ils désignent… Koldun est donc l’équivalent de Sorcière, un Zagovor est un sort, un Chort est un genre d’esprit frappeur … Et si vous avez un doute, une encyclopédie se met automatiquement à jour dès qu’un nouveau terme est introduit. Celle-ci permet également de découvrir certaines histoires et légendes liées à votre avancée dans l’histoire. Le seul regret, c’est que tout est en anglais… Une bonne connaissance de la langue est donc nécessaire pour profiter pleinement de l’histoire…
Comme nous le disions plus haut, le gameplay mélange plusieurs genres et de façon plutôt réussie… Ainsi, nous débutons la partie sous la forme d’un point & click dans un univers en 3D, et même si le placement de la caméra n’est pas toujours optimal et la zone à explorer assez réduite, nous avons été séduits par les décors. Bien qu’en « low poly », l’ensemble est très agréable à l’œil… Autre point positif, l’écran tactile est supporté ! C’est assez rare pour être souligné et, même si certains contrôles ne sont pas toujours optimaux, cela reste une intention fort appréciable. Après cette phase d’exploration, nous entamons une phase de discussion avec notre mentor (le vieux Egor), et cela se fait sous la forme d’un Visual Novel, avec la possibilité de donner des réponses différentes. Viennent enfin les phases d’initiation au combat contre les démons et autres engeances maléfiques, qui se matérialisent sous la forme d’un jeu de cartes, au tour par tour.
Armée de son Black Book, Vasilisa pourra ainsi choisir différentes cartes, correspondant à des pages du grimoire (certaines offensives, d’autres défensives) pour venir à bout de ses adversaires. Même si les explications semblent assez sommaires, nous comprenons vite le fonctionnement des cartes et les enchaînements à réaliser pour faire le maximum de dégâts.
Nous avons donc évoqué le côté Point & click, l’aspect Visual Novel et les combats de cartes… reste encore la partie « enquête », dans le sens où il faudra bien observer certains décors et suivre certaines discussions pour donner la bonne réponse dans certaines phases de dialogue… En règle générale, une bonne réponse vous octroiera des points que vous pourrez ensuite échanger contre de nouvelles capacités… cela ajoute donc une dimension RPG au titre, pas mal non ?
Vis ma vie de Koldun
En règle générale, le titre suit plus ou moins le même déroulement. Il y a la quête principale (sauver l’âme de votre bien aimé en perfectionnant votre art afin d’ouvrir les 7 sceaux) et puis il y a « le quotidien ». En effet, en tant que Sorcière / Spécialiste des arts occultes / Exorciste, vous serez également amenée à répondre aux requêtes faites par les villageois qui passeront vous voir dans votre demeure… Libre à vous de répondre à leurs quêtes, ou de les refuser. Ce faisant, cela aura un « impact sur votre vie », car selon les actions effectuées, vous obtiendrez des points de sins (péchés) en commettant des actions néfastes (faut-il lancer une malédiction sur le voisin ? Ou plutôt la lancer sur celui qui vous a demandé de le maudire ? Faut-il exorciser ce démon qui détruit les récoltes comme vous l’a demandé le prêtre ? Ou alors allez-vous le laisser faire pour le recruter ensuite ?) En fonction de vos choix, vous pourrez ainsi réduire ou augmenter vos points de péchés. Cela influera notamment sur la façon dont vous serez perçue par les autres, mais aussi dans certains cas sur l’argent que vous pourrez gagner. Évidemment, dans la vie d’une sorcière aucune action ne sera jamais vraiment « bonne », mais certaines seront plus « généreuses » que les autres, c’est à vous de voir ! Mais gardez en mémoire que dans tous les cas, vous marcherez sur un chemin gris.
En tant que Sorcière, Vasilisa doit également s’occuper de « chorts », des esprits frappeurs… Toujours dans cette démarche de nuire ou non aux autres, vous pourrez décider de les envoyer tourmenter des villageois (et gagner ainsi de l’argent… et des points de péchés) ou alors les garder auprès de vous, au risque qu’ils vous tourmentent et s’avèrent des handicaps lors des affrontements (réduisant par exemple la puissance de vos sorts…).
Sur votre route, vous croiserez donc des ennemis, des alliés potentiels, des personnes à sauver… mais aussi des personnes désireuses de s’emparer de votre grimoire. Au fil de votre évolution dans le jeu, votre Black Book gagnera en capacité et vous pourrez ainsi utiliser des sorts plus puissants, mais aussi plus nombreux lors d’un tour. Au fil des parties, vous apprendrez à composer le « deck » idéal et surtout à jouer des bonnes combinaisons pour causer le maximum de dommages. Certaines cartes permettent de rester actives en plus de celles jouables pendant plusieurs tours, alors que d’autres multiplieront les capacités de certaines autres si elles sont jouées en même temps !
En règle générale, les combats sont relativement faciles (en fonction du mode de jeu sélectionné), même si certains combats contre des boss augmentent drastiquement le niveau et demandent de s’y reprendre à plusieurs fois.
À certaines occasions, vous aurez également la possibilité d’éviter un combat (en fonction de vos réponses), ou alors de vous mesurer à des affrontements puzzle… et dans ce dernier cas c’est souvent un peu plus corsé. En effet, durant un nombre de tours déterminé, vous devrez vous débarrasser de vos ennemis en jouant les bonnes cartes, sans quoi c’est le game over assuré. Durant ce genre d’affrontements, vous serez généralement gratifié de cartes/pages plus puissantes, vous donnant un aperçu de ce que vous pourrez obtenir plus tard dans le jeu. Mais le plus frustrant sera de trouver la bonne combinaison (il n’y en a qu’une et souvent elle fait appel aux nouvelles cartes), sans oublier d’utiliser les compétences de vos alliés (si vous en avez un). Par chance, il y a une fonction de sauvegarde automatique qui vous permet de reprendre juste avant le combat que vous venez de perdre, vous donnant ainsi l’occasion de mieux vous préparer.
Promenons-nous en Russie…
Un petit mot sur la partie graphique maintenant. Lors des déplacements en 3D, les développeurs ont fait le choix de proposer des graphismes en low poly. Toutefois, le rendu passe plutôt bien et les décors sont plutôt jolis, même si ces phases sont relativement courtes (les zones à explorer sont petites). L’avantage, c’est que l’on ne se perd pas en fioritures. Ce rendu minimaliste colle assez bien avec l’ambiance globale du jeu. Les paysans ne vivent pas dans le luxe et les décors sont relativement sombres, la plupart des voyages se faisant dans l’obscurité.
Lors des phases en Visual Novel, les personnages sont joliment dessinés dans un style entre les comics et les mangas. Il n’y a pas d’animations labiales quand les personnages s’expriment, cependant leurs poses et expressions changent en fonction de ce qu’ils disent et langue de vipère dans la potion, l’intégralité des textes est doublée ! En anglais certes, mais les doubleurs s’avèrent plutôt convaincants et pouvoir entendre la voix des personnages permet de leur donner encore plus de « contenance ».
D’ailleurs du point de vue sonore, il y a un vrai travail qui a été fait. Que ce soit au niveau des voix comme nous venons de l’indiquer, mais aussi dans les bruitages et dans certaines musiques du jeu. Par moment, vous serez même invité à chanter avec des personnages et c’est tout un chœur qui fredonnera une chanson slave… Nous avons même été happés par certains moments au point de laisser les personnages chanter jusqu’à la fin… Notez qu’il est même possible de ré-écouter par après les chansons ainsi apprises. Black Book ne renie jamais ses origines et fait figure d’invitation au voyage… Que ce soit dans les décors, les termes utilisés, l’encyclopédie ou encore les chants, nous sommes transportés dans cet univers certes assez sombre, mais réellement empreint de magie, à cent lieues de ce que l’on peut voir habituellement dans le genre héroic fantasy… et ça fait du bien !
Conclusion
Jeu plutôt atypique, proposant une expérience et un univers qui sortent des sentiers battus, Black Book frôle l’excellence… Avec une version française, le titre serait vraiment parfait. En l’état il reste vraiment bon, mais nécessite quand même d’être à l’aise avec l’anglais pour en profiter pleinement ! Le côté hybride, incluant jeux de cartes, Point & click, Visual Novel à choix multiples, enquêtes et RPG, fonctionne plutôt bien et permet de varier le gameplay évitant ainsi une certaine lassitude. Nous avons été conquis par cette histoire de sorcière et vous recommandons le titre si la langue de Shakespeare n’est pas un obstacle pour vous !
LES PLUS
- La découverte du folklore russe.
- L’histoire et les choix multiples.
- La synergie Visual Novel / Point & Click / Combat de cartes / RPG / Enquêtes.
- L’ambiance sonore et les musiques
- La durée de vie.
- L’encyclopédie.
- Tous les dialogues sont doublés…
LES MOINS
- …mais le jeu ne dispose pas de VF !
- Les phases de combat façon Puzzle Game.
- La jouabilité tactile parfois imprécise.
Précision : il est possible de choisir le doublage en russe, et pour l’immersion, c’est top 😉