Les jeux d’énigmes ont souvent pour objectif de vous retourner le cerveau… Dans le cas de Tetragon, c’est le jeu tout entier qui s’en trouve retourné ; mettez un casque, on vous explique !
Il était une fois dans la forêt…
Tetragon s’ouvre sur une jolie séquence composée d’une succession de dessins fixes, sur lesquels on aperçoit Lucios, un bûcheron en forêt avec son fils, qui soudain disparaît lorsque s’abat un éclair de lumière… Face au père qui se précipite en direction du lieu du drame, un portail qu’il franchit, n’écoutant que son courage et son amour pour sa descendance : Lucios se retrouve alors propulsé au sein d’un autre monde, champêtre, dans une pièce à la forme carrée.
Notre héros, s’il commence la partie amnésique – un classique dans les jeux indés -, croise rapidement une entité lumineuse (carrée également) qui lui rappelle son nom et les raisons l’ayant mené dans ce monde étrange. Lucios comprend ainsi qu’il devra enchaîner les portails à traverser pour retrouver son fils !
Un concept sens dessus dessous !
L’histoire en soi est relativement classique, même si certains éléments eussent mérité d’être un peu plus développés. Les PNJ que l’on rencontre parfois s’avèrent peu diserts quant aux menaces auxquelles on est confrontés. On ne dépasse finalement pas le postulat de départ, « Lucios doit sauver son fils », alors qu’au-delà l’on devine l’univers plus étendu et l’histoire plus complexe qu’il n’y paraît…
Venons-en au cœur du jeu, la réflexion donc. Chaque tableau, de forme carrée, consiste à trouver le meilleur chemin pour atteindre le portail qui vous permettra d’accéder au niveau suivant (dont les contours s’esquissent en arrière-plan). Le parcours se complexifiant au fil du temps, bientôt il ne suffit plus d’avancer mais il faut aussi faire pivoter l’écran de jeu vers la gauche ou la droite (votre personnage conservant la même position), à l’aide de sortes de totems en pierre. Restez toutefois vigilants en veillant à ce que Lucios trouve toujours une surface solide sous ses pieds.
Heureusement, votre héros découvre rapidement une lanterne magique, utile au déplacement des colonnes de pierre vers le haut, le bas, la gauche ou la droite en fonction de l’orientation. À vous la création d’escaliers pour prendre de la hauteur… ou descendre tout en douceur !
Attention néanmoins, car une colonne n’est pas extensible à loisir : sa longueur, généralement limitée, apparaît à l’écran après en avoir pris le contrôle, vous permettant d’évaluer facilement jusqu’à quel point l’étirer (ou l’enfoncer). Gare non plus à ne pas s’élancer d’une hauteur trop élevée, bien qu’une fois encore une indication de couleur rouge s’affiche, en surbrillance, sur la plateforme en contrebas afin de vous avertir d’une chute potentiellement fatale… À vous d’user des colonnes et des retournements d’écran pour rejoindre le portail, direction le prochain niveau, sans oublier pour les plus téméraires de collecter les morceaux de cristaux, au nombre de 13, disséminés dans les différents tableaux.
Que ceux qui, enfin, craindraient une certaine redondance dans l’action à la lecture de cette description, se rassurent : le gameplay ne cesse de se renouveler. L’on pense une technique acquise ? Le comportement des colonnes à déplacer évolue en conséquence ! Devenues amovibles, il faudra trouver le moyen de les immobiliser quand d’autres cèdent sous le poids de la gravité sitôt que la pièce bascule… Autant de nouveautés bienvenues et contribuant à renouveler l’expérience de jeu, ce qui demeure toujours appréciable dans un jeu de réflexion !
Une maniabilité à l’envers
Autre atout du jeu en complément de son gameplay évolutif, les capacités qu’acquiert votre avatar… On regrette toutefois qu’elles soient si peu nombreuses ! Exception faite de la lanterne servant à mouvoir les pylônes, vous n’obtiendrez en effet rien de plus qu’un pendentif qui vous permettra de gagner les plateformes plus en hauteur (3 cases franchies contre 2 initialement) … Dommage, l’on aurait vraiment espéré déverrouiller d’autres compétences au fil de notre avancée, quitte à corser certains niveaux !
Le bât blesse plus sérieusement en ce qui concerne la maniabilité, parfois peu intuitive – même si c’est certainement voulu par le jeu. Commençons par l’utilisation de la lanterne, grâce à laquelle vous sélectionnez les pylônes à déplacer, vers la gauche ou la droite, via les gâchettes L et R : outre le temps perdu à presser successivement l’une ou l’autre touche jusqu’à atteindre le bon pylône, vous voilà dans l’embarras quand tout à coup la gauche devient droite, et vice-versa, parce que vous avez retourné la pièce ! Un paramètre plus complexe encore dès lors qu’il faut enchaîner le mouvement de deux pylônes, pas nécessairement côte à côte… Le manque de souplesse des contrôles rend leur inversion, logique à partir du moment où l’on bouleverse le sens de la pièce, cependant peu confortable.
Cela se ressent également dans les déplacements qui risquent, par instant, de vous faire grincer des dents. Souvent le protagoniste ne répond pas correctement aux commandes ; en orientant le stick vers le haut pour qu’il escalade, il ne sera pas rare que celui-ci avance au lieu de sauter. Gênant, et surtout frustrant quand cela vous précipite dans le vide… Certes l’on s’adapte à ces lourdeurs au fil des parties, couplées à une légère inertie dans le retour manette, mais cela demeurera rédhibitoire aux yeux de quelques-uns. Des points noirs particulièrement gênants lors du combat contre l’ultime (et unique) boss du jeu !
Il aurait d’ailleurs été sympa d’en intégrer d’autres, dans le but de mieux se préparer à cet affrontement final…
Balade champêtre avec détour au château
Un petit mot quand même sur l’aspect visuel du titre, de très bonne facture ! L’histoire nous est contée à travers des images fixes, aux traits évocateurs des contes pour enfants – un dessin parfaitement adapté. Les illustrations réussies et le sous-titrage dans la langue de Molière ne gâchent rien. Au niveau des décors, simples et détaillés à la fois, la variété l’emporte, chaque monde s’articulant autour d’une thématique spécifique (la forêt, un château, une forêt mystique aux teintes de violet bleuté, un temple ancien, enfin), tout comme la qualité. On se plaira à distinguer un aperçu du niveau suivant au fond de l’écran, le jeu jouant d’un semi-effet de profondeur dans son aspect visuel uniquement, sans impact sur le gameplay. En résulte l’impression d’être littéralement happé par le cube au gré de notre avancée…
Sur le plan sonore, les bruitages font l’essentiel du job. Entre les râles de papa Lucios et les tintements de la lanterne magique à l’usage, l’ambiance sait se faire discrète tout en préservant ce côté mystique propice à l’aventure… Les déplacements de Lucios sont très fluides (malgré la maniabilité précédemment évoquée), quelques animations de-ci de-là en arrière-plan insufflant un peu de vie à l’ensemble. Le contraste avec l’exploration de certaines zones abandonnées, mais laissant à penser qu’elles furent un jour peuplées, s’en trouve renforcé. C’est d’ailleurs l’un de ces éléments scénaristiques qu’on aurait souhaité plus exhaustif… Peut-être à l’occasion d’une suite ou d’une préquelle ?
Conclusion
Tetragon offre un challenge à même de vous retourner la tête, qui ne cesse de se renouveler tout au long de votre progression. En revanche l'histoire et l’univers, plaisants, auraient peut-être mérité un développement approfondi. Et si l'on peste parfois contre les contrôles un peu hasardeux, l’envie de résoudre les énigmes pour progresser tout au long des 41 niveaux finit toujours par l'emporter, et maintenir intact le plaisir de jouer !
LES PLUS
- La difficulté progressive
- Le renouvellement dans les énigmes
- L’univers du jeu
LES MOINS
- Les contrôles pas toujours évidents
- Le personnage répond parfois aléatoirement aux commandes
- On aurait aimé débloquer d’autres capacités au fil des niveaux