Camarade ! Il est temps de prendre le taureau capitaliste par les cornes pour le dévier de sa trajectoire devenue incontrôlable. Rends-toi compte camarade, même ce beau métier de pompier succombe aux sirènes de l’ubérisation. C’est en tout cas ce qu’avancent les développeurs New-Yorkais de Muse Games avec leur dernier titre Embr. Un jeu qui nous demandera de savoir manier la lance à incendie, mais pas que. Faut-il pour autant se jeter, armé de tout notre courage, dans le feu de l’action ? Camarade, viens ! Découvrons ensemble la réponse au bout du chemin.
SOS Pompier, j’écoute
Embr, qu’est-ce que c’est ? Imaginez un simulateur de soldat du feu qui ne se prendrait pas au sérieux, tout simplement. Un titre qui aurait décidé de marier la beauté envoûtante d’une flamme, à l’assaut d’un mur au sommet duquel lécher la surface du plafond, et la physique délirante d’un Moving Out. Voilà pour les présentations générales, sans s’encombrer de scénario : tout juste savons-nous faire partie d’une organisation de pompiers indépendante et qu’il va falloir rapporter du cash et de la satisfaction client pour en gravir les échelons.
Dans un premier temps, nos missions se limitent à tirer des flammes des clients en plein marasme, qui ont à l’évidence oublié nous avoir un jour contactés, vu le peu d’intérêt qu’ils portent à leur survie. Ils sont toujours fourrés n’importe où, dans la salle de bain ou la cabane de jardin, à regarder leur portable au lieu d’adopter les gestes les plus simples du guide de survie. Ce qui, au moins, justifie le besoin de faire appel à des sociétés privées de pompiers : dilapider des fonds publics pour de tels individus friserait l’indécence.
Chaque mission comporte un objectif principal – sauver deux clients, etc. -, assorti d’objectifs secondaires, récupérer de l’argent caché par exemple. Très vite, de nouveaux types de tâches questionnent nos aspirations : préserverons-nous le mobilier du brasier, atteignant ainsi un palier financier, ou favoriserons-nous au contraire la destruction de la maison… parvenant peut-être à arnaquer l’assurance ? Livrer des repas, mettre la main sur « l’objet spécial » de notre client… Il y a largement de quoi faire notre bonheur !
Extrêmement varié dans son approche, Embr propose des missions assez différentes pour éviter la lassitude en solo. Aussi avançons-nous sans anicroche sur la route du succès. Notre zone d’activité couvre plusieurs sous-zones à réguler, au sein desquelles chaque mission réussie nous rapporte un nombre de flammes dépendant de notre capacité à remplir les objectifs. Une fois suffisamment de flammes récupérées, nous débloquons l’accès à l’épreuve finale de la zone dont les mécaniques spécifiques, boss ou niveau spécial, diffèrent de ce que l’on nous sert le reste du temps. Temps par ailleurs très serré, incendie oblige : il ne va pas falloir traîner, quelle que soit la mission !
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Pour secourir nos clients, nous avons bien sûr du matériel de pointe à notre disposition : outre l’incontournable lance à incendie, qui nous permet de circoncire les flammes trop envahissantes et d’ouvrir un passage vers des lieux plus réfrigérés, la hache se joint aux festivités. L’échelle aussi, tout comme le détecteur, plus original mais vite indispensable à la localisation des clients dans la fournaise. Car ces outils prennent véritablement de l’ampleur par la suite. Impossible en effet de balancer par la fenêtre de leur appartement en feu ces clients à la santé fragile, qu’il a déjà fallu atteindre sans encombre. Aucun souci, un coup de pistolet congélateur et nous les transformons en cube de glace résistant aux chutes : extraction validée, camarade ! Le jeu ne se limitant pas à cette seule fantaisie des développeurs, nous vous en laisserons découvrir toute l’étendue.
Ces équipements s’achètent et s’upgradent via la monnaie in-game, qui récompense nos exploits de terrain : ramener à bon port le plus de clients possible ou s’acquitter d’un maximum de missions secondaires. Ce système ajoute encore à la belle durée de vie d’Embr, d’abord dopée par la difficulté croissante des sauvetages. Partout, le danger guette, qu’il s’agisse de flammes tapies derrière des portes closes qui n’attendent qu’une bouffée d’air frais pour projeter à notre visage noir de cendres, un geyser incandescent, qu’il s’agisse de matériaux chimiques particulièrement sensibles à l’élévation de la température – BOUM ! -, qu’il s’agisse enfin de fils dénudés dont l’arrosage accidentel entraînera la diffusion d’un mortel courant alternatif. Survivre sans que nos clients ne périssent requiert intelligence, observation et dextérité.
Les locaux que nous traversons varient énormément et proposent un design très vertical, du simple pavillon de banlieue aux derniers étages de gratte-ciel futuristes, en passant par les usines désaffectées. Malgré le placement plus ou moins inspiré des victimes à exfiltrer, les 25 niveaux du titre demeurent toujours plaisants à parcourir. L’apprentissage de la situation et de ses contraintes s’y révélant prépondérant, il sera rare d’atteindre les 100% de complétion des objectifs dès la première run.
Sans maîtrise, la puissance n’est rien
D’un point de vue technique, le travail de Muse Games n’accuse qu’un seul défaut : la sensibilité des contrôles. Pourtant munis de nos Joy-Con habituels, qui nous accompagnent sans accroc notable sur un nombre considérable de jeux divers et variés, et ce depuis maintes années, nous nous sommes trouvés dans l’obligation de les remplacer par une paire neuve, notre avatar s’étant mué en une telle savonnette que nous ne pouvions même plus nous arrêter devant une porte. Nos contrôleurs d’origine réagissant tout à fait normalement à l’épreuve des autres titres de la console, il semble donc que la sensibilité de base du jeu soit paramétrée à son plus haut degré.
Paramétrage qu’on ne peut modifier, quel dommage au vu des options de personnalisation présentes durant l’aventure, à l’image de la vitesse de propagation du feu ou de la force gravitationnelle, modulables afin d’adapter la difficulté. Le reste, plus classique, se montre néanmoins assez complet, tout comme la customisation de notre personnage. Les costumes plus loufoques les uns que les autres font largement sourire, gages d’un travail rondement mené !
Les graphismes au rendu très coloré s’inscrivent dans cette même tendance à la légèreté. Nous déplorons en revanche l’interaction limitée avec le décor, par opposition à la somme, plutôt conséquente, d’objets indépendamment manipulables : pourquoi diable cette plante en pot reste-t-elle collée au sol, à l’inverse du guéridon, secourable ? La réponse a disparu dans l’incendie précédent. Qu’il prenne possession d’un meuble ou rampe sous un plafond, le vrai héros du titre des New-Yorkais, c’est de toute façon le feu à la modélisation très esthétique, nous rappellant certaines scènes du film Backdraft.
Dernier point à aborder, le multijoueur en ligne nous laissait espérer une fréquentation digne de ce nom, eu égard à l’accès anticipé déployé sur Pc depuis plusieurs années. En l’état malheureusement, pas plus d’une personne ne s’est connectée simultanément durant notre semaine de test. Désaffection des joueurs ou non-prise en charge du cross-play, quoi qu’il en soit les belles promesses du multi font finalement l’effet d’un pétard mouillé. À voir ce qu’il advient de cette composante au fil du temps, qui pour l’heure manque cruellement à Embr.
N.B. :
La note finale ne tient pas compte du mode multi en ligne, qui pourrait toutefois lui valoir un point supplémentaire à condition de proposer du cross-plateforme, garant d’un nombre suffisant de joueurs en simultané.
Conclusion
Le studio Muse Games nous offre un jeu délirant dont le propos, satirique, moque allègrement l’ubérisation de notre société par le biais de son escouade de combattants du feu privatisée. Riche d'un contenu très fourni et d'une vraie rejouabilité grâce à la diversité des objectifs proposés, annexes ou principaux, Embr nous comble de plusieurs heures de plaisir sous tension. Sa physique rigolote, ses graphismes colorés et sa customisation de personnage concourent à transporter efficacement les joueurs dans son monde délirant. Dommage cependant qu'à l'heure où nous écrivons ces lignes, le mode online s'avère à ce point déserté, de même que la sensibilité exacerbée des contrôles risque de provoquer moult cris de frustration.
LES PLUS
- Des graphismes colorés qui mettent dans l’ambiance
- Une bande-son jazzy qui s’accommode bien du jeu
- La critique sous-jacente des travers de notre société, toujours avec humour
- Le système d’amélioration et d’achats, bien conçu et prenant
- Un level-design globalement intelligent
- Les missions suffisamment différentes pour être intéressantes
- Les outils à notre disposition, nombreux et vraiment décalés.
LES MOINS
- Ne cherchez plus, vous détenez là le détecteur de Joy-Con drift ultime, à la sensibilité… vraiment trop sensible !
- Le désert de Gobi du multi en ligne, point noir d'un jeu à partager.