Rien ne va plus dans ce qui était autrefois le paisible Royaume des Rats. Une attaque éclair et dévastatrice de Grenouilles, toutes assoiffées de sang, il va sans dire, a mis à sac le château et ses environs. Le bon Roi est mort et le désespoir le plus noir s’est abattu sur nos sujets amateurs de graines… Il est temps, l’arme au poing, de reprendre du poil de la bête ! Tout juste promu Roi, Redgi va se lancer dans sa quête de reconquête. Il est petit en taille mais fier comme Artaban et vaillant comme le Prince de Lu. Il est expert dans le maniement de l’épée et de l’arc, soit un rongeur héroïque, avec de bonnes joues, à même de redorer le blason du Royaume.
Enfin, n’allez pas trop vite en besogne, avant de vous lancer bille en tête dans l’aventure, soyez averti de l’ampleur de la tâche qui vous incombe…
Le roi est mort, vive le roi !
Comme dans tous les « Souls-like » (des jeux ouvertement inspirés par la série des Souls de From Software) à base de combats épiques et de boss increvables, le jeu n’est pas facile. Il nous présente même par moment des murs de difficulté, pouvant nous bloquer et décourager les joueurs ayant le moins l’habitude de ce type de jeu. Or étonnament, ce jeu est loin d’être le Souls-like sans pitié (pléonasme ?), que nous redoutions avec fébrilité. Oui, Tails Of Iron parvient même à être engageant sur bien des aspects, là où la plupart des Soul-Likes cherchent le plus souvent à être insécurisant.
Engageant ? Il l’est d’abord par son histoire, qui va droit au but avec tout ce qu’il faut d’humour, tout en étant bien mise en scène. Nos rats s’expriment à l’aide de dessins dans des bulles, avec de curieux bruitages qui vous surprendra (en bien, en mal, telle est la question). Nos hauts-faits, eux, nous sont narrés par la très belle voix grave et rassurante de Doug Cockle, la voix de, vous l’aurez sans doute reconnu, Geralt De Riv, le héros de The Witcher.
L’univers médiévo-fantastique est véritablement « charmant » et « typique », tantôt sombre et violent quand nous découpons à la hache de la Grenouille, lesquelles ont des trognes pas possible, tantôt mignon quand nos bardes à grandes oreilles jouent avec entrain leur musique dans des décors magnifiques. Le jeu en 2D est vraiment sublime, avec des couleurs passées, fatiguées, bien choisies, différents plans admirablement agencés pour simuler une belle profondeur de champ, et surtout de splendides parallaxes (ces fameux plans qui défilent sous nos yeux ébahis) rappelant les jeux d’antan et plus récemment les merveilles produites par Vanillaware. Chaque décor, surtout en extérieur, est unique, rien ne semble se répéter. Dans les égouts ou dans les mines, c’est moins le cas. Les environnements peuvent en effet se ressembler mais le charme des graphismes, fins et détaillés, persiste jusque dans ces coins les plus reculés de la carte.
Pour assurer l’ambiance, la musique, douce ou pleine d’entrain, est exclusivement intradiégétique, c’est-à-dire qu’elle est audible non seulement par nous mais aussi par les personnages du jeu et s’efface une fois que notre rat est loin du concert donné par le troubadour ou lorsque des grenouilles adeptes du tam-tam délaissent leurs instruments pour la baston. Le reste du temps, ce sont les bruitages, le vent, la pluie, la marche… L’échantillonage sonore est tellement parfait, qu’il va vous faire oublier la réalité qui vous entoure, un élément qui rend Tails Of Iron hautement immersif.
Ca ratiboise sec dans les fourrees
Tout est prétexte de toute façon à ce que ce petit monde soit bien vivant. Ce monde n’est jamais figé et évolue tout autour de nous, les PNJ vaquent à leurs occupations, qui diffèrent en fonction de notre avancée dans l’histoire (nos petits rats s’échinent à réparer un pont ou notre château par exemple) et les décors changent parfois du tout au tout au fil de nos actions décisives. C’est remarquable car ça tient à des petits détails, souvent invisibles si nous n’y prenons pas garde, mais ça permet de maintenir l’attention du joueur en permanence.
Le jeu n’est en effet pas qu’une suite de décors et de combats, c’est un petit monde en soi qui se vit autant qu’il se raconte. Rajoutez à ceci une bonne grosse louche de RPG plaisante avec exploration (la carte rappelle celle d’un metroidvania), collecte d’objets et de collectibles (les aliments à ramener au chef cuisto pour augmenter notre barre de vie), des missions secondaires en tout genre (même si nous aurions aimé pour celles-ci qu’elles ne tiennent pas de la directive, ces missions secondaires étant à faire le plus souvent dans un ordre précis) et un inventaire qui n’en finit plus de se garnir, notre bon rat étant personnalisable à l’infini. Au final, Tails Of Iron touche rapidement au sublime. Dommage que l’aventure ne dure qu’une dizaine d’heures de jeu. Même si celles-ci sont intenses, et des plus mémorables, les plus sévères d’entre nous tiquerons sur ce point, le prix du jeu oscillant entre 30 et 40 € sur Switch en version physique et 24 € en version téléchargeable.
Ce soir au menu : ratatouille a la grenouille
Engageant, Tails Of Iron l’est également par son gameplay. Tails Of Iron offre par exemple du jus d’insecte (une réserve de santé à user durant les combats lorsque notre barre de vie descend un peu trop vite) à chaque coin de forêt, d’égouts ou de rue, des checkpoints habilement disposés entre chaque pic de difficulté.
Durant les combats, nous sommes bien aidés par des indications colorées au-dessus de la tête de nos ennemis. Elles annoncent un type d’attaque bien précis : des éclairs jaunes et nous pourrons parer et contre attaquer; si c’est blanc, gare, c’est un projectile qu’il va falloir bloquer avec notre bouclier flambant neuf; rouge, il faudra esquiver à tout prix; une auréole rose, et c’est une attaque qui impactera une zone. L’air de rien, le procédé rend la joute intéressante car même si nous sommes avertis, les attaques de même type varient d’un ennemi à l’autre : l’ampleur de l’attaque, le timing nécessaire pour réagir et la distance pour nous écarter du danger ne sont pas les mêmes suivant les ennemis. Alors qu’un crapaud, annonçant la couleur rouge, et donc une attaque imparable, fera un saut avant de vous asséner son coup de lance, un gros coléoptère, avec le même type d’attaque, vous foncera tête baissée dessus.
Il est possible de s’imaginer le chaos que le jeu pourrait être lorsqu’il y a plusieurs ennemis à l’écran. Or Tails Of Iron est d’une lisibilité et d’une précision sans pareille, nous permettant de nous défendre, la sueur aux tempes et concentré comme jamais, contre plusieurs ennemis… En abusant d’actions parfaitement menées et de créativité mêlée. Seul couac, si tant qu’il faut le nommer ainsi, le saut de notre petit rongeur a assez peu d’importance dans le jeu, les phases de plates-formes à base de jump, durant nos phases d’exploration, ne sont qu’anecdotes. Oui, durant les fights, le saut peut éventuellement nous servir et nous permettre d’éviter quelques attaques au sol, mais la sainte esquive, plus rapide, plus efficace, avec belle roulade qui plus est, sera préférable.
Les boss roulent leurs bosses
Pour parler des battles contre les boss, ils sont bien entendu la principale pierre d’achoppement du jeu. Sachez qu’ils sont venus en nombre et qu’ils sont hargneux comme des poux, poils hérissés et dents pointues, armés de haches et d’autres trucs qui piquent. Ils sont tous différents (en dehors de quelques généraux amphibiens un peu neuneus, que l’on retrouvera plus tard en simples mobs). Ils ont surtout une allure qui en impose : vous vous rappellerez longtemps de la « majestueuse » et coriace Reine des Mozis ou du Rôdeur, qui tel l’Alien vous surprendra dans les égouts bien étroits de Taupeville. Chacun à leur manière vont vous marquer au fer rouge (ils sont fourbes et vifs ! Resistants en plus…) et vont contrer les éventuelles petites routines que vous auriez mis en place durant les précédents combats. Etudier attentivement leurs patterns est une condition sine qua non pour s’assurer la victoire. Et vu que la mort nous fera reset souvent en l’espace de quelques coups, nous aurons le loisir d’échaffauder mentalement de nouvelles techniques de survie. Parer, esquiver au bon moment, être à bonne distance de l’attaque adverse… Observer, quitte à mourir de nouveau pour mieux agir par la suite. Il s’agit d’acquérir ce brin de méthode pour éviter que notre barre de vie ne tombe de manière inexorable à 0. Pour y faire face aussi, notre cher rat Redgi est customisable de la tête aux pieds avec un inventaire et un loot aux possibilités infinitésimales.
Préférez-vous cette armure à épaulettes grenouille (classe !), un petit cimeterre émoussé et ce casque de mineur rouillé ou bien, une chemisette en toile de jute, une lance à la pointe effilée et un bandana (qu’on peut s’imaginer tagué « Gun’s n’Roses ») ? A moins que cette épée à deux mains, aguicheuse, bien lourde et à-priori dévastatrice contre qui elle s’abat, vous oblige à repenser toute votre tenue. Il y a des avantages et des inconvénients pour chacun des items. A nous de trouver le bon équilibre ou de nous adapter opportunément à l’ennemi, certains nous obligeant à jouer les tanks quand d’autres exigent d’abuser de l’esquive en étant le plus léger possible pour plus de vitesse. Du classique de chez classique pour quiconque a joué à un RPG ou à un Souls-Like mais ici, c’est parfaitement maîtrisé, ingénieux et cela assure à ce titre une véritable profondeur de jeu et un aspect terriblement tactique aux combats. Même si notre dextérité, notre sang-froid et notre compréhension des patterns de l’ennemi seront les facteurs principaux pour vaincre, le choix de nos tenues et de nos armes aura une réelle incidence sur le déroulement des combats. Les morts par dizaine, les essais/erreurs vous feront vite vous en apercevoir.
Conclusion
Si Tails Of Iron emprunte aux "Souls-Like", notamment ces combats nerveux et tactiques qui vont demander à chacun de la ressource, il se démarque surtout par ses qualités propres, ce souci du détail entre autres, qui rend cette aventure gratifiante d'un bout à l'autre. Du jeu indé (terriblement) charmant, Tails Of Iron change de statut au fil des heures, et devient une grosse claque (avec gant à pointes, svp) à laquelle nous n'étions pas préparé.
LES PLUS
- Des combats intenses et tactiques
- Une jouabilité nerveuse et précise
- Un petit monde bien vivant
- L'aspect RPG éminemment sympathique
- Magnifique D.A !
- Une bande-son aux petits oignons
- La voix de Geralt de Riv !
- Immersif en diable
LES MOINS
- Compte tenu du prix, entre 8 à 12 heures de jeu, ça peut faire tiquer
- Des murs de difficulté qui peuvent décourager
- Le saut, accessoire
Il est dans ma wish-list !
La pâte graphique est fabuleuse et le côté dark souls m’attire énormément 😉
Il m’attire beaucoup aussi ce jeu. Ajouté dans la liste de souhaits ^^
Merci pour ce test qui m’a totalement convaincu. J’étais déjà très attiré par ce titre et cette lecture n’a fait que concrétiser ce désir. Je me suis lancé dans l’aventure version boîte.
Merci pour ce retour (avec un retard de fou) ; j’espère que le jeu t’a plu. Les dév viennent de sortir une extension gratuite qui inclut 5 nouveaux boss (on n’en a jamais assez)