Avec l’avènement des consoles à CD à la fin du XXième siècle, a émergé le genre du film intéractif, avec de vrais acteurs inside, comme au cinema, sauf que là, c’est nous qui décidons de la suite du scénario. Malheureusement à l’exception d’une poignée de jeux, le genre en FMV s’est ringardisé instantanément avec des titres fauchés et d’une nanardise absolue, tels Night Trap ou Corpse Killer.
Datant de 1995, American Hero est un jeu qui va tout faire pour coller à cette réputation : un héros, Jack Devon, au look de tombeur, cheveux grisonnant, qui fait la synthèse de toutes les action stars du passé, de la grosse mitraille partout avec des jouets pour enfant, une explosion (qui a du coûter la moitié du budget du métrage), des femmes objets fortement poitrinées (dont une biologiste que nous sommes censés sauver) et un méchant Nazi (le bien nommé Von Krueger) en totale roue libre, allant même jusqu’à surjouer le silence ! Sans parler du vilain virus qui va contaminer joyeusement tout Los Angeles !
Where is Laura ?
Mais en plus d’être totalement nanar, American Hero a ce coté « sauvé des eaux » qui nécessite de contextualiser (ce que font d’ailleurs les développeurs dès l’intro) afin d’apprécier toute la délicate saveur de ce titre. Avant de nous parvenir aujourd’hui, tel le miracle que personne n’attendait (d’ailleurs, personne ne l’attendait), American Hero a en effet connu un parcours des plus chaotiques.
Il était prévu initialement sur l’add-on du fauve d’Atari capable de lire des disques compacts, le Jaguar CD (qui compta avant sa disparition le nombre de treize jeux en tout), le jeu fut tour à tour, projet officiellement annulé par Atari (la Jaguar n’ayant pas eu de succès, ceci expliquant cela), jeu inachevé puis perdu, prototype sorti de nulle part dans les années 2000, rafistolé avec des bouts de film et de ficelle retrouvés par-ci par-là pour être vendu en nombre très limité en conventions… Et enfin, proposé en inespéré remastered ultra remasterisé que voici.
Tutut ! C’est de la magie !
L’acteur, Timothy Bottom, qui joue le héros, est de retour 25 ans après et a enregistré une indispensable voix off pour faire le lien indispensable entre des séquences particulièrement erratiques. Nous sentons à plusieurs moments que le jeu n’est pas fini et manque souvent de transition. Pire, de logique même entre les plans et entre chaque lieux. Exemple : sortir de la maison de Laura, être poursuivi dans la rue, prendre un taxi et… et sans aucune transition, se retrouver comme par enchantement à sortir de la maison, la même qu’il y a cinq minutes.
Avec son ton badin et sa stupidité revendiquée, le jeu arrive à nous faire passer ses faux raccords en folie et ses aberrations scénaristiques comme quelque chose de totalement normal. Sa narration abracadabrantesque en devient même une forme d’art nouveau, proche du suréalisme expérimental, ne se refusant aucune facilité scénaristique absurde (un mur coulissant va nous écraser, exigeons de la dame de nous rouler une pelle et de faire un strip-tease devant la caméra pour déjouer ce piège), de scènes gratuites, souvent érotiques (la scène du bar à la fin, avec de la véritable nudité censurée, nintendo oblige) ou des éléments what the fuck, c’est comme ça et puis voilà ! (la scène de la boule à facettes explosive !). C’est en plus d’être nanar, super nawak.
Too too much
Comme d’habitude, l’interactivité supposée de ce type de jeu est toujours aussi limitée avec une poignée de choix, un seul bouton à actionner au bon moment et parfois de longues séquences (de blabla souvent) sans que le joueur ne soit convié. Mais avouons que pour le genre en full motion video, nous avons connu bien moins actif. Il y a ces quelques scènes d’actions réussies… bien rythmées et bien montées (ce qui nous fait lever le sourcil). Notons aussi que les séquences débloquées donnent parfois droit à de sympathiques trophées que nous retrouverons autour de la petite télé cathodique (avec magnétoscope intégré, la classe !) lorsque nous jouons en mode TV. C’est une bonne idée, histoire de se refaire une partie pour tout débloquer.
Néanmoins, difficile de passer sous silence deux véritables fautes de goûts. Commençons par la première, la plus « acceptable » à notre avis : le prix de 14.99€. Pour une heure de jeu de qualité somme toute très variable (deux si vous tenez à voir toutes les séquences) : la pillule sera probablement dure à avaler.
Passons ensuite à la deuxième, la plus problématique, un « Warning » avant de lancer le jeu qui dédouannerait les développeurs (ceux qui se sont chargés de le resortir aujourd’hui) de toute responsabilité par rapport au contenu sexiste, raciste ou homophobe du jeu. D’American Hero, transpire un sexisme palpable, un sexisme typique d’un film porno des années 90 ; avec des femmes qui disent « oui » à tout, même quand elles ne veulent pas.
Pour ce qui est des blagues ou allusions homophobes ou discriminantes (possiblement) présentes dans le jeu (selon le fameux « Warning »), nous n’en avons pas constaté… Ou plutôt nous sommes passés à côté car American Hero est intégralement en anglais avec de très rares sous-titres, non traduits. Ceux qui ne comprennent pas l’anglais ont en quelque sorte de la chance…
Conclusion
Le plaisir coupable, vous connaissez ? American Hero vous propose d'en faire l'expérience en vous replongeant dans les pires et les meilleurs clichés des films d'action des années 90 : femme en petites tenues, méchant nazi hystérique, grosses mitraillettes et héros sans peur et sans reproche... La nanardise de l'ensemble fait plaisir à voir. A contrario, le n'importe quoi touchant la réalisation même et le sexisme ambiant, d'un autre temps, peuvent vite devenir pesant.
LES PLUS
- Une pièce de la micro-histoire du jeu vidéo
- Un nanar de haute volée pour les amateurs d'objets déviants
- Quelques scènes délirantes et dynamiques
LES MOINS
- Du sexisme donc
- Le prix de 14.99€ pour une à deux heures de jeu
- Intégralement en anglais
- Interactivité limitée
- Des transitions loupées, rafistolées n'importe comment
- Il faut aimer les nanars et le grand n'importe quoi en général