Il est de ces jeux qui, pour les décennies à venir, marquent toute une génération de joueurs. Beneath a Steel Sky peut s’en targuer, point’n click futuriste qui défie le temps, passé comme présent. Ce titre publié en 1994, sur lequel Revolution Software s’est fait la main avant d’accéder à la notoriété avec la saga des Chevaliers de Baphomet, avait su régaler les mirettes des joueurs Pc et consoles Amiga de l’époque, de même que son histoire mêlant habilement sérieux et dérision, rester gravée dans leur mémoire. Autant dire qu’après 26 années d’une impatience contenue, son retour en grâce sur nos plateformes de jeu actuelles suscite maints espoirs et interrogations. Alors que vaut Beyond a Steel Sky, suite tant attendue qui nous immerge une fois encore, dans cette vaste ville d’Union City dont chacun se souvient ?
Un retour fracassant
Si 26 ans nous séparent des premiers déboires de Robert Foster, le temps comme pris de catatonie, s’est écoulé un poil plus lentement dans le monde virtuel de notre héros, à hauteur d’une dizaine d’années, seulement, d’une vie paisible dans le Ravin. Une mini-piqûre de rappel s’impose toutefois pour ceux qui n’auraient pas écumé le premier opus.
Nous y incarnions Robert Foster, qui réussit au cours d’un transfert en hélicoptère à échapper aux esclavagistes l’ayant kidnappé durant son enfance. S’ensuit alors toute une série de péripéties depuis l’Australie, ou plutôt le Ravin comme on l’appelle désormais, le continent s’étant métamorphosé en désert sur une planète Terre ravagée par la pollution et la guerre. Seules tiennent encore debout quelques rares cités dans cet univers post-apocalyptique, dont la fameuse mégalopole d’Union City sous l’emprise d’un super-ordinateur finalement désactivé par notre protagoniste, qui quittait ensuite les lieux sous bonne garde de son fidèle et plus loyal ami, l’androïde Joey.
Si ce résumé vous a paru succinct, n’ayez crainte néanmoins : bien qu’il s’agisse d’une suite directe, les tenants et aboutissants de Beyond a Steel Sky s’appréhendent aisément, l’introduction du jeu se chargeant de recontextualiser brièvement les faits. Ainsi retrouvons-nous nos compères, qui coulent depuis près de 10 ans des jours heureux dans le grand désert. Une quiétude cependant vite troublée – car le bonheur ne saurait s’éterniser dans un jeu vidéo, comme chacun sait – par l’enlèvement lors d’une banale partie de pêche, d’un enfant à bord d’un véhicule aux airs d’un vulgaire arachnide. Ni une ni deux, notre bon vieux Robert Foster déterminé à élucider le mystère de ce rapt qui ne va pas sans rappeler le sien, remet le couvert, ce qui de nouveau l’entraîne dans les bas-fonds d’Union City, où les rebondissements s’enchaînent.
Mon ami Joey
Mais d’abord commençons par le plus frappant, à savoir la direction artistique. Terminés les pixels et la simili 2D, place à des graphismes façon bande dessinée et un environnement en 3D au sein duquel gérer la caméra et déplacer librement son avatar, qui peut même courir. Il ne faut pas en revanche s’attendre à un monde ouvert : dans la plus pure tradition des jeux d’aventure orientés point’n click, il s’agit de parcourir une succession de zones plus ou moins étendues que la Nintendo Switch restitue par ailleurs impeccablement, en mode docké comme en nomade. Celles-ci évidemment, s’articulent autour de nombreuses énigmes à résoudre, impliquant pour y parvenir d’utiliser moult objets. Gardons-nous toutefois d’aller trop vite en besogne et concentrons-nous dans un premier temps sur le terrain de jeu.
Alors que dix ans auparavant, nous avions confié Union City aux bons soins de notre dévoué androïde Joey, nous constatons avec émerveillement les changements opérés par ce dernier. La ville, à l’architecture majestueuse et bien entendu totalement futuriste, rappelle allègrement d’illustres modèles du genre, Blade Runner en tête. L’enchantement des premiers instants dissipé, nous chavirons à la vue des édifices perpétuant le souvenir de notre ami, qui a cédé la main à un conseil gestionnaire sitôt son grand œuvre achevé. Une source d’infinis questionnements pour Robert Foster, qu’interpellent cette sombre histoire de kidnapping infantile et ces bribes d’éléments à cheval entre passé et présent.
Un univers qui s’ouvre à nous
Le récit s’il ne surprendra pas les amateurs de science-fiction, se laisse suivre avec plaisir, et l’approfondissement du lore avec plus de plaisir encore grâce aux multiples interactions avec les items ou les PNJ, le jeu fourmillant de détails concourant à la cohérence de l’univers. Loin d’être génériques, nos interlocuteurs dotés d’une perception du monde qui leur est propre, contribuent tout au long de l’aventure à maintenir intact notre intérêt pour l’enquête que nous menons, en relation avec l’enlèvement d’enfant. Seul bémol, les visages dénotent un léger manque de vie mais l’on s’accommode facilement d’une tare plutôt répandue dans nombre de jeux, sans qu’elle n’entrave l’immersion.
Immersion qui n’a rien d’un parcours de santé : la prospère cité d’Union City, vous vous en doutez, recèle de lourds secrets sous ses abords rutilants, et son conseil dirigeant également. Une satire teintée d’ironie de notre société actuelle dont nous vous épargnerons le moindre spoil, rassurez-vous, en nous attachant maintenant à restituer l’essentiel du titre, c’est-à-dire son gameplay.
Douces joies du bidouillage et de l’investigation futuriste
Conformément au genre de l’aventure, Beyond a Steel Sky requiert une grande part d’investigation, heureusement très satisfaisante s’agissant du cœur du gameplay, ainsi ponctué de petites énigmes : porte bloquée, personnage mutique… La liste est longue, et s’assortit d’un large éventail de choix en capacité de déstabiliser quiconque manquerait d’un peu de jugeote ou du bon sens le plus élémentaire.
Car l’objet en mesure de démêler une situation d’apparence inextricable figure systématiquement dans notre inventaire, ou bien à portée de main. Un pétard pour éloigner une nuée de volatiles. Un pied de biche pour forcer un coffre. Rarement la solution, parfaitement logique quand elle ne trône pas directement sous votre nez, ne nécessite de se perdre en conjectures, conseil d’ami. Un habile système d’astuces viendra même prendre le relais de vos neurones en surchauffe si jamais la complexité devait s’accroître un tantinet.
Ledit système, accessible dans une section réservée du menu de jeu, révèle par étapes la marche à suivre sous la forme d’un bref message s’actualisant toutes les trente secondes, préservant ainsi le plaisir de la découverte et de la résolution, tout en évitant aux plus pressés d’avoir à trépigner trop longtemps. Des indices savamment distillés, donc !
Autre élément du gameplay au service de nos investigations, le scanner. Un petit bidule, vite débloqué, vite dégainé, qui génère d’autres types de casse-tête reposant sur le piratage des appareils électroniques à proximité. Par l’intermédiaire d’une simple pression sur la gâchette « R », l’affaire consiste à déplacer des cases sur une fenêtre dédiée afin de moduler à notre convenance le comportement des machines. Ces situations, assez fréquentes, apportent une petite touche de fraîcheur toujours bienvenue.
La bande dessinée au service du jeu vidéo
Qu’en est-il enfin des graphismes et de la bande-son ? Honte à nous pour avoir jusqu’ici omis de le préciser, mais le tandem déjà à la manœuvre sur le premier volet et composé de Charles Cecil, à la réalisation, et Dave Gibbons – légendaire dessinateur des Watchmen – pour les illustrations, fonctionne toujours du tonnerre. Aussi n’irons-nous certainement pas dénigrer la patte graphique, caractéristique des comics, d’un titre au demeurant fin et coloré. Les dialogues eux-mêmes s’inscrivent dans des bulles renforçant le sentiment d’évoluer au sein d’une bande dessinée interactive… à condition d’activer les sous-titres. Car, grande nouvelle, ce second épisode s’illustre par son doublage intégral et de très bonne facture dans la langue de Shakespeare comme de Molière, textes et voix compris.
Au rang des maigres défauts, le passage impromptu de PNJ entre notre interlocuteur et notre avatar au cours d’un échange verbal casse parfois l’immersion. Avatar qui peut se retrouver prisonnier d’un élément du décor, ou ne cessera de tourner en rond autour. Heureusement assez rares, ces aléas se règlent généralement d’eux-mêmes, mais il eût été malhonnête de ne pas les mentionner.
Le jeu se laisse en tout cas pleinement savourer durant la dizaine d’heures nécessaires pour boucler l’aventure, au rythme d’une fantastique bande sonore qui rappellera Star Wars à certains moments, l’orchestration de Hans Zimmer à d’autres. Nous avons droit à de très belles tonalités tout à fait en adéquation avec le thème futuriste du titre.
Conclusion
S'il était attendu au tournant par de nombreux joueurs depuis plus de vingt ans, force est de constater que Beyond a Steel Sky ne déçoit pas. Pas plus que son identité artistique affirmée, à la croisée des chemins entre cyberpunk et bande dessinée nord-américaine, ne laissera de marbre. En dépit d'évidents liens de parenté, le scénario qui se renouvelle avec brio, peut s'aborder indépendamment de son prédécesseur, une main tendue aux nouveaux venus dans l'univers de la licence. Les moins patients d'entre nous se réjouiront en outre d'un système d'astuces très appréciable, bien qu'on ne saurait reprocher aux énigmes du jeu d'être trop ardues ou de manquer de sens. Rien ne semble donc en mesure d'entraver notre plongée dans les entrailles d'Union City, à l'exception de quelques bugs heureusement mineurs : Beyond a Steel Sky comblera ses fans et les adeptes d'aventures en point'n click. Une découverte à ne rater sous aucun prétexte.
LES PLUS
- Une histoire prenante...
- Il n'est pas nécessaire d'avoir joué au 1er épisode...
- Ses graphismes chatoyants
- Son esthétique bande dessinée
- L'ambiance futuriste
- Un doublage de qualité intégralement en français
- Le système d'astuces
- Les énigmes ne prennent pas la tête
- Le scanner et son piratage
- Un lore complet et plutôt immersif
- Un grand sentiment de liberté dans les dialogues
- Le jeu tourne très bien sur Switch, en docké comme en portable
LES MOINS
- … bien qu'assez classique
- … même si quelques références se glissent de-ci, de-là
- Des bugs mineurs
- Des visages manquant un poil d'expressivité
Merci pour ce test !