L’écrivain Howard Phillips Lovecraft, disparu dans la misère, aura pourtant su par la richesse de son univers, marquer la postérité d’une empreinte devenue mythique, à travers moult récits horrifiques dont le légendaire Appel de Cthulhu. Pardon, le quoi ? À vos souhaits ! Allons, ressaisissez-vous, vous savez, ce poulpe démesuré, verdâtre et maléfique, qui n’aspire qu’à tout détruire ! Là, voilà, vous visualisez. À la bonne heure, parce que le jeu à l’honneur aujourd’hui, aussi glauque que malsain, s’inspire grandement du livre culte. C’est donc armé d’un bon café, versé dans un mug à l’effigie de l’immonde céphalopode, que nous nous lançons à l’assaut des terres inhospitalières de Theatre of Sorrow.
Insensée, une quête désespérée
Notre sinistre périple débute dans une chambre d’hôtel où Killian que nous incarnons, reçoit de la part d’un mystérieux individu masqué de précieuses informations relatives à la disparition de sa sœur, dont la recherche l’a préalablement mené sur cette étrange île qui constituera le cœur de notre exploration. Le titre proposant énormément de textes, nous saute forcément aux yeux dès ses premiers instants son défaut le plus pénalisant : l’absence de traduction.
Cela étant dit, revenons-en à notre héros éploré et sa toute 1ère mission, consistant en la confection d’un artefact magique à partir d’ingrédients à dénicher à l’aide de l’immense carte des lieux, qui répertorie au moyen de cercles dédiés les différents points d’intérêt : forêt, maison abandonnée, hôpital, église et bien d’autres s’offrent à notre curiosité, à condition de figurer dans notre périmètre d’action (limité à deux, voire trois lieux) et d’avoir à notre disposition, suffisamment de points de vitalité et de vigueur.
Un voyage au cœur de la folie
Un système de statistiques forgeant l’originalité du titre, et la forte addiction qu’il suscite, régit en effet notre protagoniste. Aussi faudra-t-il surveiller constamment ses niveaux de santé mentale, physique et de vigueur, leur épuisement menant immanquablement au game over. Fort heureusement, de nombreux items nous épaulent dans cette lourde tâche : eau, vin – évidemment l’idéal pour se maintenir à flot -, encens, vêtements, seringues, bougies… Une vraie brocante !
Attention cependant, l’acquisition d’objets n’ira pas sans sacrifice. Il en coûte bien sûr de la santé, du mental, mais également de s’investir intellectuellement. Ainsi, plusieurs options s’offrent à nous selon les lieux visités. Mettons qu’il s’agisse d’une maison ; après avoir choisi d’y entrer, d’autres dilemmes – cornéliens, vous en conviendrez – ne tardent pas à nous assaillir : dans quelle pièce se rendre en premier ? Qu’y faire ensuite, à la lecture du petit texte introductif qui précède l’examen approfondi des environs ?
Chacune de nos décisions, librement consentie ou contrainte par l’état de nos stats, nous donne en tout cas droit à un item parmi trois ou quatre au choix. La vigilance reste de mise, car de ces derniers dépend la suite de l’aventure et pour la plupart, la fabrication de talismans qui s’avéreront indispensables à l’accomplissement d’un rituel, lui-même indissociable de la quête principale.
Tout n’est que sacrifice
Les brèves illustrations dont se contente le titre afin d’introduire le héros et les sites visités finissent par se montrer extrêmement redondantes, les lieux ne se renouvelant pas vraiment, en dépit d’une carte générée aléatoirement. D’autant plus que s’agissant d’un roguelike, l’échec entraîne de facto la remise à zéro de la partie, ainsi qu’un grand ménage de printemps dans notre inventaire qui ne contient plus que les amulettes consciencieusement amassées au fil de nos pérégrinations, un autre type d’artefacts efficace contre les démons qui nous barrent régulièrement la route.
Lorsque l’un d’eux vient troubler la quiétude – très relative – de notre exploration, nous disposons de la possibilité de fuir, d’utiliser une de ces fameuses amulettes ou de sacrifier un talisman, sachant qu’il faudra dans ces deux derniers cas, posséder l’amulette appropriée ou avoir conçu le précieux talisman en amont. Quant aux fuyards, ils se verront soumettre un tiercé de choix supplémentaire, déguerpir sans dépenser de points ou investir dans l’espoir de maximiser ses chances de réussir, bien qu’au final l’exercice demeure totalement aléatoire. Si toutefois nous parvenons à ne pas mourir en couard éhonté, le démon continuera d’hanter les lieux, empêchant d’y revenir à moins de tenir coûte que coûte à le défaire.
Insalubrité et répétitivité
Quoi qu’il en soit, toutes nos actions nécessitent sans exception d’entamer notre capital statistique. Cette caractéristique de gameplay résulte à longue sur une répétitivité plombante, nous contraignant à ramasser dans les mêmes endroits, inlassablement les mêmes objets pour alimenter nos jauges, qui fondent comme neige au soleil, et espérer vivre un poil plus longtemps.
Soulignons malgré tout la survenue d’événements impromptus contribuant à renforcer l’atmosphère lovecraftienne dans laquelle nous baignons, tels l’apparition d’une jeune fille, de lugubres tableaux au détour d’un couloir, des corps que picorent les corbeaux, entre autres réjouissances peu ragoutantes. La lassitude s’installe néanmoins quand la situation sans varier d’un iota, resurgit une dizaine, voire une vingtaine de fois. L’addiction des débuts cède ainsi place à l’ennui face à cette récurrence qui n’épargne ni ennemis, ni lieux et objets glanés. Quel calvaire que de tenter d’atteindre les cinq fins découlant des choix effectués au cours de la partie, alors que la première ne se révèle qu’au terme de 3 à 4 heures déjà interminables dans ces conditions.
Une bande dessiné interactive
En ce qui concerne graphismes et bande-son, les premiers tirent leur épingle du jeu grâce à leur style bande dessinée assez accrocheur, dont le trait parcimonieux sollicite un peu à la manière d’un roman interactif notre imagination, puisque sont seulement représentés à l’écran, notre avatar, quelques monstres et PNJ en complément de l’aventure, essentiellement textuelle.
Si elle n’échappe pas à cette répétitivité définitivement constitutive du jeu, la bande sonore distille en revanche un réel sentiment d’insécurité, accentuant par l’entremise de ses violons l’oppression qui enserre le joueur. Les bruitages spécifiques aux lieux visités, depuis le craquement du plancher dans une maison jusqu’aux bruits de pas ou rires lointains, justifient d’ailleurs l’usage du casque.
Conclusion
Incapable de se renouveler sur le long terme, Theatre of Sorrows, tristement répétitif, gâche son matériau de base lovecraftien, pourtant restitué de façon convaincante à travers sa bande-son angoissante, son système de santé mentale, les créatures monstrueuses croisées en chemin et les situations malaisantes qui ne manqueront pas d’interpeller le joueur. L’absence de traduction nuit en outre à l’expérience, avant tout textuelle. C’est pourquoi notre immersion dans le monde de Theatre of Sorrows n’excédera pas la poignée d’heures de jeu, ne rendant pas honneur aux efforts des développeurs de Cat-astrophe Games et MobilWay S.A qui ont imaginé pour leur titre, pas moins de cinq dénouements différents.
LES PLUS
- Addictif…
- Plusieurs fins disponibles…
- Rejouabilité et durée de vie
- Tout est affaire de choix et de sacrifices
- Univers lovecraftien
- Musique et bruits d’ambiance
LES MOINS
- … mais vite lassant
- … mais difficile d’aller au bout du fait d’une grande répétitivité
- Tout en anglais
- Le jeu tourne en boucle et bute sur les mêmes situations
- Ultra-répétitif