L’eShop de la Switch constitue une mine de jeux abscons, toujours chelous, dont la découverte résulte au choix d’une grande témérité… ou de la pure déraison. About an Elf relève ainsi de ce cercle très restreint de titres beaucoup trop déjantés pour en saisir, et goûter, la teneur au premier coup d’œil – les suivants ne se montrent d’ailleurs pas plus éclairants. Aussi ne crains pas, ô toi fidèle lecteur et assidu de NT, de te laisser entraîner plus avant dans les bas-fonds charbonneux, côtoyer l’abîme où toute lueur d’espoir s’éteint : les limbes maudits du jeu vidéo.
Fuyez pauvres fous !!!
Il nous avait pourtant prévenus : « Cet adversaire est plus fort que vous… Courrez ! » Pros jusqu’au bout, il a cependant fallu qu’on tente le tout pour le tout chez NT. Quitte à en perdre l’esprit et faire fi de l’avertissement claironné par le mage le plus clairvoyant de sa génération. Un sacerdoce, on vous le dit, alors tentons d’abord de détricoter le nœud de l’intrigue, de ce jeu si mystérieux.
Comment s’y prendre, tant on dépasse l’entendement ? Nous incarnons une elfe à l’évidence échappée d’une réalité parallèle où l’on ne jurerait que par la pop flashy de Katy Perry, à rebours des canons traditionnels de l’heroic fantasy. Princesse de son état, Dam – c’est son nom – croule sous le poids d’une écrasante responsabilité : soustraire l’univers – oui, rien que ça – aux griffes de l’infâme Roi des Terreurs et ses hordes de démons tous plus affreux les uns que les autres.
Au diapason, le design graphique cauchemardesque rappelle celui d’Angela Anaconda. Mais si, ce dessin animé creepy, probablement enfoui dans ce recoin de votre tête spécialement réservé aux traumas infantiles. Ça y est, vous l’avez ? Bon, vous pouvez l’y laisser, tandis qu’on en revient au scénario, plus nébuleux qu’un script de Christopher Nolan haché menu, menu. S’agissant d’une espèce de visual novel ventripotent, comprenez bien que le menu, justement, vire au trop-plein. Un gros pavé textuel sur l’estomac, avec des persos aux couleurs criardes et beaucoup trop réalistes en guise de dessert, jamais avares de poses et simagrées à l’animation digne des pires Gifs en ligne. Cerise sur le gâteau, l’absence de traduction au seul profit de la perfide Albion : peut-être une bénédiction, nous craignons toutefois de ne jamais le savoir.
Mais quel est donc ce maléfice ?
Ce qu’aussi nous ignorerions, c’est qu’au-delà du récit, cryptique et non traduit, le mystère par la suite irait s’épaississant, à moins que nous ne soyons simplement trop idiots pour comprendre le principe du jeu – ou trop intelligents ? Toujours est-il qu’une femme toute de latex revêtue, léchant consciencieusement une Chupa Chups géante, nous alpague et nous gratifie d’oursons en guimauve qui feront office de points de vie. Parce qu’il y a des combats, croyons-nous deviner, catapultés au sein des niveaux ou plutôt d’un amas dégoulinant de paysages frisant l’abstraction, où se meuvent d’horribles créatures, à la fois véloces et molasses – remarquez, nous ne sommes plus à un paradoxe près. Pour faire court, imaginez des Gifs en pleine crise épileptique. Après avoir déplacé notre curseur et sélectionné notre cible au moyen du bouton A, une animation se lance et surgit à l’écran une photo aléatoire dans une sorte de boule à neige. Des oiseaux, un gros plan sur une gueule féline, un champ… Aléatoire certes, mais surtout limite flippant. Ces images n’ont d’autre finalité que de guider le lancer de boule qui va suivre. Si, si, une boule à choisir parmi trois, chacune dotée d’un pouvoir spécifique, à l’ouverture des hostilités. Une seule viendra à bout de l’abomination en face de nous, en mode stop motion de l’horreur – tremblez, Wallace et Gromit ! Si jamais nous n’avons pas opté pour la boule adéquate, nous recommençons en échange d’un ursidé en guimauve.
Ah mais attendez, c’est qu’on en aurait presque oublié ce chat dopé aux hormones de croissance, façon Godzilla, que l’on peut à certains moments invoquer afin qu’il dévore les ennemis, et s’en félicite ensuite en exécutant une petite danse de la victoire. Impossible de ne pas rire… en tout cas nerveusement.
Nous avons perdu notre âme
Allez, expédions sans plus de cérémonie graphismes et bande-son. Les premiers, très (trop) réalistes, reposent sur l’alliance indigeste d’animations saccadées et d’environnements à base de brocolis géants et poêle à frire, visiblement en quête d’une identité visuelle distinctive qui ne parvient cependant qu’à susciter par son étrangeté, malaise et inconfort. La bande-son, conforme au reste du jeu, s’avère quant à elle hyper répétitive et assez pauvre. Le calvaire heureusement – ou malheureusement – n’excédera pas 3 à 4 heures, selon la bravoure et la patience que vous manifesterez.
Conclusion
Incompréhensible et complètement perché, About an Elf nous lâche sans autre forme de procès en plein cœur d’un amoncellement écœurant de Gifs malaisants, tout en anglais, dont le gameplay s’apparente à un compromis hautement improbable entre « visual novel » - à défaut de terme plus approprié – et phases d’affrontements à base de boules énergétiques. Un délire hallucinatoire qui ne vaut clairement pas d’y investir 12€99.
LES PLUS
- Le jeu n’est pas trop long
- Il fait marrer un petit moment
- Certains apprécieront
LES MOINS
- Les effets d’animation saccadés
- L’impression tenace de mater un Wallace et Gromit réaliste, tendance horrifique
- Totalement what the fuck
- Intégralement en anglais
- Le prix de 12€99, trop cher pour un jeu de ce type