Imaginez un monde où les hommes, au lieu de se comporter en animaux, étaient des animaux… C’est l’expérience que nous propose de vivre l’équipe de EggNut, dont c’est la première réalisation…
Bienvenue à Vancouver
Commençons par un peu d’histoire sur la genèse du jeu ! Celle-ci est issue d’un financement participatif lancé sur la plateforme Kickstarter fin avril 2018. La campagne a d’ailleurs bien marché, le jeu obtenant pas loin de 65 954 euros sur les 43 600 euros demandés (nous avons convertis les Dollars Canadiens en Euros). Fort de ce succès, le portage a été rapidement annoncé sur Nintendo Switch. En février 2020, l’équipe a annoncé un partenariat avec l’éditeur Raw Fury pour l’assistance sur la traduction, le portage et la distribution du jeu (nous connaissons l’éditeur pour s’être également occupé de West of Dead, Star Renegade, ou encore Night Call).
Passons maintenant à l’histoire du jeu à proprement parler ! Vous serez donc plongés dans la peau d’un raton laveur détective privé au flair infaillible, Howard Lotor. Celui-ci vit chichement dans son petit deux pièces, à l’affut d’une enquête pour gagner de quoi payer son loyer et de quoi se nourrir. Voilà que frappe à sa porte Odette, une loutre, qui suspecte son mari d’avoir une maîtresse… Encore une histoire de mari infidèle, mais ça paye les factures, se dit notre cher Howard… Il ignore alors qu’au moment où il accepte cette affaire, il va se retrouver dans quelque chose de beaucoup BEAUCOUP plus gros… Mais nous n’en dirons pas plus, et vous laisserons le plaisir de découvrir la suite de l’histoire !
Comme nous le disions en introduction, nous avons affaire à des animaux. En fait, le jeu prend place dans une dystopie, peuplée d’êtres anthropomorphiques. Le tout dans une ambiance « roman noir », avec une grosse inspiration Twin Peaks (si vous connaissez la série, sinon n’hésitez pas à la découvrir). L’action se déroule donc dans la ville de Vancouver (Canada). Celle-ci est entourée d’un mur, au-delà duquel il ne semble n’y avoir aucun espoir, même s’il semble en rester déjà très peu dans la ville en elle-même….
Une histoire visuelle et interactive
Le Vancouver que vous aurez à parcourir est divisé en plusieurs secteurs : les quartiers pauvres, les quartiers huppés, les quartiers un peu craignos, bref, tout ce qui compose une ville de roman noir.
L’univers du jeu est d’ailleurs assez riche ; vous constaterez également très vite que les différentes classes sociales correspondent aux différentes « espèces » animales. Dans les sphères politiques, nous retrouvons les « grands singes », qui règnent sur la ville. Juste en dessous, il y a les carnivores (lions, ours, chats, chiens…), puis les ratons laveurs, les loutres, les belettes, et tout en bas de la chaîne, les lagomorphes (lapins) et les rongeurs (souris, hamsters, etc…).
Il est également question d’une religion où la figure divine est représentée par un berger (dont on ne voit pas le visage), mais qui aurait donné le pouvoir aux singes.
Concernant le style du jeu, c’est un mélange entre un Visual Novel et un jeu d’aventure en Point & Click, mais avec une grosse prédominance pour le Visual Novel. En effet, vous pourrez déplacer votre personnage dans des magnifiques décors en 2D (nous en reparlerons plus loin), et vous serez parfois amenés à ramasser des objets qui vous aideront à débloquer certaines situations. Mais le cœur et l’avancée dans l’histoire se feront à grands coups de dialogues à choix multiples, avec les différents interlocuteurs que vous croiserez au fil de votre avancée dans l’histoire. On le répète, mais le titre tient plus d’un Visual Novel interactif que d’un véritable jeu d’aventure… Mais sachez que l’histoire est vraiment très bien écrite !
Celle-ci est d’ailleurs divisée en 5 actes (que l’on pourrait également qualifier de chapitres), où vous serez amenés à faire le tour de la ville, véhiculés par votre vieil ami Anatoly, le castor qui fera office de chauffeur de taxi et profitera de ces instants pour vous raconter sa vie (et l’arrivée de son futur enfant)… Au niveau des personnages, vous ferez également la connaissance de Renee, une renarde journaliste d’investigation, et Clarissa, une ourse polaire propriétaire d’un club louche, mais pas que…
Sachez que vous êtes partis pour un peu plus de 4 heures d’aventure aux rebondissements multiples.
Les rues de Gastown
Les commandes sont relativement simples : le Joy-Con (ou la croix directionnelle) pour se déplacer à gauche ou à droite, le bouton A pour interagir, un bouton pour sprinter, et le bouton Y pour avancer de manière furtive, et puis… C’est tout ! Les premiers moments de l’aventure vous permettront de vous familiariser avec les commandes. Ainsi, vous pourrez explorer votre appartement et interagir avec les objets au-dessus desquels une icône apparaîtra lorsque vous passerez devant. Vous devrez ainsi ranger votre bureau avant l’arrivée d’une nouvelle cliente.
Visual Novel oblige, l’ensemble reste très linéaire. En règle générale, vous aurez des actions spécifiques à réaliser (rappelées via un menu objectif) pour faire avancer l’histoire. Sachez aussi que si énigmes il y a (nécessitant l’utilisation d’objets), celles-ci seront toujours à proximité et ne nécessiteront pas d’aller-retour (et s’avèreront assez simples à résoudre). Il faudra parfois faire preuve d’un peu plus de jugeote lorsqu’il faudra donner un mot de passe que l’on obtiendra via des indices donnés par des documents, mais franchement, rien d’insurmontable !
Par moment, la maniabilité uniquement au stick a rendu la résolution de certaines énigmes un peu plus pénibles (notamment celles où il faut déplacer des objets pour découvrir des indices). Nous avons eu un peu de mal au début à voir quel objet était sélectionné, et nous bougions parfois le mauvais… Pour ces phases, l’utilisation de l’écran tactile (en portable tout du moins) aurait peut-être facilité un peu les choses.
Nous passerons rapidement sur les phases d’infiltrations qui, partant d’une bonne idée, n’apportent finalement que peu d’intérêt et s’avèreront même un peu lourdes et longuettes (si vous êtes vus, vous reprendrez depuis le point de contrôle juste avant). Par chance, ces phases sont peu nombreuses (3 fois dans le jeu, la première étant la plus pénible).
Il est temps donc d’évoquer le cœur du jeu, les dialogues ! Vous serez amenés à discuter avec tout un tas de personnages différents tout au long de l’histoire… Souvent tristes, prêtant parfois à sourire, la grosse particularité du titre est de proposer des choix de réponses multiples, vous permettant d’être soit très rentre-dedans et agressif, ou alors plutôt doux et compréhensif… Cela entraînera des réactions différentes de vos interlocuteurs ; cependant, les discussions finiront toujours de la même manière (celle qui est voulue par l’histoire), et ne donnant qu’à de rares occasion l’impression d’avoir véritablement influé sur le cours de l’histoire.
Nous prendrons tout de même plaisir à réaliser certaines quêtes annexes (et facultatives), notamment celle qui vous fera jouer les entremetteurs entre deux âmes en peine… Apportant un peu de joie dans ce monde glauque et triste (mais nous sommes dans un roman noir, après tout !).
La progression dans le jeu est d’ailleurs bizarrement équilibrée… Au fil de votre avancée dans les différents actes, vous serez de moins en moins « acteur » (comprendre déplacer les personnages dans les décors) et deviendrez de plus en plus « lecteur » (avec des choix multiples)… Les derniers actes sont d’ailleurs limités à des dialogues… Mais cela se cale un peu sur l’histoire du jeu (est-ce voulu ou non ?), vous donnant l’impression d’une certaine liberté au début, mais vous faisant réaliser au fil de l’aventure que vous êtes peut-être prisonnier de votre réalité et totalement esclave de votre destin…
Une ambiance teintée d’une beauté tout en noir
Là où le jeu fait très fort, c’est dans sa direction artistique, véritablement de toute beauté ! Tout en pixel art, le jeu est visuellement un petit chef-d’œuvre d’animation (oui oui, rien que ça !). Chaque personnage dispose d’une attitude, d’une animation qui lui est propre, et surtout de deux faces différentes, selon qu’il soit orienté vers la gauche ou vers la droite ! Là où certains jeux prennent le parti de mettre le personnage en mode « miroir » lorsqu’il se dirige dans une autre direction, ceux de Backbone semblent en 3 dimensions… Comprenez qu’ils ne sont pas limités à la représentation d’un seul côté.
Ce souci du détail se retrouve également dans les décors, très fouillés, mais surtout pleins de vie ! En effet, néons, livres en vitrine, passants, voitures qui passent, personnes qui discutent, etc… L’impression d’évoluer dans un monde, avec une vie qui lui est propre, est franchement palpable. Cela donne vraiment l’impression de vivre un livre animé ! Les décors sont sublimés par l’utilisation de l’Unreal Engine pour donner un effet 3D à certains bâtiments, mais surtout pour donner de magnifiques effets de lumière et d’ombre aux personnages… Tout cela joue forcément sur l’immersion, sans compter les gouttes de pluie qui apparaissent parfois sur l’écran, renforçant encore l’immersion visuelle.
Vous assisterez également à certaines scènes transitoires, dans un style un peu plus comics (mais dans des tons bleus/rouges), faisant office de cinématiques animées plutôt réussies. Par contre, les phases de dialogues sont toutes muettes ! Et l’ensemble des textes est entièrement traduit en français (avec une adaptation de qualité). C’était d’ailleurs indispensable pour profiter pleinement de l’histoire. En mode portable, par contre, les textes sont légèrement trop petits, et il est possible qu’en fin de journée, avec les yeux fatigués, la lecture soit un peu plus difficile, mais on s’habitue. Mais la petite taille des caractères est beaucoup plus gênante dans les quelques phases où il faut consulter des informations sur des ordinateurs. Prévoyez une loupe si vous avez une mauvaise vue (ou basculez en mode docké).
Toutefois, si les personnages ne sont pas doués de parole (ce qui ne s’avère pas gênant au final), le tout est accompagné par une bande-son parfaite ! Totalement originale et composée pour le jeu, elle est signée Nikita Danshin, l’un des co-fondateurs du studio EggNut, et la talentueuse Arooj Aftab. L’alliance des deux donne un ensemble très jazzy, avec des sonorités au saxophone qui rappellent forcément les films noirs, tout en apportant une touche très poétique, avec certains morceaux vocaux qui apporteront des moments de quiétude bercés d’une douce mélancolie lors de certains passages de l’histoire (notamment lors du feu de camp). La bande-son comporte pas moins de 30 titres originaux et est d’ailleurs disponible en téléchargement. Il est vrai qu’à côté de ça, certains bruitages semblent un peu en deçà, voire parfois même inexistants. C’est un peu dommage, surtout vu la qualité et le soin apportés à l’ensemble du jeu.
Un petit écart, mais que nous oublions vite une fois transportés par l’histoire : la qualité graphique du jeu et la musique ! Tout est fait pour vous faire vivre l’histoire dans les meilleures conditions, et il faut avouer que nous avons été un peu tristes de voir la fin arriver si rapidement, laissant tout de même des questions en suspens…
Conclusion
Tenant d’avantage du Visual Novel interactif que du véritable jeu d’aventure, Backbone s’avère être une très bonne histoire. Nous pouvons un peu chipoter sur le prix par rapport à la durée de vie (comptez 25 euros), mais l’aventure est prenante de bout en bout, servie de surcroît par des graphismes en Pixel Art de toute beauté, et d’une bande-son aux petits oignons (au pire, attendez une promo !). Roman noir teinté de Lynch et d’un peu de Cronenberg, nous sommes un peu déçus par la fin un peu abrupte (et surtout rapide) de l’aventure… Toutefois, nous savons qu’une suite ou histoire dans le même univers est prévue pour cette année, espérons qu’elle trouve son chemin sur Nintendo Switch via un DLC gratuit !
LES PLUS
- L’histoire très prenante.
- Les graphismes en Pixel Art.
- Les animations et le côté vivant du monde que l’on parcourt.
- La bande-sonore.
- Les choix multiples lors des dialogues.
LES MOINS
- L’histoire un peu courte (comptez un peu plus de 4h pour en voir le bout)
- Les bruitages.
- L’impact minimal des choix de dialogues.
- Les textes écrits un peu trop petits.
- La maniabilité pas très intuitive lors des phases de déplacements d’objets.