Il y a trois types de J-RPG : ceux qui misent tout sur leurs mécaniques de combat en négligeant leur narration, ceux qui misent tout sur leur histoire en oubliant de moderniser les affrontements et puis il y a Xenoblade. Mais oublions pour l’instant ce dernier pour revenir à la seconde catégorie. Le meilleur représentant de celle-ci, sur ces dernières années, est sans doute Child of Light. Avec son univers dessiné à la main et sa quête poignante, il avait su plaire aux amateurs du genre tout en étant une porte d’entrée parfaite vu le peu de mécaniques de jeu mises en place. Le test qui nous intéresse aujourd’hui, celui de The Cruel King and the Great Hero de Nippon Ichi Software, NIS pour les intimes, pourrait bien être son successeur tout désigné, à nous de voir si la couronne lui va aussi bien qu’à son glorieux aîné.
L’histoire du soir pour faire de beaux rêves
Là où Child of Light nous plongeait dans un monde en proie à la peur, vivant les aventures d’une héroïne souffrant la perte d’un être aimé, The Cruel King and the Great Hero nous offre une narration bien plus légère. Dans un monde dans lequel monstres et humains vivent séparément, sans pour autant se faire la guerre, nous découvrons la vie de Yuu. Fille du héros légendaire ayant mis fin au conflit du roi démon, elle est élevée au cœur des montagnes par le roi dragon, qu’elle considère comme son père adoptif.
Yuu vit une vie pleine de joie, entourée des monstres qui vivent au sein d’un charmant village bucolique. Elle ne souhaite qu’une chose, devenir un héros conforme aux récits que lui narrent chaque soir le roi dragon. La journée, sous l’œil vigilant de son père adoptif très mère poule, elle parcourt son univers pour venir en aide à tous ceux qu’elle croise. À nous alors de faire en sorte qu’elles survivent aux mauvaises rencontres dues aux animaux sauvages de la forêt.
Le ton de ce récit est d’une douceur relaxante jamais prise en défaut. Nous parcourrons ce monde fait de bienveillance et de bons sentiments en écoutant la voix d’une narratrice à la fois douce et encourageante. Et c’est ici qu’apparaît le premier défaut, pour nous joueurs français en tout cas. La narration ne se fait qu’en japonais sous-titré en anglais. Alors que The Cruel King and the Great Hero est un jeu parfait pour faire découvrir le J-RPG aux plus jeunes, il se coupe d’une large partie de son public par ce manque de traduction.
Les moins anglophobes pourront toutefois découvrir des dialogues pleins de candeurs. Yuu est un personnage qui cherche toujours à aider son prochain et qui voit chaque chose d’un point de vue positif. Les différents protagonistes de cette histoire sont tous, globalement, dans le même moule et si quelques-uns peuvent avoir de mauvais sentiments, ils sont rapidement moqués par la suite des événements. Le titre de NIS est une sucrerie à offrir à un enfant âgé de 7 à 77 ans, voire plus si affinité, alors pourquoi ne pas aller au bout des choses en proposant une traduction ?
Promenons-nous dans les bois
La première partie de nos aventures confirme ce sentiment de J-RPG s’adressant aux plus jeunes avec de longs textes nous expliquant la moindre action disponible ou encore le moindre point de l’interface du menu, allant jusqu’à nous expliquer à quoi sert la fonction sauvegarde. Ces textes sont inutiles pour les habitués du genre et, étant tout en anglais, inadaptés aux plus jeunes joueurs non accompagnés d’un adulte capable de traduire ces indications.
Une fois ces messages explicatifs passés, nous commençons alors notre aventure en foulant un monde magnifique, mais très fermé. À la manière d’un Dungeon RPG, nous avançons de lieu en lieu en ayant la possibilité de choisir, de temps en temps, quelle sortie nous allons emprunter. Nous sommes toutefois très vite bridés dans ces choix et la progression est très linéaire. Nous visitons alors ces tableaux dans l’ordre voulu par les développeurs sans vraiment avoir le choix.
Nous y rencontrons des habitants avec des problèmes que nous pouvons choisir d’ignorer pour nous focaliser sur la quête principale. Ces missions secondaires, en plus de nous permettre de mener davantage de combats et donc de monter en niveau, nous permettent de récupérer de la monnaie, différents items ainsi que de quoi débloquer les artworks du jeu. Une bonne idée pour les amateurs de travaux préparatoires permettant de comprendre comment un design a pu évoluer.
Des combats jalonnent notre progression. Ceux-ci, dans la plus pure tradition du J-RPG, se déclenchent sans prévenir durant nos déambulations. Nous avons alors droit à un affrontement au tour par tour aux mécaniques rappelant l’aube des J-RPG. Quatre choix s’offrent à notre équipe. Fuir, attaquer, parer ou lancer une action spéciale. Rien de bien nouveau. Les actions spéciales ont bien sûr un coût en énergie, celle-ci se recharge régulièrement durant le combat.
Ces affrontements, sans être simplistes, demandent un minimum d’attention et de préparation. Partir à l’aventure sans avoir en poche de quoi se soigner risque fort d’entraîner une fin de partie prématurée. De même, attaquer sans réfléchir ne sera jamais un bon choix, il faut mieux apprendre à connaître nos ennemis avec une garde, accumulant ainsi des points d’énergie à utiliser avec une attaque spéciale dévastatrice. Le problème de ce trop grand classicisme dans les combats est que nous avons très vite l’impression qu’ils se ressemblent tous, l’ajout d’actions contextuelles, pour minimiser les dégâts reçus par exemple, aurait permis de dynamiser le tout et rendre le titre plus agréable à parcourir pour les plus aguerris.
Les contes du c’est bien, mais…
Il en va de même pour notre progression. Yuu, aussi mignonne qu’elle soit, donne trop souvent l’impression de se traîner dans des niveaux, certes à la direction artistique magnifique, mais qui semble bien trop vide. La présence des monstres à combattre ou à éviter aurait, là encore, permis d’ajouter un minimum de tension à nos déplacements. Nous avançons en ligne droite d’un point A à un point B sans jamais réfléchir, espérant juste que Yuu aille plus vite.
Point agréable, sa vitesse dépend du niveau des monstres présents dans le tableau en cours. Si ces ennemis sont trop faibles, notre héroïne pourra courir pour sortir plus vite sans avoir à combattre ces trop faibles Némésis. Dans le cas où notre niveau serait dans la bonne fourchette, nos déplacements se feraient au rythme d’une marche prudente, augmentant les risques de rencontres. Très rapidement des options de téléportations viendront fluidifier nos déplacements.
Terminons ce test par la partie technique, sans doute le point fort du titre de NIS. Il y a tout d’abord des graphismes sublimes. Entièrement dessinés à la main, bourrés de détails et magnifiquement animés, nous avons sens cesse l’impression d’être à l’intérieur d’un livre de contes pour enfants. Les ennemis se renouvellent régulièrement même si nous regrettons le trop grand recyclage avec juste leur couleur qui soit modifiée.
La bande-son n’est pas en reste. Toutes les pistes sont douces et adaptées à notre aventure. Il est même difficile d’appuyer sur nouvelle partie dans le menu de départ tant la piste du menu principale est agréable à écouter. Toutefois, vu la longueur de nos déplacements, il arrive souvent que la piste nous suivant durant nos déambulations finisse par être répétitive. Un plus grand nombre de titres disponible aurait permis de varier les plaisirs et d’éviter la lassitude.
Conclusion
The Cruel King and the Great Hero est un magnifique jeu pour enfant, peu importe leur âge. Un point d’entrée ou une parenthèse magique pour le genre des J-RPG que nous aurions aimé recommander tant il est beau et doux. Malheureusement, il souffre de deux gros défauts en arrivant sur notre sol français. La plus rédhibitoire concerne sa non-traduction rendant le titre difficilement jouable pour les plus jeunes. Le second défaut, c’est qu’il arrive après Child of Light. Celui-ci est tout aussi beau, possède des mécaniques de combats similaires, mais ajoute une dimension exploration à son monde et varie davantage sa bande-son. Le titre de NIS n’en reste pas moins une expérience agréable et légère que nous avons appréciée, mais qui laisse, malgré tout, un petit goût d’inachevé.
LES PLUS
- Les graphismes, dessinés à la main, sont juste sublimes
- La bande-son est très belle à écouter, même si elle tourne trop en boucle
- Les mécanismes de combats sont faciles à appréhender
- La difficulté est bien équilibrée pour les plus jeunes
- La narration, pleine de candeur, est très agréable à suivre
- Les personnages se renouvellent régulièrement
- Faire les missions secondaires pour débloquer les artworks est une idée intéressante
- La voix japonaise est très douce à écouter
LES MOINS
- Tout en anglais
- L’exploration possède un rythme vraiment lent
- Les combats se ressemblent tous très vite
- Les habitués du genre ne trouveront pas leur plaisir
- La comparaison avec Child of Light est douloureuse