Pourvoyeur régulier d’excellents titres, Nis America peine – ou ne daigne – pourtant à s’exporter de ce côté-ci de l’Atlantique. Alors, n’allons pas bouder notre plaisir lorsqu’enfin les développeurs des cultissimes Disgaea et autres licences tout aussi estimées, nous font l’honneur de publier en nos barbares contrées de mangeurs de grenouilles leur dernier-né, Yurukill: the Calumniniation Games, d’autant plus prometteur que l’auteur du manga à succès Gambling School, Homura Kawamoto, en a conçu le scénario. Une rencontre entre shoot ’em up et visual novel, R-Type et DanganRonpa, qui s’annonce tout à fait (d)étonnante !
Bienvenue à Yurukill Land
Quand Sengoku se réveille au fin fond d’une cellule de prison, aucun souvenir ne lui revient quant au moment, au motif de son incarcération. S’il n’est pas seul, son compagnon d’infortune, dans ce même état d’ignorante sidération, s’avère toutefois bien incapable d’éclairer sa lanterne. C’est alors que, surgissant des ténèbres, une jeune femme au visage masqué, dénommée Benko, nous révèle qu’il va nous falloir, chanceux que nous sommes, nous livrer à quelques jeux tout à fait vicieux afin d’expier nos péchés, et peut-être recouvrer notre liberté. Collier autour du cou, évidemment, façon Gantz, Battle Royale, Suicide Squad et consorts. Ici néanmoins, point d’explosion, seulement l’injection lente et extrêmement douloureuse, en notre corps si frêle, d’un mortel poison en cas de mutinerie, ou tentative désespérée d’arracher la maudite parure. Simple. Radical.
D’autres prisonniers se joignant à la fête, 5 duos s’alignent bientôt sur la ligne de départ, respectivement composés d’une victime et son bourreau attitré. Bien sûr ce dernier, candidat volontaire, ne nous fera pas de cadeau. Incarnant tour à tour chacun des participants, nous n’irons pas au-delà de cette ultime précision dans le détail des faits. Sachez simplement qu’à partir de ces trames narratives spécifiques émerge petit à petit, primordial dans un visual novel, un récit commun porteur de réels enjeux qui dépassent largement, l’initial cadre individuel.
Escape game
Le contexte narratif établi, place aux jeux, Mesdames et Messieurs ! A la manière d’un escape room, notre cher détentionnaire flanqué de son geôlier, doit s’acquitter d’énigmes de plus en plus corsées, consistant à associer chiffres, lettres et symboles, ainsi qu’à observer attentivement l’environnement en quête d’indices ou d’objets requis, dans l’objectif d’accéder aux pièces suivantes ou déverrouiller coffres, portes et tiroirs. N’hésitez pas, en dernier recours, à quémander l’aide du personnage que vous incarnez, habilité à céder jusqu’à 3 indications supplémentaires sans pénalité, cependant relatives à la marche à suivre uniquement ; c’est-à-dire qu’en aucun cas, il ne s’agira de la résolution pour tout ou partie, du défi. Vous ne couperez pas à un minimum de réflexion !
Gages de diversité, d’autres situations, parfois, nous confrontent à un choix d’item parmi ceux collectés, ou casse-tête inédit, aux conséquences potentiellement mortelles. Pimentant agréablement l’aventure, ces rares moments n’engendrent de surcroît aucune frustration, ni ne handicapent très sérieusement, puisqu’à leurs prémices, nous reprenons le jeu si game over il y a. D’autres occasions de perdre la vie, se présenteront de toute façon bien assez tôt.
R-Type punishment
Au terme de cette enfilade de salles, notre tortionnaire qui, rappelons-le, a droit de vie ou de mort sur notre humble personne, nous soumet en effet à une série de questions en guise de préalable à la phase de shoot ‘em up à proprement parler. A chaque fois s’agira-t-il, de valider la bonne réponse au sein d’une liste de quatre. En écho, un pourcentage faisant office de tensiomètre, grimpe inexorablement pour peu que l’on échoue de manière répétée. Dépassez la barre des 99% et c’est la mort assurée : le questeur, excédé, vous exécute de sang froid. Game over, puis rebelotte.
Ce premier palier franchi, l’interrogatoire, lui, continue : une nouvelle salve, chronométrée, de cinq questions reprenant point par point notre affaire – à savoir les motifs de notre détention – nous offre habilement d’obtenir un petit cumul de vies non négligeable une fois mis aux commandes, de notre vaisseau interstellaire. Oui, oui un vaisseau. Par le truchement d’un implant neuronal augmentant la réalité, le shoot ‘em up ainsi justifié scénaristiquement, finalement entre en scène.
Les adeptes du genre n’en perdront pas leur latin, cette ramification de gameplay misant sur le classicisme de bon aloi déjà manifeste, dans sa partie visual novel. Simple et efficace, la maniabilité ne s’encombre pas d’options superflues : l’on avance, canarde et use çà et là, d’un tir spécial. Très adroitement, ces séquences contribuent en outre à approfondir encore la narration par l’intermédiaire du “mur de conscience”, soit l’instant précis où l’esprit de notre adversaire, s’immisçant au débotté, interrompt la bataille d’une nouvelle objection à contrer au moyen de l’argument adapté. Échouons, 3 vies nous sont ôtées. Notre stock épuisé, la séquence de shoot ‘em up redémarre depuis le départ. Et, bon à savoir, ces phases sont rejouables à loisir depuis le menu principal à condition de les avoir terminées une première fois, l’idéal pour comparer ses scores.
Ce retour d’expérience vous paraît quelque peu confus, la juxtaposition des genres complètement absconse ? Pas de panique : en pratique, Yurukill, fort de moult rebondissements qu’il serait parfaitement criminel de divulguer, s’illustre par sa solide cohérence narrative, comme de gameplay. Ces destins parallèles, contraints de converger dans une même direction, nous tiennent en haleine une belle dizaine d’heures. Primordiale au regard du type de jeu, verbeux par excellence, la localisation en français achève de nous combler, en sus du doublage anglais ou japonais.
Un savoureux melting pot
Quant à la direction artistique dont on pouvait redouter la rupture de ton entre le visual novel d’un côté, de nature plutôt statique et de l’autre, le shoot ’em up beaucoup plus frénétique, celle-ci finalement, s’accommode aisément de sa dualité intrinsèque. En matière de chara design, le vaste panel de personnages et leurs modèles soignés, s’inspirant d’œuvres de référence telles que DanganRonpa ou Zéro Escape, parleront à toutes les sensibilités. Pour leur part, les phases de shoot en simili-3D – aux animations certes datées techniquement, s’il fallait chipoter – piochent leur inspiration chez R-Type, entre autres classiques. Du bon travail, donc, bien que l’inverse eût en réalité étonné s’agissant d’un visual novel, généralement peu gourmand.
Enfin, la bande-son procède du même savant dosage, tantôt calme et discrète durant l’enquête, gagnant en intensité lorsque point la tension, tantôt rock et franchement plus rythmée lors du shoot spatial, avec pour dénominateur commun ces mélodies extrêmement japonisantes typiques de Xenoblade Chronicles et confrères… Pour notre plus grand plaisir, évidemment !
Conclusion
Aussi prenant que surprenant, Yurikill: The Calumniniation Games parvient avec maestria, à marier et intégrer au sein d'un récit à la mise en scène inspirée des plus grands, DanganRonpa et Zero Escape au premier rang, le meilleur du visual novel et du shoot ‘em up. Tandis que les énigmes du premier rivalisent d'ingéniosité et de complexité allant croissant, le second, diablement jouissif, dynamise la formule sur trois niveaux de difficulté. La durée de vie, plus que convenable, avoisine ainsi la bonne dizaine d'heures en immersion dans un univers à la direction artistique soignée, où chacun des protagonistes, pour ne rien gâcher, nous gratifie d'un doublage en anglais ou japonais intégralement sous-titré en français.
LES PLUS
- Un scénario très plaisant à suivre, pas avare de rebondissements…
- Les énigmes de plus en plus coriaces…
- Une bonne durée de vie
- Les graphismes, jolis
- La bande-son rock ou discrète, selon le contexte
- Les doublages japonais
- Traduit en français
- L'alliance de deux genres aux antipodes, shoot ‘em up et visual novel
- Un escape room virtuel
- Plusieurs niveaux de difficulté pour les phases de shoot ‘em up
LES MOINS
- … qui ne réinvente pas la thématique du battle royale, déjà amplement traitée
- … voire trop coriaces
- Les game over et échecs, indolores car peu punitifs
Bonjour, j’apprécie ce que vous proposez en terme de contenu ^^
J’ai été très déçu par mon expérience de la démo sur switch, des gros ralentissements en grande partie durant les scènes, du lag au niveau de l’interface.
Autant dire ça m’a refroidi, mais étant donné que vous n’en parlez pas je me demande si ce n’est pas juste la démo qui n’était pas au même stade d’avancement ?
Qu’en est-il de vôtre coté ?
Merci
Tout d’abord merci pour ton commentaire. Je n’ai pas fait la démo mais je comprends tout à fait que les problèmes que tu énonces ont pu te refroidir. Pour ce qui est de mon expérience globale sur le titre je n’ai noté aucun ralentissement ou lag venant perturbé ma partie.