Comment vous décrire l’expérience que nous venons de vivre avec The Prince of Landis ? Beaucoup d’adjectifs nous viennent en tête à ce moment précis de la rédaction du test. Étrange. Irréelle. Courte. Violente. Dérangeante. Discutable. Oui, beaucoup de mots nous viennent en tête. Mais en quoi consiste-t-elle, cette aventure de The Prince of Landis, justement ? Est-elle aussi sombre qu’elle n’y paraît, ou cherche-t-elle simplement à délivrer un message ? Développé par Lorestrome et publié par Ratalaika Games, voici notre avis sur la question.
Une dénonciation du harcèlement scolaire
« L’invité te remercie pour ton hospitalité. »
Avant d’officiellement démarrer cette première partie, laissez-nous vous annoncer une grande nouvelle en vous ôtant de tous vos doutes par la même occasion : oui, ce jeu a bien été traduit en français ! Nous pouvons déjà entendre d’ici la chanson « Hallelujah » jouée en boucle. Cela étant désormais exposé, en avant pour parler du gameplay et de l’histoire !
Le jeu à peine lancé, nous comprenons que The Prince of Landis ne sera pas une aventure toute mignonne et colorée. Non, ici, avant même de pouvoir démarrer notre partie comme il se doit, nous avons un message du scénariste du jeu, Hyptosis, qui se lance et dans lequel nous devons dès à présent faire un choix.
Ainsi, ledit choix qui s’offre à nous porte sur le langage utilisé par les personnages tout au long du jeu : un langage qui « reproduit le cadre » dans lequel il se produit, ou un langage plutôt « adapté aux sensibilités actuelles ». L’auteur prévient donc qu’il en revient à vous de choisir comment vivre au mieux l’expérience que s’apprête à vous proposer The Prince of Landis. Et, pour des raisons d’authenticité, nous avons bien entendu préféré jouer avec le langage voulu par l’auteur. Peut-être pour mieux vivre et ressentir pleinement sa vision des choses ? Probablement. Mais nous pouvons vous le dire directement : l’effet est réussi, grâce à une traduction française, certes crue et grossière avec des insultes à tout-va, mais de qualité. Nous y reviendrons dans la seconde partie.
En attendant, une fois notre choix sélectionné, nous arrivons enfin sur le menu. Et qu’il ne fût pas une surprise, ce menu. Ce dernier nous a mis directement dans l’ambiance, ça, c’est le moins que l’on puisse dire. Celui-ci est complètement sombre, accompagné d’une musique austère. Nous apprendrons, plus tard dans la partie, que cette musique – digne d’une certaine série ayant pour leader Fox Mulder – était tout simplement le thème de notre cher ami L’invité, et constituerait, ce faisant, l’une des seules musiques du jeu. Au cœur de ce menu, un personnage nous regarde, l’air abattu. Pire encore, il souffre d’un traumatisme à l’œil. Comme nous l’avions pressenti au début de ce test, nous avons dès lors la confirmation que ce jeu ne va pas respirer la joie.
Cette atmosphère lugubre, s’améliore-t-elle une fois la partie démarrée ? Eh bien… Non. Loin de là, d’ailleurs. Elle est au contraire renforcée par l’ambiance et le climat de la ville.
Bienvenue dans la ville de Landis, dans l’Oregon. Où d’emblée, un cerf mort nous accueille, son sang tachant de rouge la neige.
Dans cette Amérique rurale des années 80, nous incarnons le jeune Evan, un lycéen américain. Lycéen qui, d’emblée, se fait tabasser par un certain Jason, un camarade du lycée qui fait deux fois sa taille et lui réclame de l’argent. Bon, disons-le de suite : Evan souffre d’un manque d’estime de soi. Il ne s’aime pas, et subit sans broncher les coups que lui flanque Jason. Et quand bien même il rappliquerait, il ne ferait qu’aggraver sa situation et se prendrait davantage de coups. Mais le pire, c’est qu’il subit également les déboires verbaux et physiques de son père alcoolique et bordélique, qui reste d’ailleurs sur son canapé toute la journée à regarder la télévision. Comme il le dit lui-même à l’un de ses camarades, s’il laisse Jason lui mettre une raclée, son père le punit en lui en collant une aussi.
Un soir, Evan est réveillé par un drôle de son. Son père, complètement ivre, dort à poings fermés. Evan sort de sa maison, et voit une étrange lumière verte au Nord de chez lui. Il poursuit son chemin… Et tombe nez à nez avec une créature bizarre, presque alien. Evan ne sait pas quoi faire, mais avant même de pouvoir prendre une décision, la créature le repère et l’identifie comme cible… Pour se nourrir !
Il tente de s’enfuir, mais la créature est bien plus rapide que lui et lui bloque le passage. Evan plaide pour sa vie, et la créature le met au défi : démontre ta valeur, ou deviens ma cible.
Evan promet alors de ne parler à personne de cette créature, ni de son vaisseau spatial. L’alien accepte temporairement, et se nomme désormais « L’invité », tel un invité sur notre planète. Nous aurions aussi accepté « L’indésirable », mais que voulez-vous. De retour au jeu, Evan propose – par peur, ou par pure folie ? – d’aider L’invité à protéger le vaisseau endommagé en proie aux flammes, ce qu’il accepte. L’invité lui exprime alors un seul et unique mot : gratitude.
Dès ce moment, une sorte de lien inexplicable se tisse entre les deux protagonistes, et L’invité lui propose alors un marché : si Evan sait se rendre utile pour réparer le vaisseau, il aura pour récompense de rester en vie. Et, accessoirement, L’invité lui prodiguera de grands conseils.
Evan accepte, mais rentre chez lui en croyant à un sacré cauchemar.
Le lendemain matin, Evan agit donc comme s’il ne s’était rien passé et décide de se rendre comme d’habitude au lycée. Sauf que… Ce n’était pas un cauchemar. Ce qu’Evan a vu la nuit précédente était bien réel. Et ainsi commence notre exploration pour réparer le vaisseau spatial, tout en prenant garde à Jason le harceleur à la fois.
Une aventure mitigée
« Tu crois que tout le monde est mauvais ? »
Parlons tout d’abord un peu de l’un des points forts majeurs du jeu – du moins, pour nous joueurs français et francophones – comme énoncé en première partie de ce test, la traduction française ! Cette dernière a été très bien réalisée et a été fidèle au langage ordurier qui était attendu dès le jeu lancé.
Certes, nous avons pu remarquer quelques petites erreurs de traduction parfois littérales. Par exemple, un « That makes sense » traduit assez maladroitement en « Ça fait du sens » au lieu d’un « Ça se comprend » en vue du contexte. Nous avons également observé L’invité qui regagnait son nom anglais « The Guest » par moment, accompagné de quelques petites fautes de frappe. Néanmoins, ces erreurs sont restées relativement minimes et n’ont gâché en rien le plaisir du jeu.
Ce qui nous amène cependant à un point négatif qui nous a un petit peu déçus : le jeu ne comporte aucun doublage. C’est dommage, nous aurions adoré entendre de vive voix la façon de parler des personnages – langage vulgaire et répréhensible dont l’auteur a indiqué vouloir reproduire de manière fidèle sans pour autant l’approuver ni le cautionner, soit dit en passant – mais nous sommes déjà reconnaissants du travail apporté sur la traduction. D’autant plus que pour pallier à ce manque de voix, The Prince of Landis propose des bruitages bien réalisés, comme des corbeaux ou des portes automatisées.
Par ailleurs, nous aurions aimé avoir un peu plus de musiques en dehors de celle représentant L’invité, ou du moins des musiques plus agréables à l’écoute. Seule l’une des épiceries du coin possède une musique à peu près entraînante, aussi bien semblable à une sorte de cirque qu’à un saloon, mais cela n’a pas suffi.
Outre l’univers sonore du jeu, et accompagnée de ces dialogues pour le moins colorés, l’aventure se présente principalement sous forme d’exploration. Sous les traits de Dora… Euh, pardon. Recommençons. Sous les traits d’Evan, vous devrez principalement explorer la ville pour accomplir les diverses tâches confiées par L’invité, mais aussi continuer votre vie de lycéen américain en parallèle.
Les graphismes sont en 2D, mais le compte-rendu est un peu mitigé. D’un côté, nous avons adoré explorer les moindres recoins enneigés – Oregon oblige – de cette ville américaine des années 80 en plein hiver. Cette neige, qui amplifie les sentiments de solitude et d’isolation qu’éprouve Evan, était magnifique à regarder et a grandement aidé à ne pas trouver l’exploration redondante ou répétitive.
Cependant, certains lieux manquaient clairement de profondeur et de détails. Alors certes, peut-être pour amplifier cet effet de vide et de froid que traverseront aussi bien les personnages que vous-mêmes. Malheureusement, nous avons trouvé que certains lieux, remplis de potentiel, se sont retrouvés décevants une fois découverts. Sans compter que, le jeu ne fournit aucune carte à disposition, donc il était un peu difficile de savoir dans quelle direction aller au début. Une chance, donc, qu’Evan nous indique dès qu’une direction était inaccessible. Pour autant, il n’y a au final pas beaucoup de lieux à explorer, donc nous avons réussi à nous repérer assez facilement.
Une petite fonctionnalité qui nous aura fait beaucoup de bien dans notre exploration, c’était la possibilité de courir grâce au bouton Y. Evan marchant de long en large à travers Landis, les différents allers-retours peuvent se révéler parfois un peu longs et monotones. Cette fonction était donc sincèrement la bienvenue, surtout quand nous en venions à tourner en rond, à la recherche désespérée d’un objet en particulier. La compatibilité tactile a été un bonus non-négligeable également.
Cette exploration, nous l’effectuons en majorité à cause de L’invité. En effet, l’extraterrestre nous confie différentes tâches au fil de l’aventure : trouver des informations, lui rapporter de quoi se nourrir (Des animaux morts par exemple… Bon appétit à vous), ou encore lui trouver des matériaux tels que de l’aluminium ou du cuivre.
C’est là que The Prince of Landis apporte sa petite touche personnelle de Point’n’click, puisqu’en trouvant les objets demandés, ceux-ci iront directement dans l’inventaire qui pour sa part apparaît continuellement sur l’écran. Constitué de six cases, ici, pas de superflu ! Chaque objet aura son importance et son utilité.
Durant nos recherches pour notre cher E.T national, nous nous sommes rendu compte que The Prince of Landis teste avant tout notre pouvoir de l’observation. C’est-à-dire qu’à cause du style graphique du jeu, il peut être très difficile de repérer les objets qui seront indispensables dans notre quête.
Il faudra farfouiller un peu partout, tout le temps. Par exemple, un simple livre dénué d’intérêt au départ pourrait se révéler être la clé du succès pour progresser plus tard dans l’aventure. Donc si vous le pouvez, gardez bien en tête la localisation d’un objet qui aura capté votre attention. Après tout, vous ne saurez jamais quand celui-ci pourrait repointer le bout de son nez…
Quant à la sauvegarde, celle-ci est uniquement possible lorsqu’Evan regagne son lit. Cela aurait bien été problématique, sauf que l’aventure est tellement courte qu’au final, cela ne nous a pas dérangés.
Cela nous amène donc à la fin du jeu, et là aussi, notre avis sur la question est plutôt défavorable. Cette dernière, que nous avons obtenue au bout d’environ trois heures de jeu, est brutale.
Pour tout vous dire, nous avons obtenu deux fins différentes. Et honnêtement, il est difficile de dire laquelle est meilleure, bien que l’une des deux nous a semblé plus vraie que l’autre, et plus satisfaisante dans sa globalité. Néanmoins, elles restent abruptes, et même le générique de fin, arrivant soudainement, s’effectue dans le silence le plus total et nous aura laissé un goût amer. Par contre, l’une des fins nous laissent entendre qu’il pourrait potentiellement y avoir une suite, et sincèrement, nous ne serions pas contre !
Pour autant, et nous terminerons là-dessus, la question de la moralité n’est pas prise à la légère dans The Prince of Landis, et a constitué l’un des points forts du jeu. Bien au contraire, chaque action que vous confirmez, aussi peu nombreuses soient-elles, apporteront leur lot de conséquences. Et ce, même si ces actions sont nécessaires pour le « bon » déroulement de l’histoire. L’une d’entre-elles qui nous a le plus marquée s’est produite avec un personnage auquel nous ne nous attendions pas, et un objet que nous n’avions même pas remarqué de prime abord.
Cet objet, c’était une bouteille d’oxygène appartenant à l’un des habitants. Sauf que L’invité nous avait confié pour mission de lui ramener de l’aluminium pour la réparation de son vaisseau. Le jeu vous demande donc, en voyant la bouteille d’oxygène, si vous souhaitez la prendre et la ramener à L’invité. À contre-cœur et faute d’alternative – et aussi lassés de tourner en rond, disons-le franchement – nous avons accepté. Si vous souhaitez revenir en ce lieu quelque temps après avoir effectué cette action, sachez que la route sera désormais inaccessible, car bloquée par une ambulance. Un local vous dira simplement qu’il croit que la personne – cette même personne à qui vous aviez dérobé sa bouteille d’oxygène – a passé l’arme à gauche.
Voilà le genre de psychologie assez tordue et sacrément sombre auquel peut potentiellement vous exposer The Prince of Landis selon vos choix. Au-delà de vouloir aider un Alien dangereux à rentrer chez lui, un jeune lycéen devient un meurtrier. Et de victime, à cause de nos actions, il passe finalement à bourreau.
Et c’est là, l’ironie et la symbolique des choses : tout au long de notre aventure, nous aurons reçu et écouté les conseils venant d’un monstre pour gérer une tout autre sorte de monstres : les harceleurs. Les écouterez-vous ? Le choix vous revient.
The Prince of Landis est disponible sur le Nintendo eShop pour 7,99€.
Conclusion
The Prince of Landis est un jeu d’aventure en 2D nous mettant dans la peau d’Evan, un jeune lycéen américain qui se fait violemment harceler à l’école. Vivant avec son père alcoolique, il ne trouve aucun soutien jusqu’au jour où il fait la rencontre de L’invité, une créature extraterrestre. Cet Alien lui laisse la vie sauve et lui prodiguera même des conseils d’une étrange philosophie en échange de services. Cette aventure, qui se veut avant tout exploratrice, verra Evan et L’invité former une étrange alliance afin qu’ils puissent faire face aux harceleurs et réparer un vaisseau spatial, respectivement, et fait de The Prince of Landis une histoire à découvrir incontestablement. Malgré l’avantage non-négligeable d’avoir une traduction française, le vide quant au gameplay, l’absence de vraie bande-sonore et l’aventure très courte d’environ trois heures avec deux fins abruptes et pas forcément satisfaisantes, nous auront laissés sur notre faim. Dommage.
LES PLUS
- Les paysages enneigés en 2D de l’Oregon très jolis
- Un scénario complexe et moraliste
- Des thèmes difficiles abordés
- Dora l’Exploratrice en version horreur
- La traduction française, ça fait toujours plaisir
- La possibilité de jouer avec le dialogue authentique souhaité par l’auteur ou non
- Compatibilité tactile disponible
LES MOINS
- Très court pour en voir la fin
- Une bande-sonore quasiment inexistante et franchement pas terrible
- Des fins assez étranges en décalage avec l’ambiance générale du jeu
- Assez compliqué dans l’ensemble
- Des objets pas toujours évidents à trouver
- Le fait de ne pas savoir où aller peut être frustrant
- Un peu graphique par moment