Que feriez-vous, si vous deviez tout perdre ? Vos richesses, vos possessions… Envolées. Vos connaissances, vos amis… Devenus ennemis. Votre identité, votre statut social… Bafoués. Sans aucune issue possible, que feriez-vous ? Comment réagiriez-vous ? Inspiré du roman A Little Princess et publié par Ratalaika Games, A Little Lily Princess tente d’apporter une réponse à ces questions.
Londres, me voilà !
« À compter d’aujourd’hui, nous aurons une nouvelle élève parmi nous. »
L’aventure démarre pour nous sous les traits de l’optimiste Sara Crew, une jeune fille fraîchement débarquée dans les rues piétonnières et brumeuses d’un Londres printanier situé durant l’ère victorienne.
Ce contexte historique apporte justement sa touche au scénario, puisque Sara n’est pas une simple Londonienne. En effet, Sara est née et a été élevée en Inde, à une époque où ce pays était encore une colonie appartenant à l’Empire britannique. Le père de Sara, le respecté Capitaine Crewe, décide de l’envoyer faire sa scolarité dans un pensionnat pour filles. De par la richesse et la notoriété de son père, Sara est de facto traitée comme une princesse dès son arrivée – notamment par la directrice du pensionnat, Mademoiselle Minchin – et suscite aussi bien l’admiration et la curiosité de ses nouvelles camarades de classe… Que la jalousie.
Dès lors commence l’aventure (et un tant soit peu, la descente aux enfers) de la jeune fille. Alors, armée de son optimisme et de son imagination débordante – et de sa poupée flippante Emily – Sara est prête à braver Londres en gardant deux objectifs en tête : réussir sa scolarité, et se faire de nouvelles amies.
Les personnages qui côtoient Sara durant sa scolarité, pour leur part, possèdent tous des caractéristiques atypiques, promettant des interactions différentes et funs tout au long du jeu. La liste des personnages s’étend comme suit : nous avons l’arrogante Lavinia Herbert, qui, comme vous pouvez vous en douter, se comportera comme une peste envers Sara et représentera, avec Mademoiselle Minchin, l’antagoniste du jeu. Ermengarde St John, une fille simple, pas forcément douée dans le domaine scolaire, mais qui représentera une alliée… Sincère ou pas, ce sera à vous de le découvrir. Puis vient Jessie Abbot, à la personnalité en perpétuelle opposition : suivre aveuglément sa meilleure amie Lavinia, ou rester fidèle à elle-même ? Nous avons ensuite Lottie Leigh, le « bébé » du groupe. Non, vraiment. Il n’y a pas d’autres mots pour la décrire. Ensuite, nous avons Mariette Dumas, la domestique française de Sara, tout droit venue de Limoges. Et enfin Becky, une servante du pensionnat.
Ces traits de personnalité sont renforcés par des characters designs qui correspondent parfaitement aux personnages, et qui vous les feront automatiquement adorer ou détester dès le premier coup d’œil, notamment Ermengarde qui, par son look simplet, attirera votre sympathie.
Venons-en au jeu en lui-même : A Little Lily Princess se présente sous la forme d’un Visual Novel (ou littéralement Roman Visuel en français), mais contient une petite particularité. En effet, il s’agit d’un Visual Novel Yuri. C’est-à-dire que, à l’instar d’un Visual Novel où vous incarnez un personnage féminin, vos prétendants sont désormais… Des prétendantes ! Et ce sont donc six d’entre-elles qui auront chacune droit à leur propre route (ou branche, selon le terme que vous préférez), un choix qui s’offrira à vous. Mais âge oblige, gardez bien en tête que certaines de ces relations resteront finalement purement amicales.
Pour en revenir à l’aspect Visual Novel du jeu, si vous avez déjà précédemment joué à ce genre de jeux, ou si vous avez déjà lu l’un de nos précédents tests portant sur ce genre, alors vous connaissez déjà la musique. Pour ceux qui auraient oublié ou pour ceux qui souhaiteraient se lancer, voici une petite piqûre de rappel sur le gameplay : pour parvenir au dénouement de l’histoire, il vous suffit simplement de lire le scénario en passant le texte affiché à l’écran, de faire des choix lorsque l’opportunité se présente, et influencer le cours de l’histoire pas lesdits choix. C’est tout. Rien de plus simple, en somme, d’autant plus que la majorité des Visual Novels vous permettent de sauvegarder où vous voulez, quand vous voulez. Pour faire court : vous lisez, mais surtout, vous progressez à votre rythme.
Souvent, pour combler le manque de cinématiques et d’action que l’on pourrait habituellement retrouver dans un jeu d’aventure, les Visual Novels apportent un doublage – généralement en japonais – ainsi qu’une bande-son qui ont pour rôles de vous immerger directement dans l’histoire proposée. Ici, la bande-son ne déroge pas à la règle. Les mélodies, majoritairement réalisées au piano, collent parfaitement à l’ambiance tranche de vie de ce Visual Novel. Relaxantes, émotives ou intenses, elles y sont toutes et arrivent tout de même à combler une énorme lacune non négligeable du jeu : le manque de doublages.
Pour autant, et pour pallier à ce manque de voix, les développeurs ont placé des bruitages tout à fait appropriés selon la situation, tels que des ricanements, des bruits de pas ou des grincements de porte. C’est subtil, et ça marche plutôt bien !
« C’est très bien tout cela, mais, et la traduction alors ? » Aïe. La question fatidique. Chers lecteurs, inutile de vous mentir : comme tout bon Visual Novel qui se respecte, A Little Lily Princess ne propose aucune version française à l’heure où nous rédigeons ce test. Cependant, chers amis anglophobes, soyez rassurés : A Little Lily Princess convient tout à fait aux débutants et utilise un anglais facile à comprendre, et voici pourquoi : comme dit précédemment, nous incarnons Sara, une jeune fille, qui interagit en majorité avec des jeunes filles de son âge. L’histoire reste en soi basique et très simple à suivre. Qui plus est, Sara étant issue d’une famille aisée, celle-ci suit régulièrement des cours de français à travers la première partie du jeu, avec parfois des dialogues donc intégralement en français. Sans compter que l’une des prétendantes de Sara, Mariette, est française également, laissant de nouveau place à des dialogues ou des expressions en français.
En fait, la seule personne qui pourrait éventuellement vous poser problème dans votre compréhension serait Becky, qui, à l’inverse de Sara, est une « simple » servante vivant dans la pauvreté et qui s’exprime dans un anglais relativement approximatif, haché même. Pour autant, si vous souhaitez parfaire ou approfondir vos connaissances en anglais, et cela peu importe votre niveau, alors A Little Lily Princess constituera un excellent début.
Si des Visual Novels, tels que Raging Loop, vous proposent typiquement de faire des choix pour influer sur le cours de l’histoire à travers les dialogues proposés, A Little Lily Princess se démarque de ses compères en proposant un gameplay interactif alternatif. Oubliez les dialogues, les soudaines options entre un choix A et un choix B lors des dialogues, ici, vous allez gérer… Un emploi du temps ! Et plus particulièrement, l’emploi du temps de Sara.
Vous l’aurez compris, le récit se déroule ici de manière hebdomadaire.
Chaque semaine dans le jeu, vous devrez choisir une activité par jour parmi les activités suivantes : lire un livre, pratiquer la danse, s’amuser avec des jouets, faire une promenade, écrire dans votre journal, faire du tutorat, ou organiser une réunion thé. Selon les activités choisies et les performances de Sara (cette fois-ci déterminées au hasard), vous gagnerez des points de ressource dans différentes catégories semblables à des traits de caractère, à savoir : les connaissances, le talent artistique, la patience, la compassion, l’élégance, la croyance, et la fermeté.
Grâce à ces points récoltés chaque semaine, vous pourrez interagir chaque weekend avec un personnage selon vos préférences… Pour peu que vous ayez assez de points de ressource dans les catégories demandées. Sans vous révéler la suite de l’histoire, sachez que les activités proposées et les points de ressource obtenus changeront radicalement dès la deuxième partie de l’histoire entamée, bien que le concept restera strictement le même.
Si au début de la partie, nous avions décidé de nous en tenir à un emploi du temps régulier chaque semaine afin de ne pas nous emmêler les pinceaux, nous avons dû changer de stratégie assez rapidement. En effet, garder les mêmes activités constamment pouvait donner les mêmes points de ressource… Parfaits pour certains personnages, mais pas pour d’autres ! Pensez donc à varier les activités, pensez aux points de ressource dont vous avez besoin pour interagir avec le personnage de votre choix, et choisissez vos activités en conséquence. Un choix de gestion innovant, mais qui ne nous aura au final pas convaincus. En plus de ça, nous n’avons pas compris pourquoi il y avait encore un emploi du temps à gérer durant la toute dernière semaine du jeu, car quoi que vous fassiez comme activité, cela n’a aucun impact ni aucune utilité sur l’épilogue.
En attendant le weekend, vous pourrez assister au déroulement de l’histoire, au quotidien de Sara durant la semaine, notamment avec des petits interludes lorsque les personnages sortiront du pensionnat. Durant ces interludes de sorties organisées, les personnages sont représentés sous forme de chibis super mignons, ajoutant un aspect relaxant à la lecture de l’histoire.
Sara converse au moyen de lettres avec son père bien aimé, et les retrouvailles entre père et fille approchent à grands pas. Mais alors que celles-ci se faisaient imminentes, les choses ne se passent pas comme prévu et les rêves de Sara se retrouvent brusquement brisés lorsqu’une vérité éclate au grand jour. La famille Crewe étant désormais démunie de tous ses biens, de toutes ses richesses, et de son statut social, Sara perd absolument tout ce qui lui était cher… Et ainsi, démarre la seconde partie de l’histoire.
Une aventure en deux temps
« J’ai écouté tes histoires. Ne veux-tu pas partager la mienne ? »
En mal du pays, Sara tente de s’intégrer tant bien que mal, mais démunie de tout dans un pays étranger, la tâche se retrouve plus ardue que prévu.
Pour y faire face, Sara a une imagination débordante et adore raconter et se raconter des histoires. Si ce trait de caractère qui lui est propre pouvait sembler agaçant au début de l’aventure, celui-ci prendra tout son sens une fois cette deuxième partie de l’histoire démarrée. Cet aspect ennuyeux deviendra finalement sa plus grande force et détermination, et constituera finalement une belle symbolique. Ce sont les caractéristiques que nous avons le plus appréciées tout au long du jeu : plus qu’une simple histoire, c’est une évolution.
En nous plaçant dans la peau de Sara, en nous mettant aux premières loges de sa descente aux enfers, de son passage de « petite riche princesse à papa » à quelqu’un qui ne vaut plus rien, nous assistons à un récit qui se juxtapose en permanence. N’avez-vous jamais pensé, un jour, à ce que vous aviez avant et qui n’existe plus désormais ? Comment s’en sortir alors, comment faire face ? Et c’est là que le personnage de Sara devient désormais le point fort de ce Visual Novel. Parce qu’au final, Sara a beau être une jeune fille ignorante par moment, elle subit, de par les circonstances, une évolution exceptionnelle et présentée à merveille par les scénaristes.
Par ailleurs, c’est aussi durant la seconde partie de l’histoire que vous pourrez dès lors choisir la route que vous souhaitez, sous réserve que vous ayez eu assez d’interactions avec le personnage désiré. D’ailleurs, à titre personnel, nous nous sommes demandés tout au long de nos parties ce qu’il se passerait si nous n’avions pas eu assez d’interactions avec aucun des personnages. Que se passerait-il alors au lancement de la seconde partie de l’histoire ? Intrigués, nous avons relancé une partie du début exprès pour tester cette théorie. Eh bien, en passant chaque semaine sans choisir une seule interaction, voici ce qu’il se passe : le jeu vous propose, de facto, de démarrer la route de Becky. Un peu dommage, vu que c’est justement la route que nous vous conseillons de faire en dernier.
Cela étant dit et comme nous avons pu le mentionner, le jeu ne possède pas de vraie fin selon la route choisie. Cela signifie donc que vous pouvez justement choisir n’importe quelle route, dans l’ordre que vous le souhaitez. Mais si jamais vous ne savez pas trop par où commencer, voici les routes que nous avons suivies, dans l’ordre : Mariette, Lavinia, Jessie, Ermengarde, Lottie, et enfin, pour des raisons évidentes, Becky.
L’espoir avant tout
« Je ne te laisserai pas tomber. Je te le promets. »
En vérité, si des Visual Novels comme Steins ;Gate ou encore Collar x Malice peuvent vous proposer ce que l’on appelle une vraie fin, généralement débloquable une fois les autres fins parcourues, A Little Lily Princess propose une fin principale globale. Le souci est que, étant donné que malgré les six fins « différentes » promises, cette dite fin ne propose pas grand-chose de nouveau, si ce n’est peut-être une illustration inédite selon la route que vous avez suivie. C’est-à-dire que peu importe qui vous choisissez, peu importe quelle route vous prenez, à part pour une illustration et quelques lignes de dialogue supplémentaires, la fin restera toujours globalement là même.
« Pourquoi suivre cette histoire, alors ? » pourriez-vous vous demander. Et pour tout vous dire, au début, nous nous sommes posés la même question. Pourquoi répéter ce même cercle si la fin reste quasiment la même ? Eh bien, déjà, même lors de notre toute première partie, nous avons trouvé les personnages attachants (bon, d’accord… Tous sauf Lavinia, dirons-nous), voire intrigants pour la plupart, et nous souhaitions découvrir leur histoire, voir ce qu’ils avaient à offrir. Pourquoi Lavinia est-elle aussi jalouse et arrogante ? Qu’arrive-t-il à Mariette une fois la deuxième partie du scénario lancée ? Pourquoi Becky apparait-elle aux côtés de Sara sur les images officielles du jeu ? Quel dénouement, heureux ou malheureux, pour tous ces personnages ? C’est cela, et la tendresse du récit qui nous poussent à rejouer pour découvrir les six fins « différentes » du jeu. Et puis, au final, c’est la fin de Sara qui reste principalement la même. En assistant aux six autres fins, vous verrez que chaque personnage aura droit à son propre dénouement. Satisfaisant ou pas, ce sera à vous de le découvrir.
L’avantage aussi, c’est qu’une fois le dénouement dévoilé pour la première fois, les parties peuvent s’enchaîner bien plus rapidement. Ainsi, grâce à la fonction « Passer » propre à la majorité des Visual Novel pour faciliter les replays, vous pourrez passer tous les dialogues que vous aurez déjà lus lors de votre précédente partie. Un atout de taille pour ne pas avoir à revivre tous les nombreux dialogues du jeu et qui, de cette manière, s’arrêtera automatiquement pour revenir en mode lecture normale dès que de nouveaux dialogues auront été détectés. Mais telle une épée à double tranchant, ce mode de lecture fera que vous n’aurez désormais accès qu’aux interactions inédites avec le personnage que vous aurez choisi pour cette nouvelle route, à tel point que malheureusement, les différentes routes ne vous demanderont plus qu’environ 1h30 pour en voir le bout chacune. Et de par ce côté rushé, cela souligne aussi le fait que certains scénarios vont tout bonnement manquer de profondeur et vous laisser sur votre faim. Mais à l’inverse, cela signifie également que certaines routes, qui de premier abord ne vous disaient rien, vont tout simplement vous surprendre.
Par exemple, nous étions très intrigués à l’idée d’essayer la route de Lavinia. Comment allait-elle perdre de sa personnalité un peu (beaucoup) peste, pour finalement devenir une amie sincère voire plus ? Eh bien, nous avons été relativement déçus de voir que son « changement » de personnalité – si bien que nous puissions l’appeler comme ça – arrive de manière si peu naturelle et, disons-le, plutôt brutalement, que cette évolution n’en est pas vraiment une. Cette route nous aura laissés espérer qu’il y ait plus de contenu pour que cette transition d’ennemie à amie se fasse de manière plus organique plutôt qu’un ajout après coup.
Et puis, à l’inverse, nous avons des routes comme Ermengade ou Lottie qui au départ n’avaient pas capté notre attention, et qui finalement nous ont agréablement surpris. Ces routes ont comporté le genre de récit et de développement que nous aurions voulu voir avec d’autres personnages. Et par conséquent, comme vous pourrez le constater, cela a créé un certain déséquilibre dans le rythme du scénario proposé.
Au final, il vous faudra donc un petit peu moins de quinze heures de jeu pour le finir intégralement. Une durée de vie plutôt correcte et raisonnable compte tenu de son prix de 12,99€.
Avant de clôturer ce test, nous souhaitons attirer votre attention sur le fait que A Little Lily Princess aborde, à travers la directrice du pensionnat obnubilée par l’argent, Mademoiselle Minchin, des thèmes de violences verbales et physiques sur enfants, ainsi que les conséquences d’une vie dans l’extrême pauvreté telles que la sous-nutrition. Bien entendu, les descriptions sont plutôt survolées et non graphiques, mais nous préférons vous prévenir au cas où vous seriez sensibles à ces sujets.
Conclusion
Riche de sa bande-son de qualité et de ses excellents graphismes, A Little Lily Princess est un Visual Novel Yuri qui saura vous attendrir en vous présentant une histoire d’un peu moins de quinze heures pour en voir les six fins. En incarnant la jeune Sara Crewe, vous pourrez assister aux premières loges à son voyage à Londres et son évolution de jeune fille riche ignorante à servante ne possédant absolument plus rien. Ce récit d’aspect générique, traité avec respect, verra Sara former des relations plus ou moins sincères et confronter ses difficultés avec une détermination qui saura en motiver plus d’un. Cependant, un manque de doublage et une traduction française inexistante pourraient également en rebuter certains. Mais si vous êtes en quête d’un Visual Novel mignon et exprimé dans un anglais simple pour passer un bon petit moment de lecture, alors nous ne saurions que vous le recommander. Bon voyage Londonien à vous !
LES PLUS
- Un scénario de tranche de vie bien ficelé…
- Une douce bande-son de qualité…
- Des personnages attachants aux characters designs réussis
- Les interludes avec les personnages chibis trop mignons
- Des décors détaillés et jolis à regarder
- L’ère victorienne qui apporte une touche historique au récit
- La compatibilité avec l’écran tactile bien appréciable
LES MOINS
- … Mais qui manque parfois de profondeur
- … Qui cherche malheureusement à combler l’absence de doublage
- Une traduction française inexistante
- Les routes des personnages qui s’enchaînent très vite
- Des fins finalement pas si différentes que ça
- Emily la poupée flippante