L’arlésienne est là ! Annoncé en 2018 dans les pages de V Jump pour une sortie en 2019, à la suite de problèmes avec le premier studio Witchcraft, il finit par sortir en juillet 2022 sous la houlette de Hyde et édité par Bandai Namco. On se dit qu’après autant d’années d’attente et de développement, le jeu sera solide et génial. Eh bien, c’est à moitié vrai… Mais nous allons voir ça en profondeur, alors préparez votre meilleur ami virtuel, c’est parti pour Digimon Survive !
Un mystérieux mystère !
Dans Digimon Survive, vous êtes Takuma, un élève qui campe avec son école. Toute une équipe de camarades l’entoure comme Minoru, son grand pote, et Aoi, et rejoindront rapidement le groupe Saki, Ryo, Shuuji, Kaito et sa sœur Miu. Lors de cette première journée de camping, ils vont se retrouver à chercher la petite sœur de Kaito, qui aime bien embêter son frère et partir en cachette. Nous arrivons alors vite près du Sanctuaire. Un mystérieux endroit, propre au folklore japonais, qui raconte que des monstres existent, appelés Kemonogami. Rapidement, notre groupe se retrouve alors embarqué dans un monde parallèle proche du leur. Ils commencent par y retrouver leur école, mais celle-ci sera quelque peu différente de celle de leur monde.
L’histoire va alors nous plonger dans la psychologie des personnages. Chacun va avoir sa propre personnalité qu’il va alors approfondir au fur et à mesure que l’histoire avance, nous allons en apprendre un peu plus sur leur passé et leurs secrets. Cependant, c’est relativement cloisonné et simpliste comme écriture : si tous vont sombrer lentement dans une sorte de folie douce, chacun va rester cantonné à sa propre personnalité. Un personnage qui est peureux sera alors peureux tout le temps, tous ses dialogues seront liés à ce trait de personnalité, aucun n’est ambigu ou un peu profond en dehors d’un trait de caractère simple et poussé à l’extrême.
Car oui, le jeu est PEGI12+. On pourrait penser au départ que c’est lié au combat, qui forcément implique un peu de violence, mais finalement c’est vraiment l’histoire qui n’est pas accessible aux plus jeunes. Malgré des graphismes très colorés et animés, l’histoire, elle, est plus axée sur la descente vers la folie de nos adolescents. Ce n’est pas réellement un spoiler, mais comme son nom l’indique, dans Digimon Survive, vous allez devoir survivre. Vos choix et la relation que vous allez mener avec vos camarades vont clairement influer sur cette partie de l’histoire ! Même si lors de votre première session, certains de vos camarades vont mourir, vous ne pourrez pas tous les sauver du premier coup, mais ce sont justement ces morts qui vont accélérer la descente vers la folie de votre groupe. Il faut rappeler qu’ils sont juste de jeunes adolescents, qui plus est perdus dans un univers étrange peuplé de créatures.
Un vrai livre
Digimon Survive est un Visual Novel. Si lors de sa première annonce, le jeu avait été vendu comme un T-RPG qui nous promettait de recruter et faire évoluer nos monstres en cours de combat, il faut avouer que ça a tourné rapidement court. En 4 ans, nous n’avions eu que très peu de nouvelles du jeu, jusqu’au moment où le mot Visual Novel était lâché. Digimon Survive, c’est environ 80% de Visual Novel pour 20% de T-RPG. Autant vous dire que si vous venez pour la bagarre, passez votre chemin. Car il faut compter un peu plus de 20h pour terminer une fois le jeu, vous passerez donc facilement plus de 15h à lire.
Et c’est là où on commence à voir les limites du soft. Avoir un super Visual Novel dans le monde de Digimon pourquoi pas, mais le jeu nous prend rapidement pour des idiots. Premièrement, l’écriture globale du titre est faible. Les dialogues sont plutôt ennuyeux. Comme dit précédemment, chaque personnage va agir comme des robots sans âme à se bloquer dans leurs stéréotypes. Ils ne vont d’ailleurs presque jamais interagir les uns avec les autres, ou alors des duos plus ou moins imposés : Kaito va effectivement agir avec Miu, sa sœur, Saki et Aoi les deux filles vont se rapprocher, mais ça ne va jamais plus loin. De même, leurs dialogues entre eux ne ressemblent presque jamais à une discussion, tout est robotique et non réaliste dans le langage. Alors, est-ce dû à une traduction paresseuse ou un souci d’écriture à la base, nous ne saurions le dire. Mais le rendu final est assez ennuyeux et plat.
De plus, ces soucis de dialogues vont être accentués par une tonne de redondance. On va nous rabâcher sans cesse et pendant de longues minutes les mêmes choses, et d’ailleurs souvent des choses qui se sont déroulées littéralement 5 minutes plus tôt dans le jeu. Sans parler de l’ambiance globale. Pendant que les personnages sont en train de se morfondre de la mort d’un camarade par exemple, ils vont aussi rigoler, faire des blagues ou retourner dans leurs stéréotypes, tout ça de manière assez illogique.
Nous pourrions rajouter, par-dessus ça, le rythme haché et forcé du jeu. Globalement, le jeu va suivre toujours les mêmes phases : dialogues d’intro du chapitre, phase libre ou d’exploration, combats, dialogues de fin de chapitre. Lors des phases de dialogues, vous allez pouvoir influer l’histoire du jeu, ou plutôt devrions-nous dire, « influer » l’histoire du jeu. Car oui, on est très loin d’avoir une ramification énorme de possibilités, nous allons jouer sur 3 jauges, vertus, morale et harmonie. Ces dernières sont représentées par des couleurs (rouge, jaune et vert). Quand vous êtes en phase de choix, les choix sont en surbrillance de la couleur et sont toujours placés au même endroit ; par exemple, à gauche ce sera toujours la vertu. Ces choix vont influer 2 choses : la route vers la fin pendant le chapitre 8 (plusieurs fins sont disponibles en fonction de votre cumul de ces couleurs), mais aussi l’évolution d’Agumon pendant le jeu.
Vous l’aurez donc compris, ces choix-là sont un peu trop prévisibles à cause notamment de la couleur, ce qui nous donne globalement envie de toujours faire les mêmes types de choix. Pour revenir aux autres phases, nous allons donc avoir les phases d’explorations qui vous permettent de faire un peu ce que vous voulez, des combats pour augmenter votre niveau, ou bien parler à vos amis. Ces phases-là sont faites pour faire avancer le jeu en vous donnant une impression de liberté. Les phases libres ensuite sont plutôt là pour que vous fassiez vous-mêmes votre jeu, vous allez notamment pouvoir monter des affinités, mais ici les actions sont limitées. Par exemple, vous allez avoir 7 possibilités de parler ou faire une action. Souvent, vous allez avoir une possibilité supplémentaire, donc une de non faisable… Quelle tristesse…
Vous aurez à quelques moments du jeu des choix qui vont créer une ou deux branches, mais ces branches sont finalement très courtes pour se recouper quelques minutes plus tard. Globalement, ça ne va pas totalement changer l’histoire et encore moins votre expérience du titre. Nous avons en permanence l’impression d’avoir des choix sans conséquence autre que de choisir sa fin au chapitre 8… Le jeu comportant 12 chapitres, les fins ont au moins l’avantage d’être vraiment différentes les unes des autres. De plus, ces choix, notamment lors des phases pour augmenter l’amitié, perdent beaucoup de tension quand on sait qu’en appuyant sur Y on peut sauvegarder à tout moment. Il suffit alors de recharger votre partie avec Y aussi (c’est vraiment court en plus), pour choisir un autre dialogue si vous n’avez pas trouvé la bonne phrase.
La fainéantise personnifiée
Digimon Survive est sûrement l’un des jeux les plus fainéants que nous avons eu l’occasion de tester, d’une durée de vie plutôt conséquente, pour rappel 20h pour voir une fin, un New Game+ est disponible (pour avoir la véritable fin et pouvoir sauver tout le monde), et plusieurs fins disponibles. Vous pouvez donc tabler sur une durée de 100% autour de 80-100h.
Mais cette durée de vie est entachée par 2 choses : la fainéantise artistique, et la fainéantise de gameplay. Globalement, le titre est très beau, les dessins des personnages sont plutôt cool, les décors sont magnifiques, les sprites des Kemonogami sont jolis, le style global du jeu est beau. Cependant, lors des phases de dialogues, qui représentent beaucoup d’heures de jeu, il y a très peu d’assets pour chaque personnage. Nous ne les avons pas comptés, mais nous sommes sur moins de 10 par personnages aisément. Les musiques c’est la même chose, elles sont très bien, mais trop peu nombreuses, et se taper pendant 20h les mêmes 5-6 musiques en boucle c’est lourd, surtout qu’elles bouclent mal… On sent la coupure pour certaines.
Globalement, dans le jeu il n’est jamais fait mention de Monde Virtuel, ou même ne serait-ce que le mot Digimon. C’est un monde parallèle avec des Kemonogami, cela rajoute un peu cette sensation d’exploitation de licence dans le titre et ne pas s’embêter à créer des monstres originaux, alors on utilise une licence connue et appréciée et qui possède du coup déjà plein de monstres.
LEGER SPOILER CLIQUER POUR LIRE
Ils ont quand même réussi à placer Digimonde et Digimon dans les 10 dernières lignes de texte du jeu, vraiment avec cette sensation de placer les mots au dernier moment pour justifier le titre, on a un sentiment amer qui se rajoute à ce qu’on a subi tout le long !
Nous sommes quand même dans l’obligation, car c’est rare, surtout pour du Visual Novel, mais une traduction complètement en français est présente dans le titre. Nous regretterons quand même de faire partie des rares pays à ne pas avoir la version en boîte, nous sommes limités à la version digitale.
Qu’est-ce que c’est mou !
Pour terminer par le sujet qui fâche… Les combats. Comment décrire ces combats en un seul mot ? Ah oui : insipides. Il n’y a vraiment aucune profondeur de gameplay. Vous pouvez bouger, une fois que vous l’avez fait vous pouvez attaquer, au corps à corps gratuitement ou alors une attaque spéciale par Kemonogami qui coûte des SP. De plus, si vous n’attaquez pas alors vous allez vous défendre, mais uniquement de face, pas sur les côtés et encore moins de dos. Autant vous dire que le jeu ne vous laisse aucune possibilité de jouer tactiquement, il faut juste foncer et attaquer. Nous pourrions aussi rajouter que la transformation de nos Kemonogami au cours d’un combat sont réservés au « starter » de votre groupe, Agumon, qui pourra donc évoluer en Tyrannomon, Tricéramon ou encore WarGreymon. Plus le stade est élevé, plus le coût est élevé (il commence à 5 et augmente de 5 par niveau). De plus, ce coût est à payer chaque tour, mais autant vous dire qu’il est ridiculement bas. Surtout que si vous avez des alliés pas loin, il y a de grandes chances qu’ils vous redonnent des SP en fin de tour…
Les combats vont alors simplement consister à évoluer, avancer et faire votre plus grosse attaque, c’est tout. De plus, le jeu vous permet de faire les combats en mode auto. Plusieurs styles sont disponibles, mais vous aurez vite tendance à faire l’option la plus offensive qui n’hésite pas à évoluer et foncer. Vraiment c’est dommage, surtout que la difficulté est totalement absente, les boss d’histoire globalement sont tués en 2 ou 3 attaques, il n’y a donc aucun frisson, le tout même en mode difficile.
Vous pouvez recruter les Kemonogami que vous croiserez en combat libre ; à l’instar d’un Shin Megami Tensei, vous allez devoir lui parler, s’en suivent 3 questions de sa part qui auront 4 choix possibles. La réponse peut lui plaire ce qui augmentera une jauge de 2 points, le contenter 1 point, et sinon vous perdrez 2 points. Ce n’est pas toujours évident de deviner, mais surtout le nombre de questions, comme tout le reste du jeu, est très très faible, comme le reste nous dirions qu’il y en a une dizaine de disponibles et toujours avec les mêmes réponses (mais qui n’auront pas toujours le même contentement). Cerise sur le gâteau, le jeu ne vous incite vraiment pas à recruter des monstres. Vous pouvez en placer en général 6 par combat, et vous allez donc utiliser uniquement les « starters » de votre équipe. Ils peuvent parler 1x par combat, ce qui va augmenter les stats d’un autre Kemonogami. Cette action est en plus de ses actions de base, donc c’est un avantage non négligeable (Falcomon, par exemple, augmente la distance de déplacement d’un Kemonogami). Donc en dehors du plaisir de collectionner, ce n’est pas très intéressant, surtout que les Kemonogami de vos compagnons sont souvent imposés dans les combats d’histoire. Il ne faut pas négliger leurs entraînements, à la limite augmenter 2 ou 3 Kemonogami libres peut être utile, ils ont l’avantage qu’une fois évolués, ils le restent.
Conclusion
Dire que Digimon Survive est une déception après ces 4 années d’attente est un euphémisme : annoncé comme un T-RPG, nous avons finalement un Visual Novel. Cela aurait pu être génial quand même, le genre se prêtant plutôt bien à raconter une histoire basé sur un animé. Mais en dehors de l’aspect esthétique global, Digimon Survive flope sur presque tous les points. Les dialogues robotiques et sans âme, en passant par la fausse ambiance d’horreur qui ne prend pas, un récit qui se parodie en permanence en passant de l’angoisse à la tranche de vie classique, et ses choix qui finalement n’influent que sur une jauge visible qui détermine vos choix de chapitres finaux. Les phases de combat, aussi inutiles qu’ennuyeuses, sans parler de sa difficulté totalement absente. Nous lui accorderons quand même l’effort d’être sorti après tous ses reports, d’avoir une traduction complète en français, et une durée de vie plus qu’agréable pour ce genre de titres.
LES PLUS
- Entièrement en français…
- La direction artistique globale du titre…
- Retrouver la licence Digimon…
- Les musiques…
- L’ambiance « jeux d’horreur »…
- La durée de vie…
- Entièrement jouable en tactile.
LES MOINS
- … Mais pas en boîte chez nous !
- … Mais trop limitée en assets.
- … Mais sans jamais la citer, dommage !
- … Mais qui sont trop peu nombreuses.
- … Mais qui ne fait jamais mouche.
- … Mais qu’on sent artificiellement prolongée.
- Les phases de T-RPG proches de la catastrophe et de l’ennui total.
- Une difficulté totalement absente.
- Une écriture robotique et faiblarde.