La bataille semble faire rage entre les éditeurs Ratalaika et QUByte qui cherchent, depuis quelque temps, à déterrer le meilleur jeu rétro, pour pouvoir le dépoussiérer sur nos Nintendo Switch. Après Gynoug et Gleylancer pour le premier éditeur, suivi de The Immortal et The Humans pour le second, Ratalaika porte le prochain assaut avec Avenging Spirit, un jeu d’action/plateforme signé Jaleco et sorti en 1991 sur borne d’arcade. Une bonne pioche pour les joueurs que nous sommes, c’est ce que nous allons voir de suite.
Esprit, es-tu là ?
Si Gynoug et Gleylancer, les deux précédentes rééditions faites par Ratalaika, s’étaient déjà fait un petit nom, ou un grand pour les amateurs de Shoot’em Up, sur les consoles mégadrive, il en est bien différent pour Avenging Spirit. En effet, en dépit d’une version GameBoy sortie un an plus tard puis disponible via l’eshop de la 3DS, la version arcade sur laquelle nous allons poser les mains aujourd’hui n’a jamais eu le droit de fouler nos consoles de salon. Sa notoriété est donc bien plus faible que celle des deux précédentes rééditions de Ratalaika. Alors pourquoi un tel choix de la part de l’éditeur ? Ce titre est-il une pépite méconnue du grand public qui ne demande qu’à sortir de l’ombre pour nous éblouir ? En tout cas, pour l’époque, il avait de sérieux arguments.
Si cette réédition d’Avenging Spirit ne propose pas la version Gameboy, elle commence par nous offrir le choix entre la version japonaise, dénommée alors Phantasm, et la version internationale. Pas de grandes différences entre ces deux versions si ce n’est le langage. Une fois notre pays de destination choisi, nous pouvons choisir entre une version console et la version arcade d’origine. La seule grosse différence vient du fait que la version console propose de base un choix de difficulté.
Mais commençons par remettre les choses à leur place en évoquant le scénario d’Avenging Spirit. Dans celui-ci, le héros, c’est-à-dire le personnage incarné par le joueur, meurt. Voilà, point final. Mais ce n’est pas tout, non seulement il meurt, tué lamentablement par des voyous envoyés par le syndicat du crime, mais en plus sa petite amie, Gennifer, se fait capturer par le susmentionné groupuscule maléfique. Bref, un lancement digne de dépressif world.
Mais rien n’est perdu, car le père de Gennifer, qui semble avoir un minimum d’amitié pour le copain de sa fille et qui, surtout, possède un doctorat en parapsychologie, maîtrise l’énergie fantomatique, ce qui en réfléchissant un peu explique pourquoi sa fille a été prise pour cible et pourquoi nous sommes, mais passons. Beau papa donc, va nous permettre de revenir, sous la forme d’un esprit vengeur pour libérer notre chère et tendre de sa prison. Et pour cela, nous allons pouvoir prendre possession du corps de nos ennemis !
L’esprit dans la machine
La promesse est énorme et rappelle un autre titre : Messiah de Shiny Entertainment, sorti en 2000 sur PC. En effet, dans ces deux titres, nous incarnons un frêle être qui ne peut rien faire tant qu’il ne possède pas une enveloppe charnelle. Nous allons donc devoir emprunter, jusqu’à ce mort s’ensuive, celle de nos opposants. Chaque ennemi qui parcourt le niveau, et nous disons bien chaque ennemi, est un réceptacle potentiel pour notre fantôme. Les possibilités semblent infinies, et si Messiah allait, 9 ans plus tard, bien plus loin dans le délire, Avenging Spirit propose déjà de nombreuses choses.
Nous commençons notre aventure en prenant possession de l’une des quatre formes de départ, une bagarreuse, un commando, un… moine ou un truc bizarre pour lequel nous ne trouvons pas de nom équivalent. Chaque personnage a des qualités qui lui sont propres. Ainsi, la bagarreuse se déplace bien plus vite que le commando, mais ce dernier tire des balles sur une grande largeur de l’écran, tandis que notre précédente conquête se contente d’une frappe au corps à corps. Qu’allons-nous privilégier ? De notre façon de jouer dépendra notre décision. Une fois en jeu, nous allons devoir gérer deux jauges. La barre d’énergie de notre fantôme et la barre de vie de notre forme physique. La barre de vie est classique, dès que notre avatar prend un coup, celle-ci baisse. Une fois à zéro, il décède et notre fantôme se trouve alors libéré de sa prison de chair. C’est alors sa barre d’énergie qui diminue tant qu’il n’a pas trouvé de nouveau corps à posséder.
Sous cette forme, il peut traverser les murs et le niveau pour retrouver un réceptacle. L’impression de toute-puissance est importante dès le début du jeu, nous ne craignons rien… jusqu’au moment où nous nous rendons compte que malheureusement, les coups encaissés par notre forme physique font aussi baisser notre jauge d’énergie. Contrairement à Messiah qui nous autorisait à maltraiter notre vaisseau de chair, puis à passer en mode furtif pour en adopter un nouveau, Avenging Spirit nous oblige à en prendre soin. Pire, une fois capturé, il faut obligatoirement que celui-ci meure pour le quitter.
De ce fait, les changements de peau sont assez rares et sont dictés par la nécessité plus que par l’envie. Nous ne sommes jamais totalement libres de choisir l’enveloppe qui nous plaît le plus, nous devons toujours parer au plus pressé pour éviter de mourir bêtement à court d’énergie fantomatique. Heureusement pour nous, joueur du futur, les versions proposées par cette réédition nous offrent une palette de possibilités pour nous faciliter la tâche. Choisir la version console signifie avoir une infinité de continue, ce qui est aussi le cas de la version arcade vu qu’il suffit d’appuyer sur le bouton du stick gauche pour en ajouter un.
Mais il est où Captain America ?
Ces deux versions possèdent aussi une option Rewind. Celle-ci n’est pas forcément la plus utile au vu des capacités de notre fantôme et des continus dont nous disposons à la pelle. Si les deux versions possèdent aussi un choix de difficulté parmi quatre, la petite surprise vient de la version arcade. En effet, sur celle-ci, les DIP Switchs, des interrupteurs présents sur les cartes d’origines, sont émulés. Grâce à ceux-ci, nous pouvons modifier notre expérience de jeu en retrouvant les possibilités prévues de base sur les bornes.
Pour libérer notre ex-promise, car à l’heure actuelle la législation est assez clair et contre sur les relations fantôme/humain, nous devons parcourir six niveaux sans aucun lien les uns avec les autres. Chaque niveau se termine par un combat de boss et dans un niveau sur deux, une clé sera cachée. Pour sauver Gennifer, il faudra non seulement défaire le boss final, mais aussi avoir mis la main sur les trois clés, sous peine d’avoir droit à la mauvaise fin. Une idée intéressante pour l’époque, d’autant plus que les niveaux, sans être très grands, offrent de multiples chemins et sont agréables à parcourir.
Les graphismes, dans un pixel art caractéristique de cette époque, sont très colorés et détaillés. Nous déambulons dans des décors très agréables à parcourir et nos ennemis ont droit à des sprites de belle taille et bien animés. Chacun possède des capacités différentes, du cyborg lanceur de missiles au yogi capable de voler dans les airs, il y en a pour tous les goûts, sauf que justement cette diversité n’a aucune cohérence. Dès le début du jeu, et ce jusqu’à la fin, les ennemis croisés sont de toutes sortes sans avoir aucun lien avec le niveau en cours. Ainsi nous croiserons un lézard cracheur de feu en pleine ville ou un yogi dans une usine.
Ces graphismes disposent toujours de plusieurs filtres, mais encore une fois, ceux-ci sont complètement inutiles et ne viennent en rien apporter une petite touche de modernité ou un quelconque lissage sur nos écrans. Les plus farfelus s’amuseront cinq minutes avec le filtre CRT ajoutant les lignes de nos vieux écrans cathodiques, mais ils désélectionneront vite cet ajout gadget.
Pour la prise en main, nous sommes face à un action/plateformer classique sans grande différence, en termes de mécaniques classiques, avec ce que propose la concurrence de l’époque : une touche de saut dont la hauteur dépend de la durée de l’appui et une touche d’attaque. Seul le mode deux joueurs est une réelle déception vu que ceux-ci ne sont jamais présents simultanément à l’écran, mais jouent alternativement leur partie.
Conclusion
Pour 6 €, Ratailaika nous propose une réédition d'Avenging Spirit solide qui permet, à tous ceux n'ayant pas connu cet action/plateformer arcade lors de sa sortie en 1991, de découvrir un titre aux mécaniques originales. La possibilité de prendre possession de n'importe lequel de nos ennemis est parfaitement réalisée, avec cerise sur l'ectoplasme, des ennemis aux capacités bien différentes. Il lui manque toutefois une vraie cohérence dans son chara-design et une liberté impossible à marier avec les codes de l'arcade de l'époque pour en faire un must-have. De plus, son mode deux joueurs n'existe que sur le papier. C'est toutefois une bonne découverte pour les amateurs de retrogaming à la recherche d'expériences méconnues.
LES PLUS
- Les graphismes en pixel art sont très colorés et détaillés
- Les sprites des personnages sont de belle taille
- La musique est bien punchy et se renouvelle à chaque niveau
- La prise en main est immédiate et simple
- L'exploration obligatoire pour obtenir la vraie fin ajoute de l'intérêt
- Le gameplay à base de possession fonctionne très bien
- Chaque ennemi a des capacités différentes
- Les options disponibles sont nombreuses et complètes pour le genre
LES MOINS
- Le chara-design est un grand foutoir sans cohérence
- Il est quasi impossible de choisir son avatar, sauf au tout début du jeu
- Le mode deux joueurs est une vaste supercherie
- Les continus infinis rendent le titre assez court
- Il manque toujours des filtres graphiques dignes de ce nom (même si pour le coup ceux-ci ne sont pas nécessaires)