Il y a des jeux pour lesquels nous n’étions pas prêts. Des jeux qui nous scotchent à nos Joy-Con sans prévenir et qui font défiler les heures sans que nous ne nous en rendions compte. Et le dernier titre du couple de développeurs canadiens formant le studio Northway Games, à savoir I was a Teenage Exocolonist, fait clairement parti de ces jeux. Mais arrive maintenant la lourde tâche consistant à vous fournir un compte-rendu à la fois exhaustif, mais surtout objectif, pour être capable de voir les défauts d’une œuvre aussi marquante.
Ground Control to Major Tom
Tout commence à bord du vaisseau Hélios. Nous naviguons à son bord dans un univers froid empli d’étoiles pour fuir la planète Terre et coloniser une nouvelle planète. Pour cela, nous allons devoir traverser un trou noir et comme forcément, dans ces cas où l’homme tente de rivaliser avec les monstres de la gravité, les choses ont tendance à plutôt mal tourner. Enfin, compte tenu du phénomène physique, nous nous en sortons plutôt bien, puisqu’à part une légère commotion cérébrale, sans doute vectrice de nos drôles de rêves durant notre évanouissement, nous nous réveillons frais et dispo sur notre nouvel astre de résidence.
Commence alors une aventure faite… Eh bien, faite de beaucoup de choses. Il y aura de la lecture, des décisions parfois lourdes de conséquences, de l’exploration, du jeu de cartes, du roleplay, le tout dans une boucle temporelle qui va permettre de démultiplier la durée de vie d’un titre qui est loin d’avoir tout montré lors de la première session, bien que celle-ci ait duré plus d’une quinzaine d’heures. Mais avant de revenir sur le premier point de la narration, précisons que le titre du couple Northway ne se laissera apprécier que par les joueurs ayant une très bonne maîtrise de l’anglais, et c’est bien le seul reproche que nous lui ferons.
L’histoire que nous allons vivre est le point névralgique d’I was a Teenage Exocolonist, et nous en sommes le principal acteur. Cette narration se fait sous forme de texte, affiché à droite de l’écran. Très régulièrement, une fois notre lecture terminée, nous allons devoir choisir entre plusieurs possibilités de réponses. Ces textes sont extrêmement bien écrits et nos réponses sont toujours claires. Nous savons parfaitement dans quel état d’esprit est notre personnage et quelles seront les implications que vont avoir nos choix. Jamais nous ne sommes pris par surprise par nos propres décisions. À nous d’en assumer les conséquences, certes, mais celles-ci sont facilement devinables.
Les sujets abordés sont variés, profonds, et ne tombent jamais dans la surenchère. Recommencer une vie, alors que l’on a tout juste dix ans, sur une planète sauvage est un défi qui laisse forcément beaucoup de place aux aléas du destin. Nos compagnons de voyage, qu’ils soient adultes ou, comme nous au début de cette histoire, adolescents, risquent leur vie à chaque instant, et il n’est pas rare qu’un accident vienne endeuiller notre communauté. Là encore, le choix nous est laissé sur la façon dont nous allons gérer ces événements. Le repli sur soi ou l’acceptation sont deux possibilités parmi d’autres.
Mais ce n’est que le premier des thèmes qui seront abordés dans ce récit prenant. La politique, la conquête, la découverte d’une culture extraterrestre ou la santé mentale en sont d’autres que nous ne rencontrerons pas forcément lors d’une session de jeu, car chacun de nos choix, ainsi que nos réussites et échecs, auront une influence sur la suite de notre parcours. Et c’est ainsi que vingt-neuf fins différentes sont possibles. Celles-ci dépendent de nos compétences, de relations amoureuses, et donc de nos choix.
Commencing countdown, engines on
Si au premier abord, I was a Teenage Exocolonist propose des mécaniques et une narration que nous pouvons trouver dans de nombreux Visual Novels, sa forme est bien différente. À la manière d’un RPG, nous déplaçons notre avatar sur la planète Vertumna. Nous pouvons ainsi aller à la rencontre de nos compagnons pour engager une discussion avec eux. Nous avons ensuite, exocoloniste oblige, à nous choisir une tâche pour le mois en cours. Allons-nous aider nos parents à l’unité d’exobiologie, ou préférerons-nous travailler à l’intendance ou avec les gardes ? Notre liberté est totale et rien ne nous empêche de panacher nos décisions.
Chaque travail nous apporte un certain nombre de points dans l’une des quinze compétences disponibles. Celles-ci sont réparties en trois catégories. Les compétences sociales comme l’empathie ou la bravoure, les compétences intellectuelles comme l’ingénierie ou la biologie, et enfin les compétences physiques comme la force ou le combat. Chaque compétence commence à zéro et se termine à cent, possédant trois paliers intermédiaires. Chaque palier atteint nous octroie une récompense sous forme d’un bonus lors du jeu de cartes, ou de choix de dialogues plus conséquents.
En fonction de nos points de compétences, nous débloquerons ainsi des arcs narratifs différents qui auront des répercussions importantes sur notre aventure et sur nos relations. De ce point de vue, bien que nos décisions aient des conséquences prévisibles, le scénario est suffisamment bien construit pour ne jamais se laisser deviner à l’avance. Là encore, plusieurs cheminements existent, et nous pouvons facilement refaire deux ou trois parties, soit plusieurs dizaines d’heures de jeu, sans retrouver la même trame.
Mais nos choix ne sont pas les seuls éléments qui interviendront dans notre progression : notre capacité à jouer correctement au jeu de cartes proposé aura aussi son importance. En effet, chaque mois et lors d’événements spéciaux se déclenchera une nouvelle partie du gameplay prenant la forme d’un mini jeu de cartes. Il nous faudra atteindre un score prédéfini par un niveau de difficulté en alignant correctement les cartes tirées de notre deck. Ces cartes seront de trois couleurs, représentant simplement les trois catégories que sont le social, en jaune, le raisonnement, en bleu, et le physique, en rouge.
Si chaque carte possède une valeur intrinsèque, réussir des alignements de même couleur ou de même valeur nous apporte aussi des points, tout comme les mettre dans une suite croissante. Mais ce n’est pas tout. En effet, beaucoup de ces cartes ont un effet supplémentaire, tel ajouter un point si la carte de gauche est une carte bleue. Et ce n’est toujours pas tout, car c’est maintenant que la partie exploration, ainsi que nos choix de discussions vont avoir leur mot à dire dans cette partie du gameplay.
Il est tout à fait possible de sortir de l’enceinte protectrice de notre ville pour aller explorer notre environnement. Là aussi, le scénario se charge de rendre la chose crédible et nos choix auront un impact sur la façon de sortir. Ces découvertes de ce qui nous entoure s’accompagnent de la récolte d’éléments, tels un œuf ou une plante. Ces items peuvent ensuite être utilisés à diverses occasions. Lors d’une discussion, ils permettent d’améliorer notre amitié avec notre interlocuteur, tandis que lors des parties de cartes, ils ont des effets comme ajouter un à une carte et la changer en carte rouge. Cela ajoute encore un peu plus de tactique et de diversité à ces moments qui vont régir une bonne partie de notre progression, car réussir ces petits challenges signifie gagner davantage de points de compétences.
Chaque action que nous effectuons nous coûte une certaine quantité de stress. Très régulièrement, pour faire redescendre cette jauge, nous devons prendre un mois de repos. Nous avons alors la possibilité de jeter deux cartes de notre deck pour l’optimiser. Et c’est bien pratique, car avec plus de 250 cartes disponibles, il est facile de se retrouver avec des cartes de valeur un, soit les cartes de départ, alors que nous venons d’obtenir des cartes de valeur six, bien plus efficaces pour réaliser les gros scores de fin de parties.
And I think my spaceship knows which way to go
Avant de terminer par la partie technique de ce test, insistons sur le fait que toutes les mécaniques mises en place par les développeurs de Northway Game sont cohérentes et liées entre elles. La narration nous donne envie de développer notre personnage. Ce développement passe par des compétences qui s’améliorent grâce à nos choix et aux jeux de cartes, cartes que nous récupérons via des interactions qui, à leur tour, ont une influence sur la narration. La cohérence de cet ensemble n’est jamais prise en défaut, et à aucun moment nous nous retrouvons à farmer bêtement une compétence ou à effectuer un choix incohérent.
Mais ce qui vient rehausser encore ce gameplay, c’est la réalisation d’I was a Teenage Exocolonist. La partie graphique, notamment, est une pure merveille. Entièrement dessinés à la main, les décors qui nous accueillent durant notre aventure sont somptueux. Nous déambulons dans des environnements aux tons pastel à la fois doux et poétiques. Ces décors varient aussi bien en fonction de notre position, mais aussi en fonction de la saison. Ils se réinventent régulièrement et la dernière nuit de l’année, le soir du Glow, c’est dans un tableau luminescent magnifique que nous évoluons.
Les personnages qui nous accompagnent ne sont pas en reste. Nous les voyons évoluer durant les dix années que dure notre épopée. Les enfants deviennent peu à peu des adolescents, puis des adultes, tandis que les adultes glissent lentement vers un âge plus avancé. Les changements des jeunes protagonistes sont particulièrement marquants et réussis. Là encore, ces avatars sont entièrement dessinés à la main, et le résultat est à la hauteur du reste du titre.
La bande-son, si elle est un cran en dessous du reste, n’est pas pour autant anecdotique. Les quelques mesures de piano qui nous accueillent laissent la place à des mélodies douces et relaxantes qui peuvent, lors des moments de tensions, se montrer bien plus angoissantes. Les pistes s’adaptent toujours à ce que nous vivons à l’écran, et notre seul regret est un léger manque de variations lors des nombreux moments de lecture.
Terminons en évoquant les contrôles. En nomade, nous avons la possibilité de jouer soit aux Joy-Con, soit en tactile. Si les manettes de nos Switch remplissent parfaitement leurs rôles dans les phases de dialogues et d’explorations, elles sont moins optimisées durant les phases de cartes et nous avons préféré, dans ce cas, améliorer encore l’ergonomie proposée en utilisant les fonctionnalités tactiles de l’écran. Quoi qu’il en soit, aucun problème de prise en main n’est jamais venu ternir notre expérience de jeu.
Conclusion
En mélangeant des mécaniques de RPG narratif avec celles d’un jeu de cartes, I was a Teenage Exocolonist propose une expérience hautement addictive à la narration, orientée science-fiction, incroyablement réussie. Les thèmes abordés sont variés et ne tombent jamais dans la facilité. L’incroyable cohérence de toutes les mécaniques mises en place, ainsi que le somptueux rendu graphique, est une grande réussite du studio canadien Northway Game. Il est juste dommage que seuls les joueurs maîtrisant correctement la langue de Shakespeare puissent en profiter.
LES PLUS
- Les graphismes sont éblouissants et se renouvellent régulièrement
- Le chara design évolue tout au long de notre aventure
- La narration aborde des sujets parfois très difficiles sans jamais tomber dans le pathos
- La bande-son s’adapte toujours à la situation
- Nos choix ont un réel impact sur notre aventure
- Le système de compétences fonctionne parfaitement
- Le jeu de cartes est intéressant sans être prise de tête
- L’écriture des textes est de qualité
- Tous les dialogues sont cohérents
- L’ajout du tactile améliore la prise en main des phases du jeu de cartes
- La durée de vie est vraiment très grande avec une première session d’une vingtaine d’heures
- La rejouabilité est assurée par les vingt-neuf fins possibles
LES MOINS
- Il faut aimer lire
- Il faut avoir une bonne maîtrise de l’anglais
Merci pour ce test !!!
This is ground control to Major Tom,
You’ve really made the grade