Lorsque nous avons apprécié un titre sur un autre support et que celui-ci est porté quelques années plus tard sur nos Nintendo Switch, il est souvent difficile de se faire un avis objectif et neutre. En effet, console portable oblige, les développeurs se doivent de faire avec des limitations bien plus grandes que sur un PC de plusieurs kilos. Mais il nous est aussi impossible de négliger le fait que cette console soit aussi capable de faire tourner des œuvres dans des mondes ouverts à la fois immenses et magnifiques tels ce que propose Monolith avec sa série des Xenoblade Chronicles. Et c’est ici que pointe le bout de son nez Dungeons 3. Un jeu, certes, loin d’être parfait, mais qui avait su attirer un public friand de gestion, de STR et d’une bonne grosse dose d’humour. Le voir débarquer sur nos Switch, peu avant la sortie d’un nouvel épisode est donc une bonne nouvelle, mais c’est aussi frileusement, par peur de la déception, que nous avons pu le prendre en main pour vous livrer maintenant nos impressions.
Warcraft Keeper
Pour comprendre le plaisir que le joueur éprouve lorsqu’il démarre une partie sur un jeu de la série des Dungeons, il faut remonter le temps d’une bonne vingtaine d’années et s’arrêter tout d’abord en l’an 99 du siècle dernier. C’est en effet, lors de cette année, qu’est sorti le second et dernier épisode de la franchise des Dungeon Keeper. Une série qui avait marqué son époque ainsi que le genre des jeux de gestion en nous proposant de gérer et développer un antre du mal. Véritable pastiche des jeux du genre et à la narration prenant part dans un monde de fantasy, il offrait aussi et surtout un gameplay solide et divertissant avec en plus un mode online. Bref, une référence du genre toujours d’actualité.
Notre second arrêt sur cette autoroute de la mémoire concerne l’année 2002 et la sortie de Warcraft III, un titre qui fût sans doute, avant l’avènement de Starcraft 2, le STR, ou le jeu de stratégie en temps réel, le plus important de la scène vidéoludique. Pourquoi évoquer ces titres ô combien importants dans l’histoire de notre média eh bien tout simplement, car la série des Dungeons tente depuis 2010 de mixer ces deux titres pour nous offrir une expérience à la fois unique et prenante. L’opération est d’autant plus importante que nous sommes orphelins de titres tels Dungeon Keeper depuis son épisode 2 et de STR de qualité depuis que Starcraft 2 a phagocyté l’ensemble de la production.
Mais à vouloir jouer sur les deux tableaux, il est forcément difficile de combler l’ensemble des attentes des fans des genres précédemment cités. Et nous allons donc continuer ce test en évoquant le public cible de ce Dungeons 3. Oui la partie gestion, sur laquelle nous reviendrons plus en détail, est édulcorée par rapport à des titres tels le récent TwoPoint Campus et oui, la partie STR est forcément inférieure à celle de Starcraft. Quel est l’intérêt de Dungeons 3 du coup ? Eh bien il tient dans le mélange des deux genres ainsi que dans sa narration.
Welcome to pastiche Land
Tout commence dans un monde entièrement conquis par le Mal absolu et cela commence fortement à l’agacer, car plus rien ne vient égayer ses journées, pas le moindre héros à l’horizon, même le molestage de ses propres monstres ne lui apporte le moindre plaisir ; bref, il n’est pas loin de la dépression et ses troupes commencent sérieusement à s’inquiéter… En fait non, elles vivent ce moment de détente plutôt bien. Mais heureusement, grâce à un ressort scénaristique, nous allons pouvoir de nouveau étendre le territoire des forces du mal et c’est bien le principal.
Pour nous expliquer les tenants et aboutissants de cette histoire, un narrateur nous accompagne tout au long de nos parties. Ces lignes de dialogues sont toujours tournées vers la dérision et il est rare qu’elles ne parviennent pas à nous tirer un petit sourire, voire plus. En nous appuyant sur les univers les plus connus de la Fantasy tels celui du Seigneur des Anneaux pour la littérature ou celui de Diablo pour le jeu vidéo, nous avons droit à une avalanche de blagues qui brise régulièrement le quatrième mur. Entièrement traduit et doublé en français, il suffit de désactiver les sous-titres pour profiter de ces textes sans perdre en lisibilité à l’écran.
Aucun sérieux n’est à attendre de Dungeons 3, les protagonistes sont des caricatures de ce que nous pouvons retrouver dans la fantasy et les enjeux ne sont jamais très importants. Mais c’est aussi pourquoi il est plaisant de le prendre en main. Nos parties s’enchaînent facilement et il n’est pas nécessaire de posséder un bac+3 pour se remémorer des éléments principaux de l’histoire. Notre quête est découpée en chapitre, chacun étant synonyme de mission. Arriver au bout des vingt chapitres demandera un temps de jeu conséquent et il est toujours possible de refaire une mission, en mode infernal ou non, pour tenter de débloquer les succès.
Cette version Switch contient de plus les trois DLC sortis, ce qui ajoute donc plusieurs chapitres se déroulant après les événements de la quête principale. Il ne faut toujours pas s’attendre à un minimum de sérieux dans ces add-ons, ils sont d’abord là pour ajouter de nouvelles missions et de nouvelles cartes à celle que nous connaissons déjà. Ils nous permettent aussi de parodier d’autres univers connus de la fantasy.
Gestion et combats en mode alternatif
Mais il est temps de rentrer dans le cœur du gameplay. Celui-ci est découpé en deux phases liées aux deux mondes que nous allons devoir explorer. Le monde souterrain nous offre une vaste aire de jeu dans laquelle nous allons pouvoir aménager comme nous l’entendons notre donjon. À nous les joies de la destruction de roche pour faire une place nécessaire à la création de salles dédiées, entre autres, au stockage de nos trésors, à la création d’un stock de nourriture, au repos de nos troupes et bien d’autres lieux propices à l’épanouissement de nos monstres.
Les paramètres entrant en compte pour améliorer le rendement de nos unités sont assez simples et il est rare de perdre une partie suite à une mauvaise gestion de notre donjon. Pour débloquer de nouvelles salles, il nous faut toujours passer par la case recherche. Celles-ci nous coûtent des ressources de deux types, l’or et la malfaisance. Si l’or se récolte facilement en forant dans ce monde souterrain, la malfaisance demande des conquêtes dans le monde supérieur.
Arrive alors la seconde phase de gameplay. Notre donjon commençant à prendre forme, nous pouvons envoyer à la surface nos premières troupes. Nous commençons alors à prendre part à des combats similaires à ceux proposés par les STR. Nous sélectionnons nos troupes et les envoyons combattre contre les unités ennemies, la différence étant que la partie construction se fait dans un autre monde. Des passages existent entre ces deux mondes et il n’est pas rare que des héros tentent de venir détruire notre cœur de donjons. À nous alors de renvoyer nos troupes de la surface ou de prévoir des unités en réserve, via une salle de garde par exemple.
L’ensemble de ces deux phases offre un gameplay assez équilibré qui nous demande de changer régulièrement de monde pour optimiser notre avancée. Les alertes mises en place lorsque notre donjon est attaqué sont efficaces et une bonne préparation du type salle de garde + pièges permet, par la suite, de se dédier à notre progression à la surface. Toutefois, nous nous rendons vite compte que cette boucle de gameplay se répète très vite. Les surprises rencontrées en créant notre donjon sont toujours les mêmes et les missions, en dehors de la narration, sont assez similaires d’une mission à l’autre tout comme les combats. Ainsi, le même équilibrage entre nos unités d’attaque au corps à corps, d’attaque à distance et de soin suffit largement pour mener à bien l’ensemble de nos missions à la surface.
Un portage mi-figue mi-raisin
En résumé, sans atteindre les sommets des jeux du genre, Dungeons 3 sait se montrer suffisamment intéressant sur ces deux aspects pour nous permettre de nous amuser et voir venir tranquillement la fin de son mode histoire et de ses DLCs. Pour le reste du contenu, nous restons sur notre faim. Il y a tout d’abord les fonctionnalités online qui ont complètement disparu de notre version Switch. Alors si pour l’aspect versus il est difficile de le regretter, l’aspect coopération du mode histoire est un manque bien plus gênant.
Par contre, la mise en place de raccourcis aux Joy-Con est l’une des grandes forces de cette version. Il est bien sûr impossible de rivaliser avec le combo clavier/souris ; toutefois, il est très facile de réaliser l’ensemble des actions nécessaires à la bonne marche de nos missions. Que nous soyons en mode gestion ou en mode STR, il est toujours très rapide aussi bien de sélectionner nos unités ou de construire une salle. La partie STR était notamment la plus périlleuse. La touche ZL accompagnée des flèches directionnelles nous permet de choisir soit l’ensemble de nos troupes, soit l’ensemble des troupes au corps à corps, soit notre héroïne. C’est simple, mais efficace et largement suffisant compte tenu de la faible quantité de monstres que nous pouvons créer en même temps.
Les graphismes cartoons dans le style Warcraft III fourmillent de détails ; toutefois, force est de constater que cette version Switch souffre d’une définition relativement faible, notamment en docké. Le résultat est alors plutôt flou et très loin de la version PC. En nomade, le constat s’adoucit forcément et le rendu est bien plus agréable. Mais le vrai gros problème de cette adaptation concerne les microchargements qui viennent freezer notre écran bien trop souvent. Même le menu de lancement souffre de ce problème lorsque nous sélectionnons une mission ou que nous changeons de cartes en mode escarmouche. C’est vraiment désagréable de devoir attendre que le jeu se stabilise et cela nuit au plaisir, surtout que les allers-retours entre les deux mondes sont nécessaires et réguliers.
Conclusion
Avec son mélange de gestion et STR simplifié, mais efficace et sa narration misant tout sur la dérision, Dungeons 3 est un titre qui mérite d’être découvert ne serait-ce que pour nous rappeler aux bons souvenirs de Dungeon Keeper. Il est toutefois dommage que notre version de test souffre d’autant de microchargements qui freezent trop souvent notre écran, car le travail de portage réalisé sur l’interface et les contrôles permet une prise en main optimale sur console. De même si les graphismes sont détaillés, cette version Switch est bien trop floue, notamment en docké. Il faut espérer que le prochain épisode saura reprendre les réussites de ce portage tout en corrigeant ses petits défauts.
LES PLUS
- Les graphismes sont colorés et détaillés
- Les musiques sont agréables tout au long de nos aventures
- Le mélange de gameplays gestion et STR est efficace
- Le narrateur est très drôle
- Les clins d’œil à la culture Fantasy sont légion
- La prise en main est très facile et complète grâce aux raccourcis mis en place
- L’ensemble des DLCs est fourni de base
LES MOINS
- La gestion de notre donjon est assez simpliste
- Tout comme la partie STR qui manque cruellement de challenge
- Les situations ne se renouvellent que trop peu
- Mais pourquoi avoir supprimé le mode coop online de cette version ?
- Le prix de base de 40 € est plutôt élevé face à celui du PC