Alors que le deuxième épisode est sorti depuis quatre ans, la Switch accueille un remake moderne du QUBE originel paru en 2012 sur PC. Pour ceux qui ne se souviendraient pas, le premier QUBE avait fait parler de lui avec son concept (le cube dans tous ses états), mais aussi en étant le meilleur jeu du moment surfant sur la vague du phénomène Portal. Entre les 2 jeux, l’un s’inspirant de l’autre, nous retrouvions les même marqueurs : un décor à la fois élégant et futuriste, une vue subjective comme dans un FPS (nos mains agissent à distance sur le décor), une suite de salles comme autant de puzzles 3D, et aucun ennemi en vue.
Ne cherchez pas une raison, cherchez une issue
Cette édition anniversaire est l’occasion de nous perdre de nouveau dans cet immense complexe, un dédale fait de cubes – des cubes partout – et surtout des cubes de couleur que nous déplacerons, à la manière d’un Jedi, par la force de la pensée, nos mains agissant à distance. Nous verrons que nous pourrons allonger ces fameux cubes pour en faire des plateformes, ce qui s’avère bien pratique pour passer divers obstacles. Dans des emplacements vierges dédiés, posés là et jamais par hasard, dans le décor, nous pourrons positionner ces blocs de cubes, chacun de ces blocs ayant une couleur spécifique à une fonction. La barre rouge, unique, s’allonge, les trois barres jaune jouent les escaliers, le cube vert se désolidarise de sa base pour vivre sa propre vie…
Deux versions du jeu nous sont proposées ici : le jeu d’origine upgradé graphiquement, doté de nouvelles transitions entre les puzzles, et économe en mots et en explications ; et la version Director’s Cut (parue initialement en 2014 avec les sorties consoles) qui affuble l’aventure d’une voix off et d’un brin de scénario. Nous aurons droit également au secteur 8, qui se débloque une fois l’aventure principale terminée et qui va littéralement, par sa longueur et sa difficulté, doubler votre temps de jeu.
Le mieux, l’ennemi du bien ?
Au jeu des différences avec le jeu d’origine de 2012, les transitions entre les salles ont été rallongées, et améliorées, donnant le sentiment d’un endroit plus vaste encore et plus labyrinthique que jamais. En résulte un petit effet de mise en scène vraiment pas désagréable.
Les graphismes ont aussi gagné en textures et en détails, les murs blancs d’avant se voyant tapissés de teintes donnant plus de relief à l’ensemble mais faisant perdre, du même coup au passage, la particularité et l’élégance de l’ensemble. Le minimalisme paraissait en effet volontaire à l’époque, cette version moderne attesterait que « non ». À l’époque, ils n’avaient juste pas les moyens.
La même question se pose par rapport à ce scénario, sorti du chapeau comme le lapin, que nous réserve la version Director’s Cut: ce que nous gagnons en explication de texte en 2014, nous perdons ce qui faisait tourner l’imagination à plein régime en 2012. En effet, les questions se bousculaient dans la tête de chacun à l’époque : étions-nous humains ? Quel était donc ce complexe dans lequel nous étions enfermés ? Pourquoi tant de cubes ? L’abstraction proche de celle d’un Rez faisait merveille et le mystère était complet. Nous étions libres d’interpréter et de ressentir l’étrangeté de notre aventure dans un monde géométrique.
Et pourtant, QUBE reste QUBE, c’est à dire un très bon jeu de puzzles. De plus, les joueurs qui découvrent la version Director’s Cut en premier n’auront pas l’occasion d’être chafouins : elle n’est pas mauvaise en soi, l’histoire se laisse suivre même si elle ne bouleversera personne. Et puis, la première expérience reste souvent la meilleure, car c’est celle de la découverte.
Puzzles en série
Les puzzles se suivent, salle après salle, mais ne se ressemblent que rarement le long des 7 secteurs qui constituent la trame du jeu d’origine et celle du Director’s Cut. La variété est de mise, avec des puzzles qui présentent des formes différentes et qui se complexifient avec l’adjonction de nouveaux éléments jouant sur la physique : cube-ressort nous faisant faire des bonds, bille qui roule, rotation des décors, magnétisme, rayon lumineux activant des mécanismes… Notons, en aparté, que les séquences dans le noir présentes dans le QUBE original ont ici totalement disparu (pour d’obscures raisons) et que des puzzles ont été soit ajoutés, soit modifiés.
QUBE n’est pas le jeu le plus long ou le plus dur qui soit, mais ne vous attendez pas non plus à une ambiance relaxante à la cool. La musique, discrète et glacée, vous mettra la puce à l’oreille : vous êtes seuls dans cette immense prison mouvante et personne ne vous entendra crier face à l’échec répété.
À l’inverse de beaucoup de jeux de puzzles, dénouer un casse-tête n’est pas suffisant pour progresser. Les puzzles se présentent en effet souvent en 2 étapes : celle de résoudre l’énigme pour ouvrir la porte, ET celle d’atteindre par tous les moyens la porte que vous venez d’ouvrir. Et c’est là qu’il faudra faire preuve de dextérité et de créativité pour atteindre une sortie qui se trouve souvent à des endroits semblant inaccessibles. Une situation empêchant de savourer le fait d’avoir trouvé la solution à l’énigme auparavant. Sur certains niveaux, les plus relevés, ça en devient presque frustrant.
D’autres passages relèvent du platformer légèrement vicieux, en nous réclamant un timing précis et une organisation sans faille. Du try and retry qui peut refroidir l’ambiance. Cela rajoute une sensation d’oppression diffuse et définitivement étrange pour un jeu qui, nous le rappelons, n’a pas d’antagonisme ou de danger.
La version Switch en souffrance
Si QUBE reste et restera, sous sa forme « remake », un très bon jeu de puzzles avec une durée de vie honorable (8 à 10 heures de jeu, secteur 8 inclus), nous sommes dans l’obligation de signaler que ce portage sur Switch souffre techniquement, surtout en mode docké, le mode portable masquant légèrement ces – énormes – défauts. Le premier contact est d’ailleurs perturbant, car le jeu cumule tous les problèmes rencontrés dans les mauvais portages que l’on trouve sur Switch.
Quand tout est lumineux, le flou indistinct tout au fond plonge notre regard dans une vague flaque d’eau quand l’aliasing tranche en permanence d’une méchante brisure toutes les lignes de ce monde géométrique. La résolution est faiblarde : dans les lieux un peu sombres, les gros pixels mouvants n’hésitent pas à nous attaquer la rétine. La cinématique finale est même digne de celles qui pixellisaient outrancièrement sur Mega-CD… Et nous ne pensons pas que ce soit voulu pour un effet retro. Pendant le jeu, il faudra se concentrer sur les premiers plans et la fameuse direction artistique, « cubesque » et inspirée, pour ne pas avoir les yeux qui pleurent dans tous les sens du terme.
Pour ce qui est du maniement, nous retrouvons des commandes qui exigent parfois de la précision que le jeu ne nous octroie pas aussi facilement. Faute à nos propres mains qui nous gâchent la vue ou à cette sensation de flottement, désagréable, lorsque nous sautons. Nous avons assez peu de feedback (sonore notamment) lorsque nous atterrissons sur une surface en dehors d’une chute de plusieurs mètres qui occasionne une animation et une vibration adéquates. Ce ne sont pas des défauts propres à la version Switch et ils ne sont pas rédhibitoires (rien ne vous fera abandonner de rage), les commandes se basant sur l’utilisation des gâchettes restant simples et intuitives.
Conclusion
Remake moderne, QUBE 10th Anniversary joue au petit jeu des sept différences avec le jeu original de 2012. Les ajouts ne sont pas tous incontournables, mais ils permettent tout de même d'avoir la sensation de jouer à un tout nouveau jeu, une version 1.5 en quelque sorte. Pour les connaisseurs, qui découvriront le secteur 8 totalement inédit, comme pour les néophytes, il s'agit d'un très bon jeu de puzzles, exigeant et saisissant. Dommage cependant que cette version Switch souffre autant techniquement.
LES PLUS
- Le secteur 8, un véritable jeu dans le jeu
- Un complexe fait de cubes, immense et mouvant
- Les transitions entre les puzzles
- Des puzzles ingénieux (la majorité)
- Un remake qui parvient à se démarquer du jeu original
- Tremplin idéal avant de jouer à QUBE 2, déjà sorti
LES MOINS
- La version Director's Cut, avec son scénario pas désagréable mais pas indispensable
- Quelques puzzles punitifs peuvent finir par gaver
- Des sauts flottants
- Nos mains immenses peuvent nous cacher la vue
- Une résolution très faible
- De l'aliasing partout