En 2017, Serial Cleaner dépoussiérait totalement le jeu d’infiltration en nous proposant d’incarner un nettoyeur de scènes de crime dans les années 70. Cinq ans plus tard, et après deux expériences narratives, le studio indépendant polonais Draw Distance décide de revenir à la charge avec une suite sobrement appelée Serial Cleaners. Quand un jeu propose de faire du ménage son fond de commerce, nous sommes forcément curieux de voir le résultat.
Pour des surfaces toujours aussi propres, optez pour Serial Cleaners
New York. 31 décembre 1999. Quatre collègues décident de passer du bon temps ensemble et de ressasser leurs souvenirs à l’occasion du nouveau millénaire. Une soirée du Nouvel An qui ressemblerait en toute somme à toutes les autres, si on excepte que ces quatre personnes sont des nettoyeurs de crime. Car dans Serial Cleaners, notre arme n’est pas un gros calibre mais un aspirateur. Notre objectif est de bloquer les enquêtes de police en se débarrassant des corps et des preuves compromettantes qui pourraient inculper Don Reina, un gros ponte de la mafia New-Yorkaise. Nous nous retrouvons alors à jeter des cadavres, à nettoyer le sang sur le sol tout en essayant de ne pas se faire repérer par les forces de police.
Dans Serial Cleaners, nous progressons au fil des souvenirs afin de découvrir le passé de nos quatre personnages. Nous retrouvons Robert, alias Bob, le « sensei » de la bande. Avec sa moustache fournie et ses lunettes de soleil, il respire le cliché des années 70. C’est lui qui a initié toute la bande au nettoyage. Mais nous avons aussi des petits nouveaux comme Latifa, une ancienne artiste qui a tout arrêté lorsque son meilleur ami, André, l’a laissée au beau milieu d’une scène de crime. « Psycho », lui, est la brute épaisse, ancien membre de la mafia qui a une légère tendance à surréagir. Et finalement, nous avons le personnage le plus classe, Erin, alias « Vip3r », hackeuse émérite qui rêve de devenir la maîtresse incontestée du nettoyage de scène de crime.
Ces personnages ont des caractéristiques qui leur sont propres et intimement liées à leurs personnalités. Bob est capable de porter les cadavres et utilise des sacs mortuaires afin de ne pas laisser du sang en déplaçant les macchabés. Latifa est capable de sauter au-dessus des obstacles, de déplacer les objets et peut taguer « f**k the police » afin de distraire les agents de police. « Psycho » sort sa tronçonneuse pour démembrer les cadavres afin de les utiliser comme projectiles contre les policiers, et Vip3r, elle, a la capacité de pirater les systèmes informatiques pour, par exemple, éteindre les caméras de sécurité. Elle peut aussi se faufiler dans les ventilations pour se cacher.
Ce gameplay, simple de prime abord, est diablement efficace. Nous prenons un malin plaisir à nous dissimuler afin de nettoyer les scènes de crime au nez et à la barbe des policiers. Le jeu ne cherche pas à être punitif, et il est possible d’aller sauvegarder à n’importe quel moment de son niveau.
Cependant ce gameplay devient assez rapidement répétitif et les ajouts au fur et à mesure de notre progression sont trop peu nombreux pour garder notre intérêt jusqu’au bout. Nous arrivons à la même sensation qu’un Catherine, à vouloir terminer les niveaux au plus vite pour profiter du récit. À l’exception faite que, contrairement au jeu de Sega, ce sentiment n’est pas volontaire.
Heureusement, cette lassitude est largement contrebalancée par un level design de très haute qualité. Chaque décor, qui s’inscrit en parfaite harmonie avec le scénario, est parfaitement réfléchi pour renouveler l’expérience du joueur. Nous nous baladons dans un yacht, un musée, au sein même de la police, et chacun de ces niveaux apporte sa particularité.
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L’accessibilité de Serial Cleaners constitue à la fois la force et la faiblesse du jeu. La difficulté, bien que progressive, est finalement relative. L’IA manque parfois de clairvoyance dans ses choix, nous simplifiant clairement la tâche. Elle est capable d’oublier en moins d’une minute que le cadavre qu’elle surveillait vient de disparaître. À force de vouloir retirer la difficulté de leur titre, Draw Distance finit par amenuiser le gameplay. Pour réussir un niveau, il suffira alors de réaliser des actions rapides plutôt que de réellement réfléchir à l’impact de nos choix. Cela entraîne irrémédiablement un déséquilibre au niveau des personnages. Un niveau se fera bien plus rapidement grâce à la mobilité de Vip3r qu’avec Psycho.
De plus, la durée de vie de Serial Cleaners est assez faible. Elle compte une vingtaine de niveaux et le jeu se termine en une dizaine d’heures. Il n’y aucune rejouabilité une fois l’aventure finie.
Serial Cleaners possède une superbe direction artistique qui nous plonge directement dans l’ambiance du jeu. Nous nous sentons immédiatement, et même sans jamais y avoir mis les pieds, dans le New York des années 90. Le pari d’implémenter des expérimentations, toujours en lien avec le récit, donne un résultat atypique qui nous surprend dans le bon sens du terme. Autant le dire, Serial Cleaners est un jeu qui mérite le coup d’œil.
Le scénario, lui, laisse un peu plus à désirer et se retrouve assez poussif dans sa conclusion. À vouloir insister sur des nœuds dramatiques se voulant surprenants, les auteurs oublient de respecter la proposition thématique et perdent le rythme du récit lancé pourtant sur les chapeaux de roue. Sans divulgâcher, la conclusion, reprenant le style du « whodunit » ne réussit pas à embarquer le joueur dans un climax à la hauteur des personnages. Car ces derniers, bien qu’ils incarnent des archétypes vus et revus (le maître, l’artiste, la surdouée et la brute), arrivent à nous toucher par leur humanité. Malgré les scènes de crime qu’ils nettoient régulièrement, ils restent des personnes « ordinaires » avec leurs problèmes du quotidien.
Serial Cleaners nous gratifie aussi d’une superbe bande-son qui ne plaira certainement pas à tout le monde. Le jeu oscille entre le jazz fusion et l’électro, sachant que là aussi, chaque musique est adaptée au personnage et au niveau dans lequel nous évoluons. Elle est capable d’amplifier la tension d’un niveau et peut même parfois être notre propre ennemie : par son énergie, elle poussera le joueur à accélérer le rythme et à commettre une erreur.
Concernant l’expérience sur Nintendo Switch, nous tenons quand même à dire que le jeu est adapté à l’ordinateur. L’utilisation de la manette, bien qu’elle soit totalement fonctionnelle, reste bien moins précise que le combo clavier – souris. Cette perte de précision est préjudiciable lorsque les interactions se trouvent proches les unes des autres. Alors qu’il faut agir vite avant de se faire repérer par la police, le jeu sélectionne l’interaction qui est la plus proche, mais qui n’est pas forcément celle que l’on veut utiliser. Nous nous sommes retrouvés plusieurs fois à recommencer un segment à cause de ce manque de précision lié à l’utilisation d’une manette. Si vous voulez tester ce jeu, et hormis si vous voulez le faire en mode portable (ce qui est son seul avantage sur Nintendo Switch), privilégiez le bon vieil ordinateur.
Conclusion
Serial Cleaners est une bonne suite. Elle ne réussira pas à faire oublier son grand frère mais son concept reste toujours efficace. Il se place dans la catégorie haute des jeux indépendants par son level design, avec une bande-son entrainante et des graphismes qui détonnent dans la production actuelle. Malheureusement, toutes ces belles qualités sont contrebalancées par la répétitivité du gameplay, le scénario qui manque parfois de cohérence, ainsi que sa durée de vie minuscule. Cependant, pour seulement quinze euros, c’est un jeu qui mérite largement le coup d’œil. Notons quand même que s’il faut choisir, l’expérience est bien plus agréable sur un ordinateur qu’une console.
LES PLUS
- Un concept efficace
- Un level-design au top
- Une magnifique direction artistique
- Une bande-son entraînante
- Un prix accessible
- Accessible pour tous (à partir de seize ans)
- Erin alias Vip3r, un personnage vraiment cool
LES MOINS
- Un gameplay qui s’avère répétitif
- Un scénario qui part bien mais qui finalement se perd
- Une faible durée de vie
- Une IA parfois douteuse
- Presque trop simple ?
- Une précision moins bonne sur console que sur ordinateur
J’avais adoré le premier volet ! Je vais sans doute me laisser tenter… Très bon test! Merci