Lorsque l’on nous propose de tester un jeu français, nous sommes toujours curieux de voir la création vidéoludique de notre pays. Quand ce jeu est produit par Arte, la chaîne franco-allemande réputée pour sa programmation de qualité, et qu’il traite du sujet difficile du deuil, nous sommes encore plus intrigués par ce How to Say Goodbye.
Un très beau jeu, doux et poétique…
D’emblée, l’histoire d’un fantôme qui souhaite aider les autres fantômes à aller de l’avant pour affronter le deuil, nous ramène directement à Spiritfarer, cette pépite indépendante sortie en 2020. Heureusement, la comparaison s’arrête très rapidement et How to Say Goodbye se démarque par son univers tout droit sorti d’un conte pour enfants.
How to Say Goodbye nous met donc dans la peau d’un fantôme, récemment décédé, qui cherche à retourner chez soi. Notre aventure est rythmée par les rencontres que nous faisons. Nous discutons avec d’autres fantômes qui refusent de partir vers l’au-delà, en particulier Tove, fantôme qui a commencé à voler par désespoir de cause et qui va nous accompagner tout au long de notre aventure. Nous sommes en même temps poursuivis par les Spleens, des fantômes effrayants qui nous oppressent lorsque nous perdons espoir.
How to Say Goodbye est un puzzle-game dont l’objectif est de réussir à atteindre la porte de sortie. Chaque case du plateau est déplaçable et propose un chemin différent en fonction de la direction où on l’oriente, qui permet de faire avancer les objets et les personnages. Ce gameplay, qui s’assimile assez rapidement, se diversifie au fil de l’aventure avec l’ajout par exemple de clés, d’hélices qui soulèvent les cases, et la contrainte de déplacer jusqu’à trois personnages au même endroit.
Ce qu’on remarque d’emblée dans How to Say Goodbye, c’est sa douce ambiance et son extrême bienveillance. Les personnages, non-binaires et prénommés par « iel », sont d’une incroyable gentillesse. Ils ne cherchent pas à blâmer les uns et les autres pour leurs méfaits mais à se comprendre afin d’avancer ensemble. Personne n’est jugé et un énorme sentiment d’amour nous envahit tout au long du jeu.
Ce cocon confortable est renforcé par la très belle direction artistique. Les graphismes, doux et délicats, inspirés par la littérature jeunesse, valent vraiment le coup d’œil. Les décors, aux traits léchés, sont d’une beauté rare et satisferont les yeux des enfants comme des plus grands. How to Say Goodbye est poétique, subtil, et réussit à avoir des vertus apaisantes dans nos esprits fatigués.
La musique, elle aussi, se fond avec le reste pour proposer un ensemble cohérent et réussit la plupart du temps à nous détendre. Elle parvient très souvent à se faire oublier au profit de l’ensemble, ce qui souligne sa qualité.
Le gameplay est assez intéressant, se complexifiant au fil de notre aventure en débloquant de nouveaux éléments. Il y a cependant une certaine répétition qui s’installe, compensée fort heureusement par la faible durée des niveaux. How to Say Goodbye n’est d’ailleurs pas le genre de jeu à faire d’une traite. Bien au contraire, il s’apprécie par des courtes sessions d’une vingtaine de minutes. Le jeu est entièrement tactile et peut se faire d’un seul doigt, bien qu’au moment où nous avons joué, ce dernier souffrait de problèmes techniques qui seront certainement réglés au moment de sa sortie. Même si les chapitres de How to Say Goodbye sont courts, il est dommage que l’on ne puisse pas sauvegarder pendant un niveau pour reprendre sa partie plus tard.
… Mais adapté à une expérience sur mobile ou tablette
C’est un jeu qui a de belles intentions par le scénario, qui propose une narration inhabituelle dans laquelle, à la manière d’un Babe, le cochon devenu berger, le personnage principal n’est pas celui que l’on suite au fil du récit. Pourtant, et malgré sa forte thématique, nous n’arrivons pas à nous attacher assez aux personnages pour avoir de l’empathie pour eux. Par conséquent, le message du jeu, apprendre à dire au revoir aux gens qu’on aime, perd de sa force.
Le gameplay, qui de prime abord est lié au scénario, perd de sa cohérence au fil de la progression. Les éléments qui sont ajoutés ne sont pas liés aux fantômes que nous rencontrons et rajoutent de la distance entre nous et les personnages. Elle renforce aussi la sensation de passivité face à une histoire qui se déroule sans nous et la difficulté, bien que volontairement simple, ne nous donne pas assez de satisfaction pour compenser cette sensation.
Il y a un autre point qui vient ternir drastiquement le tableau que nous dressons. Car How to Say Goodbye n’est pas conçu pour se jouer sur la Nintendo Switch. C’est un jeu qui est avant tout destiné à un mobile ou une tablette. En effet, et dès la prise en main, nous sentons que ce jeu n’est pas adapté à la console. Le mode docké nous offre une expérience à la manette assez limitée, qui se joue d’une seule main alors que l’expérience en mode portable nous ramène directement au jeu mobile.
La durée de vie est d’ailleurs famélique pour un jeu console : nous pouvons faire la totalité du jeu en moins de quatre heures. How to Say Goodbye est vendu sur Nintendo Switch au prix de 12.99€, soit plus du double que sur Android (4.99€) ! Quel est l’intérêt pour nous de payer bien plus cher un jeu qui propose le même contenu sur mobile que sur console ? D’ordinaire, nous défendons la possibilité de pouvoir jouer partout avec une Nintendo Switch mais cet argument ne tient pas la route avec un jeu mobile.
C’est malheureusement là où le bât blesse : le jeu, très bon sur mobile, ne propose rien qui justifie sa mise sur le marché console à un prix aussi élevé. Quatre heures de jeu pour treize euros, c’est clairement un tarif prohibitif.
C’est un point vraiment frustrant, car How to Say Goodbye semble être agréable à jouer sur son téléphone : que ce soit les courtes sessions, la façon de pouvoir jouer avec juste son pouce et son ambiance poétique et relaxante, nous nous sommes facilement imaginés dans le métro parisien à nous détendre le temps de quelques arrêts. Nous ne sommes pas naïfs et comprenons parfaitement qu’une sortie sur plusieurs plateformes permet de toucher plus de joueurs qu’une sortie unique sur mobile, mais l’exigence n’est forcément pas la même sur console, surtout quand on touche en même temps au prix du jeu.
Conclusion
How to Say Goodbye est un très beau jeu indépendant. Il réussit à traiter le deuil avec une extrême bienveillance et une douceur infinie. Nous sommes charmés par sa poésie et sa beauté. La direction artistique est magnifique et mérite clairement le coup d’œil. Même si le scénario pêche par moment, le jeu est rempli de belles intentions que nous devons souligner. Cependant, il est impossible de nous faire oublier que nous avons affaire à un jeu mobile porté sur console. Quitte à choisir, privilégiez la version mobile à celle sur Switch, dont son prix de 5 euros au lieu de 13, nous semble bien plus adapté à sa très courte durée de vie.
LES PLUS
- Une douceur infinie
- Un sentiment de bienveillance total
- L’univers lié au monde de l’enfance
- Une poésie de tout instant
- De très beaux graphismes
- Une bande-son relaxante
- Un gameplay intéressant
- Une thématique et de bonnes intentions
- Un jeu apaisant
LES MOINS
- Un gameplay parfois redondant
- Sa durée de vie très très courte (3 à 4 heures)
- L’impossibilité de s’attacher aux personnages
- La sensation de jouer à un jeu mobile
- Son prix double entre sa version mobile (5€) et console (13€ !!!)