Yum Yum Cookstar… Cooking Mama: Cookstar… Il y a un petit air de ressemblance, non ? Est-ce que vous vous rappelez du conflit qui opposait le créateur de Cooking Mama, Office Create, et ses développeurs, 1st Playable Productions et Planet Entertainment ? À l’époque, Office Create avait demandé à Planet Entertainment de retravailler Cooking Mama: Cookstar qui n’était selon eux, pas encore au point. Cependant, Planet Entertainment avait fait fi de la demande et avait sorti Cooking Mama: Cookstar sans leur aval. S’en étaient alors suivies une polémique, ainsi qu’une rumeur ubuesque dans laquelle le jeu serait en réalité utilisé pour miner de la cryptomonnaie.
De cette histoire tourmentée, est né Yum Yum Cookstar qui tente de s’imposer comme la nouvelle référence culinaire tout public. Alors, mission réussie ou pas ?
Ce n’est pas dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs jeux
Malgré cette « nouvelle » licence, ne vous attendez pas à une grande révolution. Yum Yum Cookstar est un pastiche rajeuni de Cooking Mama. L’ambition est toujours la même : nous devons réussir chaque mini-jeu afin de préparer une recette qui satisfera, non plus Mama qui est devenue persona non grata, mais un jury trié sur le volet.
Parmi les trois modes de jeu disponibles, seule la partie recette, sorte de mode principal, nous est partiellement accessible au début de notre expérience. En effet, nous débutons avec un nombre limité de recettes que nous débloquons en fonction des techniques que nous allons acquérir au fil de l’aventure. Nous avons aussi le défi quotidien, le mode tournoi ainsi que des éléments de personnalisation à débloquer.
Le jeu nous donne accès à soixante-dix recettes, dans lesquelles nous avons du mal à voir de la cohérence. Nous alternons par exemple entre un « popcorn licorne » très kawaii et une « bruschetta au poulet » bien plus classique. Le jeu est jouable à la manette, au Joy-Con et au tactile. Il y a quatre modes de difficulté, qui nous permettent d’ajouter un minuteur ou de retirer les astuces.
Qui dit même ambition que Cooking Mama dit aussi même gameplay : en effet, Yum Yum Cookstar est une copie de son prédécesseur. Il suffit de traîner sur un Let’s Play pour s’apercevoir que les techniques sont exactement les mêmes que Cooking Mama: Cookstar, à la grande différence que la cuisine, dans ce jeu, passe totalement au second plan. Tout ce qui compte ici, c’est le rythme, à un tel point qu’on ne prête même plus attention aux ingrédients que l’on met dans nos plats. Nous sommes bien plus concentrés à secouer la manette en rythme, à retenir l’ordre précis des plats ou à couper frénétiquement le pain avant que le chronomètre ne se termine.
Le gameplay, à sa découverte, est efficace. Il nous donne envie d’enchaîner les recettes pour voir ce que le jeu peut nous proposer. Nous réalisons malheureusement très vite que le gameplay est une coquille vide : les mini-jeux se ressemblent tous, reposent sur les mêmes principes et ne se renouvellent que très peu. Nous allons notamment apprendre à couper les légumes avant d’apprendre à couper du pain. Mettre du colorant nécessite de savoir agiter en rythme son joystick vers le bas, alors que cuire de la viande nécessite de savoir agiter son joystick vers la gauche puis la droite. Comme vous pouvez le constater, les techniques ne sont pas d’une grande variété.
La jouabilité de Yum Yum Cookstar nous a enthousiasmés dans un premier temps. Outre les trois façons de jouer différentes (manettes, Joy-con, tactile), cela faisait longtemps que nous n’avions pas vu un jeu qui utilisait les fonctions du Joy-Con, nous permettant de nous remémorer les grandes heures de la Wii.
Cependant, nous avons rapidement déchanté : à notre plus grand dam, Yum Yum Cookstar n’est tout simplement pas calibré pour le mode tactile et les Joy-Con. Peu importe la jouabilité choisie, la durée du minuteur reste la même, rendant certaines épreuves irréalisables. Il est, par exemple, physiquement impossible de couper du pain dans le temps imparti lorsque l’on joue au Joy-Con. Le jeu a été pensé pour une utilisation à la manette, certainement car il permet de sortir sur toutes les consoles sans trop s’embêter à offrir une expérience optimale pour les joueurs.
Un jeu sans saveur qui donne l’impression de ne pas être terminé
En général, Yum Yum Cookstar est un jeu mal testé, parfois non terminé et mal calibré. Certains passages sont encore en anglais, la musique d’introduction, certainement trop lourde, grésille, et certaines épreuves sont même impossibles à faire, et ce, peu importe comment vous avez décidé de jouer. Le jeu punit un joueur impuissant avec des situations qui frôlent parfois l’amateurisme. Imaginez-donc : vous êtes en train de faire un mini-jeu qui repose sur la mémorisation. Vous avez une minute pour retenir trois à quatre combinaisons avant d’appuyer frénétiquement sur des touches pour mixer les ingrédients. Sur cette minute, la présentation des combinaisons dure trente à quarante secondes. Vous n’avez alors en réalité plus que vingt secondes pour réussir l’épreuve, ce qui est tout bonnement impossible lorsqu’il y a quatre combinaisons, même pour nous qui avons l’expérience des Mario Party et qui possédons une vélocité au pouce à toute épreuve. Par ailleurs, la difficulté est la même peu importe la difficulté choisie, ce qui nous laisse alors que le mode sans minuteur si nous voulons réussir parfaitement une recette.
Cette difficulté impossible a une importante répercussion sur le reste du jeu : le mode tournoi, qui n’est un tournoi que de nom, repose sur la capacité à enchaîner trois recettes d’affilées sans échouer au moindre mini-jeu. Dans la mesure où certains mini-jeux sont irréalisables, nous vous laissons conclure ce qu’advient du mode tournoi.
La progression, nous l’avons déjà souligné, est incohérente. Contrairement à Cooking Mama, nous ne jouons pas pour le plaisir de découvrir des recettes des quatre coins du monde. Dans Yum Yum Cookstar, c’est le divertissement qui est mis en avant, ce qui nuit finalement à la qualité globale du jeu. Les techniques que l’on apprend au fil de l’aventure sont illusoires et ne suivent aucune logique de progression. Nous nous attendons d’un jeu de cuisine, d’avoir à réaliser des recettes de plus en plus compliquées grâce aux nouvelles compétences que l’on acquiert. Dans Yum Yum Cookstar, il nous faut cuisiner trente recettes, soit quasiment la moitié du jeu pour savoir… laver ses aliments.
Les récompenses ne sont pas non plus à la hauteur de l’investissement du joueur. Hormis les recettes, dont les techniques se ressemblent, nous gagnons au fil de notre aventure des éléments de personnalisation pour notre cuisine. Soyons honnêtes, ceux-ci ne sont pas d’une grande utilité. Nous ne sommes pas non plus sûrs que le cœur de cible se sent enthousiasmé par le plan de travail couleur ébène. Le mode tournoi se débloque après avoir réalisé des recettes avec la difficulté « Pro » ou « Cookstar ». Nous avons comme objectif de réaliser trois recettes à la suite sans le moindre échec. Comme susmentionné, certains tournois sont donc impossibles à terminer. La récompense est encore une fois des éléments de personnalisation… Bis repetita pour le défi quotidien : notre objectif est de réaliser trois recettes sans faire d’erreur. Au bout d’un certain nombre de défis quotidiens réalisés, nous débloquons… d’autres éléments de personnalisation.
Yum Yum Cookstar, à défaut de chercher l’originalité, tente de rajeunir la formule Cooking Mama pour cibler la nouvelle génération. Étonnamment, malgré notre époque qui se veut plus progressiste, le jeu de cuisine développé par 1st Playable Productions est clairement plus « girly » et, par ses graphismes genrés roses et ses personnages à la « Bratz », ferme les portes aux jeunes garçons qui voudraient eux aussi s’amuser en cuisine. Par ce choix, Yum Yum Cookstar nous démontre que le chemin qu’il reste à faire sur la construction identitaire des enfants est encore long.
Cooking Mama avec un nouvel enrobage et des clichés misogynes
En voulant faire plus jeune, Yum Yum Cookstar fonce dans des clichés misogynes d’un autre temps qui ne devraient plus exister. Voici le tableau : nous avons donc affaire à un jeu pour les jeunes filles, où l’objectif est de faire de la cuisine pour un jury majoritairement masculin. Alors que le jury masculin est composé d’un chef étoilé excentrique, un grand critique gastronomique sévère, le jury féminin, seul modèle féminin du jeu, est une star de la musique méchante, superficielle et vénale. Même si la volonté de 1st Playable Productions est certainement de jouer sur les clichés pour ajouter de l’humour, le résultat offre malheureusement un modèle douteux pour les jeunes filles.
Nous avons aussi été déçus de l’absence de mode multijoueur sur Yum Yum Cookstar. Pour un jeu qui mise sur le divertissement, nous nous attendions à pouvoir cuisiner à plusieurs ou à se défier sur des recettes, et nous sommes restés sur notre faim.
En revanche, la durée de vie de Yum Yum Cookstar est conséquente. Même si le jeu est répétitif, que le mode tournoi et le défi quotidien sont d’un faible intérêt, il y a plus de soixante-dix recettes. Étant donné qu’une recette se réalise en une dizaine de minutes, comptez une quinzaine d’heures minimum si vous voulez faire toutes les recettes. Encore plus si vous voulez débloquer tous les éléments de personnalisation pour avoir la plus jolie des cuisines.
Le coup de pinceau pour rajeunir Cooking Mama fonctionne bien. Bien que nous ne soyons pas admirateurs des graphismes à la Bratz, l’univers est cohérent et coloré à souhait. Cependant, bien que la réalisation soit exactement la même que Cooking Mama: Cookstar, nous avons encore une fois la sensation d’un jeu inachevé. Le mouvement des aliments dans le saladier n’est pas terminé, et le filet d’eau disparaît devant nos yeux sans même entrer dans le récipient. La farine et le sucre, semblent eux s’évaporer avec la même magie.
Les recettes, à vouloir faire kawaii, n’ont plus du tout la même saveur : au lieu de nous ouvrir l’estomac, elles nous écœurent avec des colorants à tout-va. Alors que même une représentation pixelisée d’un cookie nous donne faim, la vue du « houmous et légumes arc-en-ciel », ou du « cookie crotte de licorne » nouent notre estomac. Il faut aussi dire que mettre dans la même page des desserts très mignons et des plats plus classiques n’aident pas dans notre recherche de saveur. Un « curry du cachemire » ne se marie pas vraiment avec un « chocolat chaud licorne ».
Notons que le jeu propose des alternatives végétariennes à toutes les recettes, point positif à souligner, même si les développeurs ne font que reprendre un élément déjà présent dans Cooking Mama: Cookstar.
Nile Rodgers, la crème de la crème
Pour la musique, Yum Yum Cookstar a eu le nez creux en travaillant avec la légende de la musique contemporaine Nile Rodgers. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Nile Rodgers est l’un des fondateurs du groupe qui a révolutionné le disco et le funk dans les années 70, Chic. C’est aussi celui qui a relancé la carrière de Diana Ross, qui a transformé David Bowie au statut d’icône mondiale avec Let’s Dance, et c’est aussi celui qui a produit Like a Virgin, le premier succès de Madonna. Pour les plus jeunes, c’est celui qui compose avec Daft Punk et Pharell Williams le hit international Get Lucky.
Qui de mieux que le maître du disco et du funk pour faire la bande-son d’un jeu de rythme ? Vous l’avez compris, la musique de Yum Yum Cookstar est excellente à tous les étages. Nous avons du funk lorsque nous cassons nos œufs, un peu de groove devant notre four et nos oreilles prennent plaisir à écouter Nile Rodgers et sa « Hitmaker ». Il faut bien sûr aimer ce genre de musique, très spécifique, et ceux qui s’attendent à ce que Nile Rodgers fasse autre chose que du Nile Rodgers seront déçus.
Nous avons malheureusement parfois la sensation que Planet Entertainment n’avait pas de quoi payer le musicien dans son entièreté et la bande-son se répète régulièrement, ce qui atténue l’excellent travail de Nile Rodgers. Il faut en revanche souligner le fait que les phrases du jury soient entièrement doublées en français.
Conclusion
Yum Yum Cookstar est un jeu moyen qui ne fera pas oublier Cooking Mama, et pour cause, ce n’est qu’une copie de ce dernier avec un nouvel enrobage. Yum Yum Cookstar vous amusera certainement une heure ou deux, le temps de la découverte, avant que vous vous lassiez, la faute à une trop grande répétitivité, un manque de cohérence et de progression. Nous avons parfois la sensation d’un jeu terminé à la va-vite, avec des mini-jeux impossibles à faire et des expériences non-calibrées au tactile et à la Joy-Con. Beaucoup plus « girly » que Cooking Mama, Yum Yum Cookstar colporte un peu de misogynie ordinaire sur sa route. En revanche, le jeu propose une grande durée et vie, et la musique de la légende Nile Rodgers vient rehausser l’expérience pour le plus grand plaisir de nos oreilles.
LES PLUS
- Un concept qui fonctionne
- La musique rythmée de Nile Rodgers
- Le plaisir de rejouer avec des Joy-Con
- Une durée de vie conséquente
- Un Cooking Mama plus « jeune »
- Entièrement doublé en français
LES MOINS
- Une sensation de jeu non-terminé
- Pas de mode multijoueur
- La très grosse répétitivité
- Une difficulté mal calibrée
- Les récompenses anecdotiques
- Des mini-jeux impossibles à réussir
- La progression aléatoire
- La cuisine passe au second plan
- Le manque de cohérence des recettes écœure
- Trop de kawaii tue le kawaii
- Même l’excellente musique de Nile Rodgers se répète
- Des clichés qui ont la vie dure…