The Oregon Trail est sans doute l’une des licences les plus anciennes du jeu vidéo et pourtant peu de gens la connaissent. En 2016, Le Time le plaçait pourtant dans sa liste des 50 jeux les plus importants au monde. C’est sans doute parce que son rôle premier était d’informer la jeunesse américaine sur l’histoire des premiers pionniers. Il a ainsi connu de nombreuses versions sur de nombreux supports depuis ses débuts commerciaux dès 1978 sur Apple II, jusqu’à cette version Switch qui débarque aujourd’hui dans une version nettement modernisée. L’occasion pour nous de voir qu’il est possible de marier connaissance et plaisir.
Le petit chariot dans la prairie
Si le soft original est l’œuvre de Don Rawitsch, Bill Heinemann, and Paul Dillenberger, depuis 2009, c’est Gameloft qui tire les ficelles avec des portages sur des machines allant de la DS aux smartphones. C’est au tour de nos Nintendo Switch de connaître les joies des convois dans une toute nouvelle version dont les améliorations sont nombreuses tant en termes de graphismes qu’en termes de contenu, à tel point qu’il en devient difficile de croire que ce jeu fût destiné, à la base, à un public friand, ou non, de jeux éducatifs.
Le principe de base reste toutefois toujours le même. Nous dirigeons un groupe de quatre colons aux compétences distinctes et nous allons devoir les emmener sains et saufs depuis Indépendance dans le Missouri jusqu’à Willamette Valley dans l’Oregon. Le tout se déroule en 1848, une époque durant laquelle le summum de la technologie était un chariot tiré par quatre bœufs. Et ça tombe bien, car c’est justement la base de notre équipement, le reste provenant des apports des différents membres de notre groupe.
La première étape de notre voyage consiste d’ailleurs à sélectionner quatre de ces colons. Si dans un premier temps, le nombre de classes disponibles est assez limité avec des fermiers ou des gens d’église, à chaque avancée, nous débloquerons de nouvelles classes qui nous permettront de diversifier davantage notre groupe pour répondre le plus efficacement possible aux aléas qui nous guettent. Notons aussi que chaque personne que nous choisissons possède quatre caractéristiques de santé ainsi que huit caractéristiques de personnalité et de compétence.
Au départ de notre aventure ces points nous seront cachés et il nous faudra apprendre à mieux connaître les membres de ce groupe, par exemple en discutant lors des arrêts ou en tenter de lancer une compétence de soin, pour obtenir des informations sur le niveau de compétence de tel ou tel membre de notre groupe. Ces points vont de un à six et en fonction de ce score, nous réaliserons plus ou moins facilement des actions telles réparer notre chariot, nous orienter en pleine tempête, charmer un bandit pour l’empêcher de nous prendre notre réserve de nourriture.
Once upon a time in the west
Car oui, le monde de The Oregon Trail n’est pas, celui des bisounours et les problèmes auxquels nous allons devoir faire face sont très nombreux, mais aussi très variés. Et c’est d’ailleurs l’une des forces du titre de Gameloft. Il est impossible à l’avance de savoir ce qui va arriver à notre groupe. Nous voyons celui-ci avancé dans les plaines américaines, nous choisissons régulièrement notre prochaine étape en fonction des indications que nous avons pu glaner sur la route et nous réagissons comme nous le pouvons aux aléas de la route.
Les différents chemins que nous allons prendre peuvent ainsi nous amener à croiser la route de troupeau de daim ou de bison, et dans le cas où l’un de nos membres possède des capacités de tirs correctes, l’occasion de remplir le stock de nourriture ne devra pas être négligée. Mais la pêche ou la cueillette ne seront pas non plus à négliger. De temps en temps, nous croiserons des personnages nous lançant dans des quêtes annexes toujours très bien écrites et jamais manichéenne. Ne pas avoir le bon ingrédient dans notre chariot, ou ne pas vouloir le céder gratuitement peut conduire à la mort de ce personnage. Ces quêtes prenant place sur un temps assez long, nous avons bien souvent eu le temps de nous attacher à ce PNJ et le voir disparaître n’est jamais facile.
En plus de ces choix de directions et d’actions, nous aurons aussi à gérer notre chariot. Ce périple durant plus de cent jours sur une distance de plus de 2000 miles, forcément, il va falloir en prendre soin. Celui-ci est représenté sous forme d’un inventaire à case, chaque objet que nous possédons demandera d’utiliser un certain nombre de ces cases, à nous de gérer au mieux ce placement. Durant notre voyage, certaines cases s’abîmeront et dans le cas où nous n’avons rien pour effectuer des réparations, nous risquons de perdre les biens précieux qui s’y trouvent. La gestion de ce chariot est donc une part importante du gameplay et le stress engendré par les aléas est en parfaite adéquation avec celui vécu par nos colons.
Ceux-ci n’ont d’ailleurs pas la vie facile. Entre une santé susceptible de se détériorer à cause d’une endurance faiblissante, d’une baisse de morale ou d’une hygiène en berne, les pépins de santé qui peuvent troubler nos déambulations sont nombreux, sans compter les manques de chances évidents qui nous tombent sur le coin de la figure sans prévenir. Allons-nous alors forcer le pas, quitte à nos fatiguer davantage, mais diminuer le temps du trajet ? Allons diminuer nos rations, quitte à perdre ne moral tout en limitant la fatigue et la consommation d’une nourriture limitée ? Beaucoup de choix qui s’offre à nous et qui sont toujours paramétrables.
Ces d’ailleurs ce qui fait la force du gameplay proposé. Toutes ces mécaniques de choix et de gestions des personnages et des événements se complètent harmonieusement et engendrent un stress permanent. Toutefois celui-ci est contrebalancé par une narration prenante qui ne tombe jamais dans la facilité, capable de nous étonner via des rencontres inopinées et qui, surtout, nous met face à nos choix.
Les voyages qui forment la jeunesse
En termes de contenu, une fois le premier voyage réussit ou non, en fonction de notre avancée, nous débloquons d’autres scénarios qui vont nous mettre face à des défis et des situations bien différentes. Chacun de ces voyages explore une partie de notre parcours de base et en profite pour développer l’histoire de ces colons. De la vie des Amérindiens en passant par l’expérience d’un trappeur pris au piège en pleine tempête, #leonardodicaprio, chacun de ces modes supplémentaires nous permet d’en apprendre un peu plus tout en nous amusant à faire face à des contraintes supplémentaires, que celles-ci soient temporelles, liées à notre situation ou à notre inventaire.
En plus de ce gameplay classique, régulièrement, nous devons faire face à des mini jeux dont la réussite apportera plus ou moins de nourriture à notre groupe. Les parties de chasse et de pêche sont ainsi l’occasion de devoir prendre en main l’un de nos colons dans un mini jeu simple et cours. Nous allons aussi avoir à descendre une rivière en radeau. Là encore le résultat est simple, mais efficace.
Nous pouvons retrouver ces mini jeux dans des défis hebdomadaires auxquels s’ajoute un challenge communautaire. Dans celui-ci nous devons choisir un camp entre deux compagnies ferroviaires. À nous de réaliser des succès en jeu pour apporter ainsi notre soutien à cette compagnie et aller plus loin dans la mise en place du chemin de fer. Une idée intéressante qui nous demande d’adapter nos ressources en jeu pour gagner des jetons. Ceux-ci débloquent ensuite de nouvelles musiques ou des variations graphiques. Les amateurs de complétion s’en donneront à cœur joie.
D’un point de vue graphique. Le pixel art mis en place est de grande qualité. Les décors que nous parcourrons fourmillent de détails et un jeu dans le jeu consistant à appuyer sur Y à chaque fois que nous croisons une espèce animale nous oblige à être toujours concentrés sur ce qui se passe à l’écran. Nos personnages sont parfaitement dessinés et animés et le niveau de leur état de santé modifie cette apparence, nous rappelant sans cesse qu’untel ou untel nécessite rapidement des soins adaptés.
La difficulté est parfaitement calibrée. Il est tout à fait possible de venir à bout de l’histoire de base avec un groupe de colons de base. Ceux débloqués par la suite nous aideront à être plus efficaces sur certains aspects, mais rien ne garantit que le succès soit plus aisé à atteindre. S’il faut en moyenne cinq heures pour amener nos colons à bon port dans l’histoire principale. Les différents voyages supplémentaires, les capacités à débloquer et les connaissances à acquérir sur cette période triplent facilement ce temps de jeu, justifiant ainsi le tarif de base de 30 €.
Conclusion
The Oregon Trail est le parfait exemple d’un titre, certes à la composante éducative indéniable, mais qui est d’abord et avant tout un jeu de stratégie/survie aux mécaniques prenantes et à la narration efficace et jamais manichéenne. Cette nouvelle version apporte beaucoup de nouveautés avec une vraie prise en considération des Amérindiens, un aspect communautaire bien intégré, des graphismes soignés, une prise en main impeccable et une difficulté parfaitement maîtrisée. Nous ne nous ennuyons jamais à gérer notre groupe de colons dont chaque aléa rencontré peut s’avérer mortel dans ce voyage envoûtant d’un bout à l’autre.
LES PLUS
- Les graphismes en pixel art regorgent de détails
- Les animations de chaque personnage sont soignées
- La narration est prenante et jamais manichéenne
- Chacun de nos choix à un impact sur la suite des quêtes annexes
- Les mécaniques de gestions, de stratégie et de survie se complètent harmonieusement
- Les mini jeux sont efficaces et prennent juste la place qu’il faut
- La bande-son est efficace et se renouvelle régulièrement
- La prise en main est impeccable
- Entièrement en français
- Les succès nous en apprennent un peu plus sur cette époque
- Le nombre de voyages disponibles est conséquent
LES MOINS
- Un peu répétitif une fois l’ensemble des aléas découverts
- Le prix de base est un peu élevé pour un jeu de ce genre
Cool! merci pour ce test. et heureux d’apprendre que les amérindiens soient vraiment considérés. ce qui était loin d’être le cas à l’origine (comme la plupart des américaneries d’hollywood&co)