Le RPG semble être un genre aux codes bien rodés et pourtant les développeurs du monde entier ne cessent de faire preuve d’inventivité pour moderniser encore et toujours des mécaniques reposant sur un socle commun. La nouvelle pépite du genre reprend pourtant le sacro-saint tour par tour que les poilus ont appris à maîtriser avant de devoir prendre de nouvelles marques avec des barres ATH et autres mécaniques censées dynamiser le gameplay. Alors est-ce à un difficile retour en arrière que nous allons avoir droit avec ce Chained Echoes, œuvre d’un unique développeur solitaire ? C’est ce que nous allons voir dans ce test et autant préciser de suite que ce titre est entré directement dans notre panthéon des meilleurs RPG côtoyant ainsi des légendes telles FF7 (le vrai), Suikoden 2 ou encore Chrono Trigger, rien de moins.
Sept ans en Valandis
Comment rendre au RPG tour par tour ses lettres de noblesse sur une console accueillant à elle toute seule trois épisodes de Xenoblade Chronicle ? Eh bien c’est ce que s’est évertué à faire le développeur allemand Matthias Linda durant pas moins de sept ans et autant dire que le résultat est à la hauteur du temps de développement. Tout ce qui peut sembler être un frein au plaisir de ce type de jeu semble avoir été mûrement réfléchi et les solutions trouvées sont toutes intéressantes. Bien évidemment, le résultat n’est pas parfait, mais les manques sont tellement insignifiants que nous avons toujours du mal à croire qu’un seul homme soit responsable d’un tel résultat.
Et commençons ce tour d’horizon en abordant la narration. Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler, mais s’improviser scénariste n’a rien d’un jeu d’enfant et pourtant l’histoire que nous allons vivre réussit à se montrer à la fois prenante de bout en bout sans jamais se montrer manichéenne avec en plus une chorale de personnages ayant chacun sa propre personnalité et sa propre histoire. Mais remettons les choses dans l’ordre.
Le prologue va nous permettre de comprendre les enjeux auxquels nous allons faire face tout en nous présentant à la fois les personnages et les mécaniques de jeu. Nous sommes très loin des phases de tutoriels pénibles et longues. Ici dès les premières minutes que nous passons en compagnie de Glenn et de Kyllian, nous sommes happés dans la vie de ces mercenaires pour qui la vie n’est pas simple et qui doivent accomplir une mission à haut risque pour redorer leur blason. Celle-ci nous permet de comprendre que ce continent, Valandis, subit une guerre entre trois royaumes : Taryn, Escanya et Gravos.
Après un raid vainqueur contre Gravos, c’est une contre-attaque punitive auxquels nos deux héros prennent part. Mais tout ne va pas se dérouler comme prévu. Alors que leur objectif semble à porter de main, une explosion gigantesque annihile toute la cité qu’ils étaient venus délivrer. Ce cataclysme force alors les dirigeants des trois royaumes à mettre un terme à leur conflit et une paix semble alors à porter de main. Mais des forces antagonistes œuvrent en douce pour contrecarrer ces efforts de réconciliation, nous nous retrouvons alors au beau milieu de cette histoire.
Une chorale en parfaite entente
Et nos deux héros ne sont pas les seuls à intervenir. D’autres protagonistes, ayant chacun autant d’importance que Glenn et Kyllian, viennent rapidement prendre part à ce récit. À chaque fois, nous avons droit à une courte séquence d’introduction et de gameplay pour les introduire convenablement. Autant en termes de mise en scène, de narration que de gameplay, nous ne sommes jamais déçus par ces phases d’introduction tant elles se montrent variées et intéressantes, sans jamais se montrer ennuyeuses.
Une fois cette bande présentée et rassemblée, les différents caractères et provenances de nos héros feront que les tensions seront bien présentes. Il arrivera que le destin sépare notre équipe, nous obligeant alors à choisir de quel(s) héros nous voulons connaître les péripéties. Là encore, le récit est suffisamment bien construit pour ne jamais tomber dans la facilité et il est toujours difficile de deviner où nous emmène cette histoire. Les dialogues, tous traduits dans un français impeccable, tombent toujours juste, nous donnant précisément assez d’informations sur les événements en cours, mais aussi sur l’état d’esprit de notre interlocuteur, le tout sans jamais être trop long.
Le monde que nous parcourrons est un mélange hétéroclite d’influences diverses et variées dans lequel la magie côtoie la technologie et dans lequel l’être humain n’est qu’une race parmi beaucoup d’autres. Nous allons rencontrer une grande variété d’êtres prenant la forme d’espèces animales communes, mais aussi de légumes ayant pris vie. Et je ne pensais pas dire ça un jour, mais une brochette végétarienne a eu raison de moi lors d’un combat. Et ma femme en a bien profité de se moquer…
La technologie n’est pas en reste dans ce monde, la forme la plus évidente concerne la présence des armures célestes. Ces méchas immenses font parties intégrantes de notre histoire et nous aurons très vite la possibilité de combattre avec elles. La magie n’est pas en reste. Entre les cristaux aux différentes utilités et les sortilèges à notre disposition, nous sommes clairement dans un monde de fantasy. Le tout est loin d’être indigeste. Chacune de ces influences s’intègre parfaitement dans ce monde complexe aux multiples ramifications. Là encore, savoir que celui-ci est l’œuvre d’un seul homme est une source inépuisable d’étonnement.
Le level design de la maîtrise absolue
L’exploration de ce monde se fait d’autant plus agréablement que la vitesse de déplacement de notre groupe est plutôt élevée. Chaque lieu est divisé en neuf cases que nous devons débloquer. Chaque partie contient son lot d’objets cachés, de raccourcis et autres quêtes annexes à débloquer. Mais nous avons aussi droit à des grottes cachées dans le décor ainsi qu’à des indices géographiques nous indiquant la présence d’un trésor enfoui. Cette exploration n’est jamais vaine puisqu’un système de case à débloquer nous offre des récompenses supplémentaires.
Les objectifs à atteindre sont très divers. Entre tuer un ennemi uniquement en l’empoisonnant ou déterrer un nombre suffisant de trésors, il y a de quoi s’amuser à parcourir, le tout sans jamais voir le temps défiler, ce monde qui regorge de secrets et dont le level design est un modèle du genre. Là où de trop nombreux RPG se perdent dans ces quêtes annexes en donnant l’impression aux joueurs de devenir un livreur Fedex.
Ce système mis en place nous offre beaucoup plus d’autonomie et de liberté, sans jamais nous obliger à écouter une histoire pénible. Il nous permet aussi d’avoir une vue d’ensemble sur ce que nous avons à faire et ce que nous n’avons pas encore découvert. De plus, malgré la taille relativement importante des cartes que nous parcourrons, la vitesse de déplacement et les différents cristaux de téléportation disponibles nous permettent d’atteindre rapidement nos objectifs. Le seul manquement concerne la carte sur laquelle nous ne pouvons pas ajouter de points d’intérêts personnels.
Les présentations étant faites, nous allons pouvoir aborder les deux mamelles du RPG, à savoir les combats et la progression du personnage. La présence des objectifs annexes et des monstres nous permettent, trop souvent dans les RPG, de monter rapidement en niveau, donnant par la suite l’impression de contrôler Teddy Riner dans un combat contre un élève de CM2, gâchant ainsi le plaisir des joueurs que nous sommes et nous obligeant à rusher une histoire pour découvrir ensuite le contenu endgame.
Le progrès c’est maintenant
Nous n’avons que rarement cette impression ici. En effet, pour pouvoir monter en compétences et en statistiques de bases, il faut avoir tué un boss. Notre progression est donc relativement balisée. Cela ne veut pas autant dire que nous n’avons aucun moyen d’influer sur la progression de notre personnage. Nous avons trois leviers pour améliorer et personnaliser notre équipe. Chacun de nos héros possède des capacités qui lui sont propres et une arme. Les capacités disponibles, qu’elles soient actives ou passives, sont très nombreuses et il nous est impossible de toutes les équiper, à nous de choisir lesquelles conviennent le mieux à notre style de combat.
De plus, ces capacités sont améliorables de deux façons. À chaque combat que nous menons, nous récupérons un certain nombre de points de compétences. Si certains de ces points vont directement augmenter une jauge de niveau, qui une fois complétée, nous fera passer cette capacité à son niveau supérieur, d’autres de ces points sont assignables comme nous l’entendons. Il est ainsi possible de passer une capacité directement au niveau 2 tandis que les autres restent au niveau de base.
L’autre facteur d’évolution de nos personnages concerne leur équipement. Nous pouvons ainsi nous équiper d’une arme, d’une armure et d’un accessoire. Seuls les deux premiers sont améliorables. Nous pouvons ainsi augmenter leurs statistiques de base, mais de plus, leur adjoindre un ou plusieurs cristaux aux propriétés bien différentes. Là encore, les effets sont incroyablement variés et les possibilités qui en découlent nous offrent un tel éventail de personnalisation que chaque joueur pourra y trouver son bonheur, sans pour autant y passer un temps trop long.
Enfin, durant notre épopée, nous pouvons croiser des statues qui représentent les héros du temps jadis. Grâce à celles-ci nous allons pouvoir, après un âpre combat prouvant notre valeur, obtenir une classe supplémentaire, que nous pouvons équiper à n’importe quel membre sans aucune restriction, lui ajoutant ainsi différentes capacités, à la fois passives et actives. Ces capacités sont améliorables de la même façon que les capacités de bases, et si nous souhaitons affecter cette classe à un autre héros, la progression n’est pas perdue et il est toujours possible de la réaffecter sans perte.
La bagarre !!!
Et ce n’est que maintenant que nous allons aborder la partie combat, et il faut donc féliciter les lecteurs assidus qui ont lu toutes ces lignes. Si dans un premier temps, les mécaniques mises en place par Mr Matthias Linda semblent tout droit tirées du manuel du petit RPG, ce qui est déjà un point intéressant, deux ajouts viennent apporter une dimension tactique nouvelle et diablement efficace qui, couplée à l’impossibilité de farmer les niveaux, rend chaque combat prenant et potentiellement mortel.
Les prérequis nécessaires à la compréhension de ce gameplay sont assez simples. Notre équipe active est constituée de quatre de nos alliés, ceux-ci disposent chacun de techniques spéciales, ils peuvent attaquer, se défendre ou utiliser un objet de la besace commune. L’utilisation de compétences consomme une jauge de point de technique, mais celle-ci se remplissant à la fin d’un combat, le titre nous suggère fortement de ne pas y aller de main morte avec ces capacités spéciales et c’est bien ce que nous faisons.
Notre vie revient elle aussi à son maximum et les altérations d’état disparaissent lorsque le combat prend fin. Ce système peut être jugé trop permissif par les poilus du genre et pourtant il n’en ait rien. Très vite les ennemis qui nous font face nous sont bien supérieurs en nombre et la quasi-impossibilité de farmer les niveaux nous oblige à être constamment attentifs durant les combats sous peine de mort.
Pour venir à bout de nos ennemis, il va nous falloir être malins et utiliser à fond les capacités de nos alliés ainsi que gérer notre jauge de synergie. Celle-ci est LA nouveauté des combats. Chaque attaque que nous faisons ou capacité que nous utilisons va modifier le curseur de la jauge. Rester dans la zone orange donne à nos sorts un coût normal. Mettre la barre dans le vert et le coût est divisé par deux, dans le rouge, c’est l’inverse qui se passe et le coût est multiplié par deux.
La tactique avec un grand T
Devoir gérer cette jauge fait de nos combats de grands moments de tactique, d’autant plus qu’à chaque assaut que nous subissons, cette jauge se déplace fortement vers le rouge, il va falloir prédire ce que font nos ennemis pour ne pas nous retrouver rapidement à court de points de technique. S’il est possible de faire redescendre notre jauge en passant en position défensive, c’est surtout la possibilité de switcher entre un personnage de notre réserve et un allié actif qui va nous permettre de modifier la jauge et notre tactique.
Car oui, il est possible de changer la composition de notre équipe en plein combat sans entraîner de perte de tour, c’est encore une mécanique qui pourrait sembler rendre ces combats trop faciles et pourtant il n’en est rien. Nous sommes constamment en train de réfléchir à notre prochain coup et aux interactions possibles entre les différents membres de notre équipe. Car si certains se focalisent sur certains sorts ou sur des attaques physiques, d’autres vont ajouter des faiblesses ou des debuffs à nos ennemis. Gérer efficacement sa composition et ses attaques rend les combats toujours extrêmement plaisants, sans que jamais ceux-ci ne tombent dans la facilité, loin de là.
Si au bout d’un moment, les séquences de combats face à certains ennemis nous sont connues, l’arrivée dans une nouvelle zone rebat toujours les cartes avec de nouveaux monstres, de nouveaux boss, de nouvelles compétences à acquérir et de nouvelles classes à débloquer et à répartir sur les membres de notre équipe. Le résultat est un système de combat et de personnalisation de nos héros et de notre équipe qui évolue tout au long de notre aventure et qui nous entraîne librement vers toujours plus d’explorations des lieux pour dénicher de quoi maximiser le niveau de notre équipe.
Un scénario digne des plus grandes épopées vidéoludiques, un système de progression et de combats qui gomme de nombreux reproches faits au genre du RPG tour par tour, il ne nous reste plus qu’à observer en toute impartialité la technique pour terminer en beauté ce test. Et comme pour le reste, le résultat est d’une telle qualité que le fait que Chained Echoes soit l’œuvre d’un seul homme laisse toujours aussi pantois.
Et c’est maintenant le coup de grâce
Et justement, conscient de ses limites, Mr Matthias Linda a su confier la bande-son au compositeur texan Eddie Marianukroh. Et le résultat est à la hauteur du reste. Avec des titres qui se renouvellent constamment et s’adaptent toujours à l’action en cours, que ce soit de l’exploration de carte ou un combat contre un boss, la qualité des orchestrations n’est jamais prise en défaut. Il est d’ailleurs possible de se faire une idée ce travail sur les plateformes de streaming légal.
D’un point de vue graphique, si nous sommes loin du rendu chatoyant du moteur HD-2D de Square Enix, nous déambulons dans un monde en pixel art d’une très grande qualité qui regorgent de détails et de vie. Une balade en forêt signifie observer la fuite de petits animaux tandis qu’un passage dans une grotte amène à des jeux de lumière sur les cristaux. Cette qualité ne se fait jamais contre la lisibilité qui reste exemplaire dans l’ensemble des biomes que nous avons visités.
La prise en main est elle aussi exemplaire. Les contrôles répondent parfaitement et les phases d’exploration, malgré la grande vitesse de nos personnages, ne sont jamais sujettes à des problèmes de collision. Le mapping des touches pour les combats ou la gestion de notre inventaire est optimal, nous ne passons que très peu de temps chez le marchand tant l’interface est efficace et les raccourcis bien pensés. Enfin avec un RPG de cette qualité pour un tarif de base de 25 €, le rapport qualité/prix est clairement à l’avantage des joueurs.
Conclusion
Les fans de RPG au tour par tour ne peuvent faire autrement que de se jeter sur ce Chained Echoes. Tout en lui est fait pour le plaisir du joueur. Avec ses graphismes en pixel art d’une grande qualité et sa bande-son incroyable, il nous emmène dans un univers riche via une narration dense et parfaitement maîtrisée. Ses systèmes de progression et de combats sont une merveille d’optimisation et d’intelligence qui assure un challenge toujours équilibré tout en laissant le joueur libre d’avancer dans l’histoire ou de partir explorer les recoins de ce monde. Plus qu’un hommage aux RPG de la Super Nintendo, Chained Echoes vient mettre la barre très haut dans le monde du jeu de rôle. C’est une œuvre qui mérite sa place dans la ludothèque de tous les possesseurs de Switch et le fait qu’elle soit l’œuvre d’un unique développeur force encore davantage le respect.
LES PLUS
- Entièrement traduit en français
- Les graphismes en pixel art sont soignés et regorgent de détails
- La bande est une merveille du genre qui se renouvelle constamment
- La progression balisée par les boss est une excellente idée
- Le système de combat est à la fois tactique et intense
- Chaque combat nous demande de l’attention
- L’exploration est plaisante et encouragée par le système de défi
- La personnalisation des héros est efficace, très complète et assez libre
- La narration est prenante dès les premières minutes
- Chacun de nos héros a droit à un traitement de faveur
- La prise en main et l’interface sont optimales
- Il y a des méchas
- Le ratio prix/durée de vie est imparable
- Un seul homme derrière tant de qualités et d’idées, c’est impressionnant
LES MOINS
- Il est impossible d’ajouter des points d’intérêts sur la carte
Merci pour ce test ! Après lecture je me suis laissé tenter et…. La vache je suis à 100% d’accord, ce jeu est incroyable !!!
Vive la 2d vive les pixels et vive le jeu vidéo !!
Bonjour.
Existe t’il en version physique ?
Il m’a l’air tellement incroyable que j’aimerais l’acheter autrement qu’en dématérialisée.
Merci !
Salut !
Malheureusement non il n’est pas encore disponible en physique… Un jour peut être chez Limited run…
Il n’y a pas que Limited run, beaucoup d’acteur en ce moment sur ce type de sortie. Comme Just for Games chez nous. La sortie physique dépendra je pense de son succès eShop et surtout de son buzz médiatique.
C’est prévu pour l’été prochain !
Source ?
Je pense l’avoir trouvé sur un site, firstpressgames.
Il propose le jeu en précommande sous différentes éditions.
Je ne l’ai pas encore commandé je voulais avoir vos retours sur ce site.
Je vais me renseigner directement auprès d’eux
Merci !
https://firstpressgames.com/collections/chained-echoes/products/chained-echoes-nintendo-switch-regular-edition
Je doute que d’autres proposeront une collab d’ici là pour distribuer l’édition physique du jeu, la livraison est prévu au dernier trimestre 2023
Merci beaucoup pour ce test, j’ai franchi le pas grâce à lui et je ne le regrette absolument pas, après 20 h de jeu, quel plaisir !