League of Enthusiastic Losers n’est pas vraiment un jeu-vidéo. C’est plutôt une sorte d’expérience narrative, avec très peu d’interactions pour le joueur, créé par yookond, un dessinateur moscovite, et édité par RedDeerGames. C’est un jeu sorti le 23 octobre 2022 sur notre Nintendo Switch, au prix de dix euros.
Que nous propose donc League of Enthusiastic Losers, ce jeu qui n’est pas vraiment un jeu ?
Avant de commencer le test, nous tenons à préciser que le jeu ne propose aucune traduction française. Un niveau moyen / bon en anglais est nécessaire pour jouer à League of Enthusiastic Loser.
C’est quand qu’on joue ?
Depuis quelques années, la narration est devenue une des clés de l’évolution du jeu vidéo. Avec le succès de Life is Strange, Catherine, Hades, The Stanley Parable, ou encore des visual novels, le récit est placé au cœur de l’expérience utilisateur.
Le problème avec League of Enthusiastic Losers, c’est que nous n’avons pas vraiment à faire à un jeu-vidéo. Ici, nous avons une histoire qui se déroule sous nos yeux avec très peu d’interactions possibles.
Le gameplay équivaut à sonner à la porte de notre amie, à valider un ticket de métro… ou à marcher. Nous avons bien à choisir, très rarement, entre une réplique ou une autre, mais ces décisions n’influent aucunement à l’histoire ou à la progression de notre récit. Nous sommes donc dans une expérience narrative, une sorte de roman-photo dessiné.
League of Enthusiastic Losers présente l’histoire de deux losers, Vitya et Volodya, deux russes qui habitent dans le Moscou post-URSS. Alors que l’un est auteur de livres pour enfants et cherche un éditeur, l’autre répare les jouets des enfants du quartier. Alors qu’ils n’ont pas les moyens de payer le loyer, ils sont menacés d’expulsion par leur bailleur, Michael. Vitya et Volodya décident de partir à une chasse au trésor afin de trouver l’argent qui leur manque.
League of Enthusiastic Losers nous présente un scénario dans une structure très classique, avec un incident déclencheur et un conflit central qui sont rapidement identifiables. Cependant, l’histoire possède énormément de failles qui vont gêner le développement de la dramaturgie.
Les personnages, d’abord, ne sont pas assez développés et ne peuvent pas exister hors du récit que l’on suit. Ils ne semblent avoir aucun passé, aucun futur, et cela bloque énormément le joueur pour qu’ils puissent s’identifier à eux. Par exemple, même après avoir terminé le jeu, nous n’avons pas réussi à retenir qui était Vitya de Volodya, la faute à un manque de caractérisation.
L’absence de cohérence dans les nœuds dramatiques bloque aussi le joueur dans la découverte du récit. Alors que Volya et Volodya doivent payer le loyer, ces derniers devraient tout mettre en place pour trouver de l’argent et résoudre leur problème. Cependant, nous avons dans League of Enthusiastic Losers beaucoup trop de scènes où les personnages n’en font rien. Ils flânent, aident le voisinage, discutent avec leurs amis, mais n’essaient rien pour se sauver de l’expulsion. Ces failles structurelles dans le scénario nous empêchent d’avoir de l’empathie pour les personnages. Comment aimer un personnage qui ne met pas tout en œuvre pour atteindre ses objectifs ?
Une expérience narrative avec un mauvais scénario
Les dialogues sonnent creux car ils ne respectent pas la première règle d’écriture pourtant indispensable pour rendre son texte vivant : « Show, don’t tell ». Dans League of Enthusiastic Losers, les personnages énoncent des évidences que le joueur a déjà vécues, vu qu’il était avec le personnage lorsque ces événements se sont déroulés.
Les personnages nous livrent aussi des dialogues informatifs qui ne semblent pas crédibles le moins du monde. Vitya rappelle par exemple au début du récit, sans raison apparente dans le dialogue, que lui et son ami ont quand même quarante ans. Ces informations, mal amenées, ont tendance à alourdir le récit de League of Enthusiastic Losers.
En général, le scénario de League of Enthusiastic Losers, malgré une infime bienveillance, est très creux. Il est assez vide, et nous avons cette désagréable sensation d’auteur qui veut imposer son histoire à son lecteur. Il y a aussi énormément d’éléments incohérents, illogiques pour un récit qui se déroule entre les années 90 et 2000.
Finalement, pour une expérience narrative, nous sommes désappointés d’avoir eu un scénario aussi pauvre.
La durée de vie, pour dix euros, n’est vraiment pas recommandable. Le « jeu » se réalise en moins d’une heure, avec aucune rejouabilité, et une fin en Deus ex machina qui laisse au joueur une sensation amère aux moments des crédits. Quand on sait qu’il existe des jeux narratifs entièrement gratuits comme l’étonnant Emily is Away, nous ne comprenons pas la stratégie de RedDeerGames.
De plus, League of Enthusiastic Losers comporte énormément de glitchs qui donnent l’impression d’une expérience mal codée, pas terminée, et un peu réalisée à la va-vite. Les bulles de dialogue ne s’affichent parfois pas sur les bons personnages, rendant complexe la compréhension de l’histoire.
Les graphismes, en revanche, sont assez jolis, mais ne sont pas assez nombreux. Nous avons une image par scène, ce qui laisse vraiment cette impression que yookond, bien que très talentueux, en a fait le minimum possible.
La musique, comme les graphismes, relève un peu le niveau de l’expérience. Elle est relaxante et apporte son petit moment de détente. C’est elle qui nous donne le courage de terminer l’expérience narrative.
Conclusion
Difficile de recommander à quiconque League of Enthusiastic Loser. Expérience narrative avec un mauvais scénario, le prix de dix euros est ridiculement élevé pour un « jeu » qui se termine en moins d’une heure et qui comporte des glitchs. Heureusement, les graphismes et la musique réussissent un peu à rehausser le niveau de l’expérience.
LES PLUS
- La bienveillance du récit
- Les jolis dessins
- La musique relaxante
LES MOINS
- Ce n’est pas un jeu vidéo ?
- Ou alors un jeu vidéo où le principe est de marcher…?
- Un scénario assez mal ficelé, avec énormément de failles structurelles
- Des incohérences dans l’histoire
- Des dialogues pas très bien écrits
- Dix euros pour moins d’une heure de jeu ?
- Des glitchs
- Pas de traduction française