Inscryption est un jeu qui est arrivé sur la console nippone le premier décembre. Sorti un an auparavant sur ordinateur, il est précédé d’une imposante réputation, en atteste toutes les récompenses que le jeu a acquis au fil de l’année. Son créateur, Daniel Mullins, n’est pas un inconnu dans le monde vidéoludique indépendant : son premier jeu, Pony Island (2016), nous offrait une expérience qui ne nous avait pas laissé indifférents. Inscryption, lui, est édité par Devolver Digital, l’un des plus gros mastodontes dans le jeu-vidéo indépendant.
Inscryption est-il à la hauteur de sa réputation, et que nous offre cette version sur la Nintendo Switch ?
Une expérience singulière et étonnante
Inscryption fait partie des jeux qui sont compliqués à décrire, tant ces derniers offrent des expériences singulières qui se démarquent du paysage actuel. Inscryption est un mélange entre le jeu de cartes, le roguelike, avec des pointes d’énigme et de jeu de rôle.
Notre aventure débute dans la cabane d’un homme effrayant, Leshy, qui nous retient en otage. Ce dernier nous impose de jouer contre lui à un jeu de cartes un peu particulier. En effet, la punition, en cas de défaite, est tout simplement notre mort.
Inscryption est à ce moment-là un jeu de deck-building roguelike classique, à l’image de Slay the Spire. Comme ce dernier, notre objectif est de faire le meilleur deck possible afin de vaincre les boss de chaque niveau.
Pour gagner un combat, c’est assez simple : il suffit d’avoir infligé cinq dommages directs (une carte qui frappe directement l’adversaire et non une de ses cartes) de plus que notre ennemi. Cette mécanique nous force à toujours vérifier la balance qui fait le décompte et à jouer intelligemment nos cartes, car un mauvais coup peut nous amener très rapidement vers une défaite.
Nous débutons avec quatre cartes en main. Le plateau, lui, est de quatre cases en largeur et de trois en hauteur. Sur les deux premières lignes, nous voyons nos cartes en jeu et celles de l’adversaire. La troisième nous montre la prochaine carte de l’adversaire. Mine de rien, ce détail prend une importance stratégique capitale lors des affrontements, nous permettant d’anticiper les coups de l’adversaire. Il nous fait aussi suer à grosses gouttes lorsque nous voyons notre stratégie si bien élaborée qui s’apprête à s’effondrer sous nos yeux impuissants.
Il y a deux types de carte qui sont toutes à l’effigie des animaux : d’un côté nous avons les cartes de base, les écureuils, qui terminent souvent en charpie, et les autres cartes, très utiles, mais qui nécessitent certaines conditions afin d’être jouées. Ces deux types de carte constituent notre pioche. Nous ne pouvons piocher qu’une seule carte par tour parmi ces deux types, et il faudra faire nos choix avec parcimonie. D’un côté, nous avons la garantie d’un écureuil, de l’autre, le hasard d’une carte qui ne nous servira peut-être à rien.
Il y a, à ce moment du jeu, deux façons d’invoquer ses créatures. Chaque carte possède, soit un nombre de gouttes de sang qui représente le nombre de cartes à sacrifier pour pouvoir la jouer, soit un nombre d’os. Nous acquérons des os à chaque qu’un de nos monstres est tué ou sacrifié.
Pour compléter la partie construction de deck, chaque carte possède des compétences qui sont propres à l’animal. Ces dernières sont variées et permettent à avoir des mécaniques que nous n’avions jamais vues auparavant dans un jeu de cartes. Nous avons par exemple, le louveteau, qui, au bout d’un tour, évolue dans un terrifiant loup, la mante, qui peut tirer sur plusieurs cases en même temps, ou encore la garenne, qui, une fois jouée, nous rajoute un lapin dans notre main.
Un jeu qui joue avec le fond et la forme
À cette mécanique très bien huilée s’ajoutent des événements aléatoires que nous croiserons sur notre route, et qui pourront transformer en profondeur notre deck, comme la possibilité de sacrifier une carte pour qu’elle donne sa compétence à une autre carte. Les boss ont, bien sûr, des techniques différentes des autres ennemis, mais nous préférons ne rien vous dire pour vous garder la surprise.
Inscryption possède une part de roguelike non négligeable : lorsque nous mourrons, l’effroyable Leshy, avant de nous tuer, nous transforme en carte à jouer afin de se délecter de notre mort. Nous avons alors le choix de calquer la puissance, la compétence et le coût d’invocation de notre propre carte en choisissant parmi trois cartes tirées à chaque fois au hasard dans notre deck. Cet élément est crucial, car, grâce à notre mort, et donc, avec l’aide de nos propres cartes, nous arrivons à créer des decks de plus en plus intéressants.
De plus, il est possible de se déplacer dans la cabane de notre ravisseur durant la partie afin de résoudre des énigmes qui vous aideront… peut-être.
Toutes ses mécaniques fonctionnent très bien ensemble et nous offrent un jeu de cartes avec des mécaniques vraiment originales, addictif, qui nous donne envie de vaincre une fois pour toute notre tortionnaire pour voir si nous pouvons nous sauver de cet enfer. La difficulté et la progression sont excellemment bien dosées. Chaque défaite ou avancée dans l’histoire nous permet de débloquer de nouvelles mécaniques, de nouvelles familles d’animaux avec leurs propres compétences.
Nous allons par exemple débloquer des objets à usage unique, qui peuvent nous dépanner pendant le combat. Il y a, par exemple, le bocal rempli d’os, qui nous aide quand nous ne pouvons plus rien jouer.
Maintenant que les bases du jeu de cartes sont posées, que vous voyez à quel point le jeu possède des mécaniques réfléchies et bien pensées, imaginez que ce que nous venons de vous présenter n’est pas le cœur du jeu. Imaginez qu’Inscryption est peut-être plus qu’un jeu bouclé type roguelike, et que celui-ci possède un scénario très construit, et que, s’enfuir de la cabane n’est pas la fin du jeu mais seulement le début de votre histoire.
Une fois que vous aurez ça en tête, vous comprendrez à quel point Inscryption est une sorte d’OVNI dans ce monde vidéoludique. Nous ne vous divulgâcherons rien pour ne pas altérer le plaisir, mais sachez qu’Inscryption est un jeu qui vous surprendra. Nous reconnaissons clairement la patte de Daniel Mullins, capable de créer des expériences hors du commun, mélangeant les genres, les styles, avec un amour inconditionnel pour le jeu vidéo et une sensation d’angoisse permanente.
Une expérience qui n’est pas faite pour tous
Alors, nous voulons prévenir : Inscryption n’est pas un jeu de deck-bulding au sens propre du terme. Ces changements peuvent décevoir ceux qui auraient voulu s’aventurer dans une expérience plus classique, et qui ne cherchaient qu’un jeu de cartes pour passer le temps.
Nous avons eu des échos pendant que nous écrivions le test de personnes qui avaient pris le jeu comme un classique jeu de cartes, et avaient abandonné avant même d’être sorti de la cabane de Leshy. Inscryption est vraiment une expérience singulière, et il est indispensable de le prendre comme telle avant d’acheter le jeu.
Nous vous conseillons aussi de ne pas regarder de vidéos ou de live sur ce jeu si vous ne voulez pas gâcher votre propre expérience.
Pour nous, qui aimons les jeux qui nous bousculent, qui nous surprennent, Inscryption a vraiment été un très agréable moment. Malgré son histoire quelque peu loufoque, parfois tirée par les cheveux, nous avons eu un plaisir rare à faire ce jeu, à se laisser embarquer dans cet univers incroyable.
Inscryption est rempli de bonnes idées, parfois folles, d’énigmes, de fausses pistes, et de secrets à débloquer. Nous avons été tellement charmés par ce jeu que nous voudrions vous en parlez plus en profondeur, mais nous savons pertinemment que cela atténuerait le plaisir que vous aurez à le découvrir. Le jeu est rempli de clins d’œil, de traits d’humour, et si vous avez été bercé par Magic, Yu-Gi-Oh! ou n’importe quel autre jeu de cartes, vous serez clairement dans votre monde.
Le jeu possède d’incroyables qualités de narration, une superbe réalisation, et une ambiance terrifiante à souhait. Nous sommes vraiment dans le top du jeu vidéo indépendant, et Devolver Digital a, comme toujours, le nez creux pour trouver des pépites.
Malgré tout, le jeu possède parfois quelques longueurs, quelques petits moments de flottements dans sa deuxième et troisième partie. Ces flottements sont malheureusement liés à la structure du jeu en lui-même : en se renouvelant sans cesse, dans son gameplay et dans sa forme, Inscryption est un jeu certes cohérent, mais dont certaines parties sont inégales.
Avec des idées géniales et une ambiance dérangeante à souhait
La direction artistique d’Inscryption est quasiment parfaite. Alors que nous sommes parfois fatigués de voir des jeux indépendants, qui, par facilité le plus souvent, font du pixel art bas de gamme, nous avons enfin un jeu qui n’a pas les graphismes d’un triple AAA, mais qui, par sa direction, en impose.
Les graphismes ne sont pas beaux, nous ne sommes pas subjugués comme nous avons pu l’être dans Hades ou même dans Kingdom: Classic. Nous avons des graphismes angoissants, qui nous placent directement dans cet univers dérangeant et malsain. La direction artistique, tout en mélangeant les styles, réussit à nous plonger dans l’histoire, à nous la faire vivre encore plus intensément. Pour nous, c’est la preuve d’une direction artistique réussie.
La bande-son est exceptionnelle. Là encore, ne vous attendez pas à des musiques qui vous hantent comme le terrifiant Jesus Loves Uke de The Binding of Isaac: Rebirth ou les douces chansons de Spiritfarer. Nous avons plutôt affaire à un design sonore, qui, comme les graphismes, renforcent l’ambiance terrifiante d’Inscryption. Même dans des moments de repos, la bande-son réussit par exemple à nous faire ressentir le côté malsain de la cabane dans laquelle nous sommes enfermés.
Inscryption a une durée de vie pas très grande mais de qualité. Pour vingt euros, vous avez une expérience qui se termine en huit à dix heures, et qui vous propose par ailleurs du contenu post-game. La version sur Nintendo Switch est très agréable, même si l’expérience à la manette est parfois un peu rigide. C’est aussi un grand plaisir de pouvoir continuer notre aventure partout où on va, et le jeu est aussi agréable en mode docké qu’en portable.
La traduction est quasiment parfaite, même si, sur certains passages, l’option sous-titres n’est pas la plus évidente à trouver.
Conclusion
Inscryption est une véritable pépite et un OVNI dans le paysage vidéoludique. Créé par ce fou de Daniel Mullins, c’est une expérience singulière qui joue avec les genres, le fond et la forme. Guidé par une direction artistique, un design sonore et un game design de très haut niveau, Inscryption est un jeu, qui, pour sûr, nous marquera pendant de longues années. Attention cependant, si vous cherchez un jeu d’horreur ou un jeu de cartes plus classique, ce jeu n’est pas fait pour vous. Nous conseillons Inscryption à tous les curieux, à tous ceux qui aiment les jeux qui bousculent les codes et les conventions, et bien sûr, à ceux qui aiment être surpris.
LES PLUS
- Un jeu indépendant dans le très haut du panier
- Une aventure unique qui nous marquera longtemps
- Une direction artistique exceptionnelle
- Un travail sur le son vraiment tout aussi exceptionnel
- Un game design rempli d’idées géniales
- Un gameplay très réussi
- Un réel plaisir d’y jouer, d’être surpris en permanence
- Des secrets de partout, des énigmes, de la réflexion
- Une structure narrative linéaire mais vraiment étonnante
- Un rapport qualité / prix vraiment très intéressant
- L’intelligence du post-game
- Des références de partout
LES MOINS
- Le scénario parfois trop tiré par les cheveux
- Quelques longueurs sur la deuxième et troisième partie
- Quelques difficultés par moment à trouver les sous-titres
- L’expérience à la manette parfois rigide
- Pas adapté pour ceux qui chercheraient un simple jeu de cartes à la Slay the Spire
incroyable! unique en son genre! très original ce délire! à recommander chaudement!!!!!!
Superbe test pour un superbe jeu. Je suis tout chose lorsque je me remémore la surprise de ce qu’il advient une fois Leshy battu. Il faut s’y remettre mais j’ai apprécié la suite parce que justement elle est totalement inattendue.
Merci ! Je garde encore un tellement bon souvenir de ce jeu ! Ce fut vraiment une claque pour moi à l’époque.