Severance : Blade of Darkness, le titre original à sa sortie en 2001 sur PC, est de ces jeux oubliés qui ont néanmoins marqués les joueurs qui s’y sont frottés à l’époque. Plutôt que de refondre le jeu avec des graphismes d’aujourd’hui et un gameplay moderne, l’éditeur QUBIC et les développeurs espagnols de Rebel Act Studios ont préféré laisser tel quel le jeu sur Switch : la 3D est d’époque, celle des bons vieux Pentium, avec des textures datées mais des jeux de lumière et des reflets dans l’eau bluffant au tout début du XXIème siècle et les commandes ont été pensées pour la manette Switch, sans pour autant qu’elles soient améliorées. Un remake ? Non, ce serait plutôt un portage qui aurait pris tout son temps – plus de vingt ans – pour nous parvenir.
Blade Souls
La délicieuse tambouille action-aventure/beat-them-all/Rpg/Sword and Sorcery a nourri depuis plus de quarante ans quelques solides gaillard(e)s à la chevelure grisonnante. Pour les connaisseurs, hache dans le dos et peau de loup sur les épaules, Blade of Darkness est proche dans l’esprit d’un Dragon’s Blood/Draconus – Cult of the Wyrm sur Dreamcast, tout en étant plus subtil et plus élaboré ; et d’un Rune pour l’exploration et la plate-forme. Il suggère même par bien des aspects le futur Dark Souls…
Pour l’histoire, ne cherchez pas bien loin : 4 héros vont, épées levées et hurlements adéquats, affronter hordes d’Orcs, squelettes et créatures du Chaos histoire de sauver de la perdition les fameux Royaumes Centraux (ceux non loin, ou presque, de la Terre du Milieu). Et pour se faire, ils vont voyager à travers une map qui se partage entre bons gros châteaux forts et sombres cryptes, en passant par la montagne enneigée ou temple d’orient. Le jeu compte 18 niveaux en tout dont 4 qui sont propres à chaque perso, en tout début de partie. Nous pourrons souvent choisir notre chemin entre 2 stages et le véritable dernier niveau est à débloquer en collectant toutes les runes cachées durant notre périple. En plus des combats, il y aura des pièges à éviter et quelques phases de plate-forme avec des sauts au-dessus du vide (ils sont rares, mais ils sont marquants).
Déplacer notre barbare, nain, amazone, chevalier (rayez les mentions inutiles) rappellera quelques souvenirs aux vieux routards. Il faudra par exemple mettre les warnings pour prendre un virage et se sortir d’un mur, consécutif au virage. C’est digne du premier Tomb Raider, datant de 1997, mais sans les cabrioles en l’air. Pourtant les combats ont un certain attrait grâce à un bel arsenal et à des combos propres à chaque arme, nos coups pouvant s’enchainer dans une belle déferlante pour, in fine, trancher l’ennemi façon mortadelle. Avant ceci, nous pourrons locker les ennemis. C’est une bonne chose, car ce n’était pas si courant à l’époque. Bien entendu c’est du lock d’antan, capricieux, qui nous perd dès lors qu’il y a deux ou trois ennemis à l’écran ou suite à un coup d’épée un peu trop enthousiaste. Nous nous devrons de le réactiver régulièrement pour ne pas mouliner du vent.
Le boss caché au fond du couloir
Malgré des défauts qui n’ont pas été rectifiés et qui pourraient rebuter les nouveaux venus, Blade of Darkness garantit un vrai retour sur investissement. Les combats s’avèrent gore à souhait, intenses, indécis, un peu brouillon parfois mais très intéressants avec une esquive, une garde (les boucliers finissent par exploser si on en abuse) et une barre d’endurance à gérer comme dans un certain Dark Souls.
Autre point commun avec le titre de From Software : les boss sont de véritables morceaux de choix (le squelette enflammé, seule source de lumière dans un caveau plongé dans les ténèbres est particulièrement impressionnant, même vingt ans après) et nous maintiennent en respect. Éprouvants, tétanisants même, ces combats-là le sont ; surtout lorsqu’ils s’enchaînent sans avertissement alors que notre barre de vie fait grise mine et que les potions viennent à manquer.
Globalement, le jeu laisse peu de répit et peut accabler le joueur dilettante : n’importe quel mob, même le plus insignifiant, est un danger tant qu’il est encore en vie. La possibilité de sauvegarder à tout moment permet d’infléchir cette difficulté et de profiter de l’expérience avec un minimum d’espoir (il en faut).
Il faut comprendre par là que c’est à nous de gérer notre sauvegarde, comme des grands. En effet, il n’y a pas de sauvegarde automatique, même après avoir passé un niveau. Il faudra donc penser à faire la chose régulièrement, sans se tromper de slot (écraser sa partie à jamais est toujours un risque) et le faire à bon escient (exemple : ne sauvegardez pas avant de mourir, ce serait ballot). À moins, tout compte fait, que vous ne préfériez faire d’une traite ou presque les niveaux ? C’est ce que suggère les fichiers de sauvegarde eux-mêmes : à mesure que le nombre de saves augmente, le statut honorifique de notre héros rétrograde. Nous perdons littéralement en prestige ! Un bon point pour ne pas en abuser.
En plus du challenge et des combats, ce qui finit de nous convaincre du grand intérêt encore aujourd’hui de Blade of Darkness, c’est l’exploration. Le level design rappelle les niveaux échafaudés avec soin des Tomb Raider et autre Soul Reaver avec des zones délicieusement labyrinthiques, et cohérentes, garnies en pièges et en hauteurs, sans jamais nous prendre par la main pour nous dire où aller. Les joueurs habitués aux cartes et aux points d’intérêt pourront se sentir perdus mais il faut avouer que la satisfaction est grande lorsque nous trouvons un passage secret donnant sur la cachette d’un fabuleux trésor (rune, potion de puissance, pièce d’armure ou arme dévastatrice) ou bien, l’ultime boss qui se terrait tout au fond d’un sombre donjon.
Conclusion
Blade of Darkness est une perle noire, obscure, enfouie dans les entrelacs de nos mémoires. Elle ressurgit telle quelle sur Switch, sans avoir été polie, et conserve un grand pouvoir d'attraction si nous mettons sous le tapis la poussière (en effet, c'est poussiéreux) et les (gros) défauts, bien voyants. Un excellent jeu, particulièrement difficile, pour un public averti.
LES PLUS
- Le charme d'antan, sans retouche
- Un avant-goût de Dark Souls
- Des combos propres à chaque arme (et des armes, il y en a une pelletée)
- La barre d'endurance à gérer
- Des combats intéressants
- De vastes niveaux labyrinthiques
- Une durée de vie conséquente
- 4 persos bien différents
- Pouvoir sauvegarder à tout moment
- Pas de carte, pas de point d'intérêt (à l'ancienne, vous dis-je !)
- Voix et textes en français
LES MOINS
- C'est brut, c'est d'époque, c'est sans retouche
- Graphismes vieillots
- La difficulté peut marquer les nerfs au fer rouge !
- Des déplacements, style tractopelle
- Le lock capricieux
- On peut tourner en rond
- Ne pas oublier de sauvegarder !!