Le monde des samouraïs inspire toujours une certaine dose de respect, presque de recul face à ces guerriers du Japon féodal. L’usage des armes soumis à un apprentissage traditionnel et hiérarchique confère à cette partie de la population une aura très particulière. De nombreux titres leur sont déjà dédiés mais c’est aujourd’hui dans une atmosphère très mystique et pourtant ô combien brutale, que ce Trek to Yomi nous embarque. Prenez garde, le voyage n’est pas conseillé à tout le monde…
Développé par par Flying Wild Hog, Leonard Menchiari, TFL Studios LLC et édité par Devolver Digital, Trek to Yomi propose aux joueurs une immersion dans le milieu singulier et fort atypique des samouraïs. L’histoire prend naissance dans un temple, tandis que le jeune Hiroki est en plein entraînement auprès de son maître Sensei. Ce dernier lui enseigne alors les prémices d’un savoir ancestral, se transmettant de génération en génération, afin de protéger le village contre les envahisseurs. Malgré son jeune âge, Hiroki (= vous), se montre d’ores et déjà capable d’un maniement minutieux et, tandis qu’il apprend une nouvelle attaque auprès de Sensei, ce dernier est contraint de quitter précipitamment le temple, sous le regard paniqué de sa fille Aiko, qui est aussi votre amie la plus précieuse. Ce départ soudain ne présage rien de bon… mais n’écoutant que son courage, Hiroki n’hésite pas un instant à prêter main forte à son maître. Un scénario à la fois empreint d’une certaine beauté, mais aussi d’une violence assurée. Le jeune garçon court à travers les ruelles qui hurlent leur angoisse… et ce n’est rien encore face à ce qui l’attend.
Prévisible : Sensei meurt au combat sous vos yeux gorgés de révolte. Une révolte qui devient le moteur d’une promesse : ne plus jamais laisser le village aux mains des bandits et protéger ses habitants quoiqu’il en coûte. Face à de tels drames, vous grandissez très vite… et devenez un guerrier fort et prêt à livrer la bataille de votre vie.
« L’honneur ou le déshonneur ne sont pas dans l’épée mais dans la main qui l’empoigne » V. Del Arbol
Hiroki part dans sa quête. Une quête qui va le conduire auprès de nombreux villageois dans le besoin, dans la détresse, dans la panique, dans la peur viscérale de perdre un proche avant de se perdre soi-même. De nombreux ennemis, majoritairement des bandits, faits de chair mais pas que, sèmeront la terreur sur leur passage et il est du devoir de Hiroki, il est de votre devoir, d’éliminer ces démons afin de sauver ceux que le peuvent encore… mais aussi pour poursuivre votre quête afin de comprendre ce qu’il s’est passé et assouvir votre vengeance qui vous ronge depuis l’enfance. Les combats sont ainsi nombreux et permettent de déployer un florilège de techniques plus ou moins élaborées, même si les plus simples seront toutes aussi efficaces pour venir à vous débarrasser de la majorité des ennemis. Le bouton Y permet en effet de réaliser une attaque simple, tandis que le bouton X propose une attaque plus musclée. Tout bon samouraï ne fait guère l’impasse sur l’esquive et nous vous recommandons effectivement d’en faire usage encore et encore, avec le bouton L. L’esquive s’avère être d’autant plus intéressante qu’elle peut aussi être la source d’un étourdissement de votre adversaire… Pratique pour lancer l’exécution finale, et en plus vous retrouverez un peu de santé ! Les armes à distance seront aussi de la partie, avec une utilisation plutôt aisée grâce au bouton ZR. Ces dernières permettent de se sortir de situations plus délicates…
Ainsi, celles et ceux qui apprécient les enchaînements de touches pour réaliser des combos seront ravis. Les autres pourront se contenter des touches simples à multiples reprises. Dans tous les cas, il est nécessaire de garder un œil sur la barre de vie, mais aussi sur celle dédiée à l’endurance. Cette dernière s’amenuise au fil de certaines activités (comme la course mais aussi parer des coups, nettement plus contraignant !). Le jeu présente plusieurs niveaux de difficulté, mais il convient de rester un minimum vigilant y compris dans le mode facile. Un coup de katana est très vite arrivé !
Ces attaques seront néanmoins prévisibles : elles ne surviennent que dans un défilement horizontal (tandis que l’évolution générale est, un peu, plus large) même si certains bandits font parfois les fanfarons au premier plan. Cette appréciation des combats peut parfois être un peu déroutante puisque la visibilité peut être réduite de part une certaine distance ou encore par un décor pile là où vous voulez mener l’attaque. Néanmoins, cette mise en scène met tout particulièrement en valeur la patte graphique incontestable du soft qui peut se vanter d’être à la fois beau et original, alors qu’il ne se dore que de blanc et de noir. Tout en finesse, tout en sobriété.
Hurlant, mais toujours en noir et blanc
Voilà qui est audacieux… mais voilà qui est réussi. L’aventure de Hiroki se déploie dans un dégradé de noir et de blanc, dans un subtil mélange de gris innombrables. Les décors semblent tout droit sortis d’un vieux film japonais, voire même de diverses photographies alors que le grain devient plus fort. Certains joueurs pourraient railler à des graphismes qui vont jusqu’au léger scintillement, quand d’autres parviendront à déceler toutes les couleurs du jeu dans une aventure loin d’un simple monochrome gris.
Ce choix délibéré et assumé permet à la fois une touche graphique incontestable, mise en avant par de parfaits jeux de lumière, notamment dans les maisons traditionnelles qui se parent pour certaines d’un réalisme séduisant, mais aussi d’une atmosphère très particulière… L’aventure est pleine de violence, pleine de terreur comme énoncé au début de ce test. Orné de couleurs, le titre aurait rapidement été couvert de sang, de rouge à outrance : les corps giclent, les âmes hurlent avant de s’envoler vers le pays de la mort (quand elles n’y sont pas déjà). Cette décadence hurlante de violence peut mettre mal à l’aise (elle nous a mis mal à l’aise), mais elle fait front à ce noir et blanc qui persiste, comme une peinture qui refuse d’être tâchée de sang malgré toute l’horreur qu’elle recèle. L’hémoglobine reste noire…
Cette détresse paradoxale frise l’agonie dans les bruitages. Ces derniers se montrent précis, vomissant leurs tripes et leurs peurs à chaque mise à mort. Tout cela dans une ambiance qui donne l’impression de mises à mort programmées, presque dans la sentence. Les sonorités font référence sans équivoque à l’univers asiatique, l’ambivalence avec la possible méditation (surtout dans les sonorités au début du jeu) et les morts qui s’empilent, est brutale. Ceux qui n’ont guère l’habitude de jouer à ce type de jeu (et les plus jeunes) pourraient être mal à l’aise… Les adultes, les habitués, adoreront et poursuivront leur quête avec courage et fierté.
Toile de maître ?
Comptez environ 4 à 5 heures pour clôturer l’aventure. Sachez qu’il vous faudra par ailleurs choisir votre destin sans trop de conséquences tout de même. Mais nous avons été surpris par cette première opportunité après 2 heures d’aventure, nous laissant un peu pantois face au choix à réaliser (comment faire pour choisir les 3 réponses svp ?).
La progression est facilitée par de nombreux points de sauvegarde, des sanctuaires qui feront aussi office d’auge à la vie puisque vous pourrez récupérer l’intégralité de cette dernière. Une vie qui sera de plus en plus grande grâce à quelques amplificateurs dispersés dans l’aventure, tout comme l’endurance, tout aussi importante dans votre progression, qui va croître au fil des heures.
L’aventure ne souffre d’aucune latence, y compris après la mort. Le retour à la vie à proximité du dernier sanctuaire est quasi automatique, un véritable bonheur ! Le rythme de la progression n’est ainsi guère brisé, fait tellement appréciable lorsqu’il convient de recommencer un combat plusieurs fois !
Une progression que nous avons trouvée tout de même un peu redondante… Quelques surprises parsèment l’aventure, avec un décor qui se met en scène ou encore quelques énigmes, mais globalement il va falloir aller de l’avant et frapper, frapper, frapper… et frapper encore plus fort sur certains boss belliqueux afin de voir leur barre de vie au sommet de l’écran réduite à néant. Le cheminement reste par ailleurs prévisible mais les quelques cinématiques toujours appréciables.
Fort heureusement, le parcours n’est pas une épaisse ligne droite et Hiroki sera vivement récompensé à farfouiller un peu partout. Ainsi, de nombreux objets remarquables sont à collecter et vous permettront de mieux comprendre tout cet univers. Bien entendu, certains sanctuaires mais aussi les munitions, peuvent aussi être un peu (léger) cachés. Enfin, il est assez jouissif de rentrer dans une maison et d’en sauver les résidents des mains cruelles des bandits… Même si vous devez aussi faire usage de la force (et de giclées de sang) pour y parvenir. Ainsi va la vie d’un samouraï…
Trek to Yomi est disponible sur l’eShop de la Nintendo Switch au prix de 20 euros environ.
Le saviez-vous ?
Certaines femmes étaient prêtes à prendre les armes et à combattre avec tout autant de courage et de bravoure que les hommes. Ces dernières portaient alors le nom de onna-bugeisha, ce qui signifie « femme pratiquant les arts martiaux ».
Conclusion
Encore un peu sous l'émotion de toute cette violence, difficile pourtant d'accabler l'aventure du valeureux Hiroki qui écoute à la fois son courage mais aussi ses croyances et ses promesses pour venger la mort de son maître, désormais seul face à tant de cruauté. L'aventure comporte un grand nombre de combats, avec une prise en main accessible ou plus complexe selon le type de coups souhaité, le tout dans une atmosphère graphique munie d'une aura très singulière. Le joueur est accompagné dans sa quête par quelques légères mélodies mais aussi par de nombreux bruitages qui ne cesseront de lui rappeler combien il ôte la vie à son tour pour espérer préserver les siens. Si la progression est avant tout linéaire, elle parvient à montrer quelques subtilités et offre aux joueurs plusieurs chemins plus discrets à découvrir. Enfin, des sous titres français sont présentés, jumelés à des dialogues japonais. L'ambiance samouraï, tout du moins telle que nous l'imaginons, est belle et bien là...
LES PLUS
- Un univers graphique singulier, assumé et réussi !
- Une ambiance très particulière... face à toute cette violence !
- Une prise en main facile, qui permet aux novices de se contenter des attaques les plus simples, tandis que les habitués s'amuseront avec les multiples combos.
- Traduction française.
LES MOINS
- Une aventure un peu redondante dans ses mécaniques générales.
- Une durée de vie un peu courte.