Il y a quelques années de ça, une amie m’avait emmené au cinéma voir un film dont je n’avais absolument pas entendu parler : American History X, la plus grosse claque de ma vie. Cette sensation de surprise tend à disparaître dans notre monde ultra connecté où la moindre annonce fait l’objet de rumeurs toujours invérifiables et pourtant, de temps en temps, il nous arrive encore de vivre une telle émotion. C’est justement ce qu’il m’est arrivé avec le dernier titre de Nippon Ichi Software : Labyrinth of Galleria : The Moon Society. Une surprise venue de nulle part qu’il est bien difficile de lâcher une fois commencée… enfin pour ceux qui parle anglais.
Avis à la population
Et oui, malheureusement pour le public non-anglophone, il va falloir faire un trait sur Labyrinth of Galleria et ce sera la seule et unique critique que nous allons pouvoir émettre à l’encontre du titre de NIS, tant celui-ci nous a maintenus accrochés à notre console hybride préférée. Non traduit en français et dans un registre anglais d’un niveau plutôt soutenu, il va être très compliqué de suivre la narration et de comprendre l’ensemble des mécaniques mises en place, et elles sont nombreuses, sans posséder une maîtrise au moins satisfaisante de la langue du quinze de la rose.
D’autant plus que les premières minutes nous présentent les bases de l’histoire avant de nous expliquer les bases du gameplay puis de nous envoyer dans le labyrinthe en continuant de nous offrir des explications sur les nouvelles mécaniques que nous découvrons au fur et à mesure de leur déblocage. Cette première partie sera un cauchemar pour les non-anglophiles qui vont très vite poser le dernier titre de NIS pour ne plus y retoucher. Les autres joueurs pourront découvrir des personnages attachants, un univers intéressant et des mécaniques de jeu complexes.
Maintenant que cet avertissement a été dûment émis, arrive pour nous la lourde tâche de vous faire un compte rendu de tout ce qui fait l’attrait et le charme de ce Labyrinth of Galleria : The Moon Society et cela sans rien oublier. Commençons par l’histoire que nous allons vivre. Celle-ci nous est contée dans la plus pure tradition du RPG à l’ancienne avec des décors fixes sur lesquelles des personnages fixes viennent discuter.
Nous y rencontrons tout d’abord Eureka de Soleil, notre héroïne qui vient d’une famille noble, mais qui doit malgré tout se trouver un travail pour joindre les deux bouts. Elle répond pour cela à une annonce demandant une personne capable de retrouver des objets perdus. Ne sentant pas venir l’arnaque, elle prend ses plus belles affaires et se rend au manoir de Galleria pour prendre part à l’entretien d’embauche préalable.
Elle fait alors la rencontre de Madame Marta, une gentille grand-mère/sorcière, qui gère en sous main le projet pour le conte Bismont et qui nous apprend que le métier n’est pas si simple que cela puisque dans un premier temps, il faut que nous soyons capables de fusionner notre cerveau avec celui d’un esprit puis que nous partions, psychiquement, en compagnie de celui-ci, à la recherche d’objets magiques, les Curios d’Art, qui se trouvent dans un labyrinthe magique accessible seulement depuis une garde-robe mangeuse d’hommes.
À partir de ce début déjà prometteur viendra se greffer tout une galerie de personnages qui auront chacun leur moment d’importance au fur et à mesure que notre histoire progressera. Entre les enfants de la région, le petit fils de Madame Marth, le chat qui se balade et les différents nobles cherchant à s’accaparer les Curios, il y a de quoi vivre une grande et intrigante aventure et c’est justement ce que nous propose le titre de NIS. Ces histoires ne prennent jamais trop de place et elles nous laissent profiter des mécaniques de gameplay mises en place tout en se montrant suffisamment prenantes pour nous laisser l’envie d’aller toujours plus loin et de découvrir le fin mot de toutes ces histoires qui s’entremêlent.
Liberté, j’écris ton nom
Une fois ces présentations faites et bien avant de découvrir tous les rebondissements qui nous attendent, nous allons devoir parcourir le labyrinthe. Pour cela, nous allons devoir envoyer notre esprit lige, surnommé Fantie, qui aura à sa disposition une équipe de choc formée de plusieurs poupées auxquelles nous allons donner vie. Ces poupées, il nous faudra les disposer en clan et nous disposerons de cinq clans durant notre exploration.
Nos déambulations dans le labyrinthe se font sous la forme d’un Dungeon Crawler. Et c’est ici que se présente l’effet waouh pour l’ensemble des joueurs barbus. Un Dungeon Crawler, pour les petits nouveaux, c’est un style de jeu qui nous envoie parcourir un monde en vue subjective, mais avec des déplacements case par case. Si les années 80 en ont été l’âge d’or du genre avec des titres tels Eye of the Beholder, Black Crypt ou Lands of Lore ; ces mécaniques sont tombées en désuétude et seuls les géniaux Legend of Grimrock sur PC et, dans une moindre mesure, Kowloon High-School Chronicle sur Switch, ont su maintenir la flamme active.
Nous allons donc devoir explorer les couloirs de ce labyrinthe en compagnie de notre compagnie de poupée. Si une carte, qui se dessinera au fur et à mesure de manière automatique, nous aide à nous repérer. Aucun chemin balisé ne viendra nous aider et la sensation de partir librement en exploration dans ces galeries est totale. À aucun moment nous n’avons l’impression de suivre un GPS, c’est tout l’inverse qui se produit. Nous sommes seuls face à nos choix. Cette sensation de pilleurs de tombes est renforcée par la première des capacités spéciales de Fantie que nous débloquons. Nous allons pouvoir, peu importe où, détruire n’importe quel mur qui nous fait face et ainsi passer à travers.
« Un labyrinthe dans lequel nous pouvons passer à travers les murs ! Mais qu’est-il passé dans la tête des développeurs de chez NIS, ça devient complètement cheaté un truc pareil ! » déclareront les plus impudents lecteurs. Et bien c’est tout le contraire qui se passe. Notre esprit de liberté et d’explorateur s’en trouve exacerbé et l’intelligence incroyable du level design mis en place joue parfaitement avec cette mécanique sans pour autant nous mâcher le travail.
Notre mission est d’explorer le labyrinthe et c’est justement ce que faisons. Nous n’avons jamais aucune idée de ce que nous cherchons et de ce sur quoi nous allons tomber. Un boss, un trésor, un cul-de-sac, il est impossible de le prévoir à l’avance tout comme il est impossible de savoir si nous allons dans la bonne direction. Et pourtant c’est bien ce qui se passe et le tout se fait naturellement. Réussir à nous emmener dans la bonne direction sans jamais donner l’impression de nous guider ni brider notre sentiment de liberté est le véritable tour de force de ce Labyrinth of Galleria.
Notre Fantie se découvrira de nouvelles capacités tout au long de notre aventure, celles-ci sont plus classiques pour le genre et nous rappellent que nous ne sommes que dans un jeu vidéo avec des contraintes. Elles ne gâchent en rien notre plaisir et nous encouragent à toujours aller plus loin dans les niveaux qui nous entourent quitte à revenir en arrière pour débloquer un nouveau chemin regorgeant de nouveaux monstres et de nouveaux trésors.
Le choix d’une vie
Car oui, qui dit labyrinthe dit monstres et trésors. Et nous allons pouvoir évoquer le côté RPG du titre de NIS. Notre équipe est composée de poupées, facile. Ces poupées sont regroupées en clan, easy. Lors de nos explorations, nous allons rencontrer des monstres, normal. Ces monstres, qui se déplacent eux aussi case par case, nous pouvons les éviter, les fuir, mais aussi les combattre, cool. Pour cela nous allions devoir leur donner des ordres. Ces ordres concernent soit le clan en entier, soit chacun des membres qui le constituent. Mais pour avoir le droit de faire un tel partage, il va nous falloir dépenser des points de renforts. Et c’est maintenant qu’il va falloir s’accrocher pour ne rien rater.
Dans un premier temps, nos clans sont constitués d’un seul élément et nous coûtent zéro point de renfort. Puis nous débloquons des clans pouvant contenir jusqu’à six avatars, dont trois en attaque et trois en soutien, soit un total de trente combattants. Mais ces clans nous coûtent des points de renforts et nous n’en avons que cent à notre disposition. De plus ces points de renforts seront utilisés durant notre exploration et nos combats pour les capacités de Fantie. Démarrer une run avec un nombre de points amputés sera forcément à notre désavantage en termes d’exploration, mais cela facilitera nos combats, le choix est alors nôtre.
Cette décision est toutefois facilitée par la montée en niveau de nos clans qui nous coûtent alors de moins en moins de points de renforts pour être déployés. Mais nos regroupements ne sont pas les seuls à monter en compétence. Les unités qui les constituent en font tout autant, mais à des rythmes différents. Une unité attaquante gagnera plus d’expérience qu’une unité en soutien, même si les deux peuvent recevoir des dégâts durant les combats. Les statistiques de chaque combattant sont donc indépendantes et chacun d’entre eux a des capacités différentes. Il est tout à fait possible de constituer des clans homogènes en termes de types de combattants et d’armes comme de varier les plaisirs.
Il existe de nombreux types d’armes différents tout comme de nombreux types de magie. Il va nous falloir optimiser au mieux le tout pour être capables de faire face à l’ensemble des situations possibles. Là encore, la variété des ennemis rencontrés est un véritable plaisir qui nous demande de toujours réfléchir à l’ordre que nous allons lancer pour ne pas nous retrouver en mauvaise posture. Cette préparation tient compte de la position relative de nos clans entre l’avant-garde et l’arrière-garde, mais aussi de la position relative des uns avec les autres et de la forme prise par ces clans. En fonction des affinités entre nos unités, des bonus peuvent être lancés et la position générale de nos clans nous octroiera des bonus de position. Le tout est incroyablement riche et nous permet de nous sortir de nombreuses situations pourtant bien mal embarquées. Les combats sont rarement gagnés d’avance.
Et le plaisir ne s’arrête pas là. Nous allons pouvoir, en fin de combat, choisir entre un stockage de l’expérience gagnée ou une régénération partielle de notre jauge de vie. Un petit plus qui ajoute de la tension à chaque combat et à l’exploration. Une fois revenus sains et saufs dans la manière, nous allons pouvoir améliorer nos armes et armures en dépensant le fruit de notre exploration. Les monnaies que représentent les pièces d’argent et le mana ne seront jamais de trop et, sans connaître un rationnement excessif, nous sommes sans cesse encouragés à repartir à l’aventure.
Le sens du détail
Et pour clore ce test, nous allons aborder ce qui vient trop souvent gâcher des idées intéressantes, la technique. Ce n’est jamais le cas avec Labyrinth of Galleria : The Moon Society, bien au contraire, chaque détail a été réfléchi pour nous offrir une expérience de jeu toujours optimale, à commencer par l’interface générale que nous utilisons. De nombreux raccourcis sont présents et nous ne sommes jamais contraints à des manipulations pénibles et chronophages. Ici, que ce soit dans le menu de créations de poupées, de mise en place de nos clans ou d’optimisation de nos armes, chaque élément nécessaire est facilement trouvable et des options de tri viennent simplifier encore davantage nos recherches. Le tout est servi par une prise en main impeccable, peu importe que nous soyons en phase de combat, d’exploration ou tout simplement en train d’utiliser une quelconque fonction du menu.
D’un point de vue graphique, chaque nouvel étage du labyrinthe que nous explorons est différent du précédent, nous apportant une variété bienvenue. Les décors sont agréables à parcourir et nous n’avons jamais un sentiment de lassitude. Les monstres que nous rencontrons sont tous originaux, de tailles et de design très varié. Chacun possède des animations et des images différentes en fonction de l’action qu’il va effectuer, nous avertissant ainsi de la dangerosité de ce qui nous attend. Si les membres de notre escouade laissent facilement transparaître la patte des productions de NIS, avec des avatars variés et hauts en couleur, les phases de narration ne sont pas en reste et adoptent un style différent. Les décors, entièrement dessinés à la main, sont bien plus détaillés et travaillés, et les personnages ont un air de Ghibli qui, forcément, est extrêmement plaisant.
La bande-son, si elle reste agréable, est moins marquante que le reste de la production de NIS. Elle ne gêne jamais notre progression et se renouvelle régulièrement au cours de noter exploration et des différents événements que nous rencontrons, mais elle sait aussi se montrer répétitive lors des phases d’exploration un peu plus longue dans lesquelles nous ne voulons absolument rien rater ou booster au maximum notre multiplicateur d’expérience.
Le système de sauvegarde est lui aussi pensé pour une expérience hybride. Il est possible de sauvegarder à n’importe quel moment sans toutefois ruiner l’expérience de jeu, en effet, une sauvegarde faite dans le labyrinthe nous fait quitter le niveau et s’autodétruit à son chargement. Nous pouvons quitter quand nous le voulons, mais il est impossible d’utiliser cette capacité pour nous faciliter la tâche.
Notons enfin que la durée de vie est plus que raisonnable. Avec une cinquantaine d’heure de jeu pour découvrir les tréfonds de ce labyrinthe et encore plus pour utiliser l’ensemble des capacités de Fantie et mettre la main sur l’ensemble des sept Curios’s d’Arts et des trente-cinq Curios, le prix de lancement de 50 € est loin d’être choquant, même si l’absence de traduction en français rend la somme à débourser à réserver aux seuls anglophones.
Conclusion
Labyrinthe of Galleria : The Moon Society est la pépite que nous n’attendions pas. Un Dungeon Crawler qui nous scotche à notre Switch aussi bien par sa narration prenante que par ses mécaniques de gameplay ultra complète. Le titre de NIS offre une expérience de jeu qui mêle intelligemment une progression balisée et une sensation de liberté intense. Depuis Zelda Breath of the Wild et Subnautica, jamais l’impression d’être un explorateur n’aura été aussi forte, ce qui est d’autant plus impressionnant vu le genre abordé. De plus la technique générale est impeccable et le sens des détails qui viennent sublimer notre expérience. Un must have pour les amateurs de Dungeon Crawler aux combats au tour par tour.
LES PLUS
- Les graphismes sont soignés autant dans la narration qu’en exploration
- La bande-son se renouvelle régulièrement
- La prise en main est impeccable
- La sauvegarde en plein donjon est efficace sans rien gâcher
- La narration est prenante et sa galerie de personnages intéressante
- Le gameplay est ultra complet
- La sensation de liberté est étonnante et efficace
- Les combats sont rarement gagnés d’avance
- Les possibilités d’optimisation de nos clans semblent infinies
LES MOINS
- Il faut vraiment maîtriser l’anglais pour en profiter
- 50 € pour un jeu non traduit, ce n’est pas sérieux