Annoncé discrètement lors du Nintendo Direct japonais de Février, Square Enix nous présente un tout nouveau projet narratif de type Visual Novel. Celui-ci s’intitule Paranormasight: The Seven Mysteries of Honjo et tente de nous immerger dans un récit terrifiant se déroulant dans la capitale japonaise de l’ère Showa (1926-1989). Nous avons été invités dans le Japon de cette époque afin de parcourir les mystères de l’arrondissement de Sumida. Une véritable plongée dans le paranormal mélangeant mythe authentique d’un japon féodal et croyance moderne.
La Nintendo Switch au service du VN paranormal
Commençons par souligner avec regret, la traduction uniquement anglaise du jeu. Un très mauvais point d’entrée de jeu notamment pour une expérience d’aventure textuelle dans laquelle la lecture est essentielle à la progression. Difficile déjà de recommander Paranormasight: The Seven Mysteries of Honjo à un potentiel amateur français de ce type d’expériences. Visual Novel oblige, sans aller jusqu’à dire qu’il faille être bilingue, il sera tout de même mieux d’avoir un niveau conversationnel courant en anglais pour garantir la bonne compréhension de l’intrigue. Ceci étant dit, contrairement à certaines expériences du genre proposées à des tarifs avoisinant les 40-50 euros, Paranormasight est proposé à 20 euros. Soit un prix léger pour une intrigue qui nous a absorbés plusieurs heures et qui occupera certainement plusieurs dizaines d’heures ceux qui tenteront l’expérience avec un dictionnaire à côté.
Une fois cette parenthèse terminée, lançons enfin le jeu. Paranormasight démarre dans une ambiance assez étrange avec un vieil homme se présentant comme le narrateur du récit et nous posant des questions étranges. Celui-ci tente notamment de savoir jusqu’où nous irions pour ramener une personne à la vie en nous proposant plusieurs réponses possibles au choix. Une fois son petit topo effectué, nous nous retrouvons dans la peau de Shogo Okiie, jeune employé de compagnie de produits chimiques. Peu d’indications sur son âge ou l’époque des évènements mais nous devinons un début d’aventure se situant dans les années 70 ou 80 du Japon. Nous devinons que notre jeune protagoniste n’a pas d’attache particulière avec son travail ou la région dans laquelle il vit. Il est juste le stéréotype de l’employé japonais de cette époque qui vivra une vie tout à fait banale jusqu’à sa retraite puis son décès.
Cela dit, un mois avant le début de notre récit, il rencontre et fréquente la jeune Fukunaga Yoko, une jeune femme ayant un certain intérêt pour le paranormal et les phénomènes supernaturels. Elle nous introduit notamment sur les 7 mystères de Honjo et nous présente d’ailleurs le récit en plein milieu de la nuit en sa compagnie dans un parc vide de monde. A peine le temps de bien comprendre tout le contexte et toutes les informations qu’on nous donne que des évènements paranormaux s’enchaînent et nous assistons à la mort de notre amie. En pleine confusion et en faisant des liens sur tout ce qui nous a été présenté, il semblerait que les sept mystères de Honjo soient liés à un rituel de résurrection des morts. Fukunaga Yoko effectuait des recherches à ce sujet dans l’intention de ressusciter son compagnon canin. A côté de sa dépouille, nous trouvons une étrange pierre. En mettant la main dessus, notre héros fait face à d’étranges apparitions spectrales d’une jeune fille.
Celle-ci est en fait née plusieurs centaines d’années avant et est une victime de noyade alors qu’elle était à la recherche de ses parents disparus. Il est dit qu’en arrivant près du canal Kinshibori, celle-ci se remémora des séances de pêche passées avec son père. Attiré par le bruit des poissons, elle se pencha sur le canal et bascula dans le canal. Ses ressentiments et ses regrets ont été absorbés dans une pierre maudite, celle qui s’est retrouvée dans les mains de Shougo Okiie. La pierre est un genre de joyau maudit renfermant des âmes de défunts et celle de Shougo Okiie semble être la pierre maudite du “Murmure du Canal”. Il semble y avoir plusieurs pierres maudites du genre liées à chacun des mystères de Honjo. Ces pierres ont la capacité d’infliger la mort à autrui en respectant différentes conditions souvent en lien avec la mort d’une victime ayant gardé un grand ressentiment envers le monde.
Dans le cas de Shougo, sa pierre lui permet de tuer quiconque lui tournant le dos pour disparaître. La mort infligée aux victimes laisse entrevoir une victime décédée de noyade alors même qu’il n’y a aucun point d’eau aux alentours. En mettant la main sur une de ces pierres maudites, nous devenons un porteur de malédiction. Chaque pierre possède sa propre histoire et ses propres mécanismes infligeant la mort. En utilisant ainsi le pouvoir de notre joyau pour infliger la mort à autrui, l’âme de celle-ci est absorbée par notre pierre et est convertie en une sorte d’énergie. L’objectif de chacun des porteurs de malédiction serait soit disant de remplir notre pierre à 100% d’énergie car les mythes racontent qu’il s’agit de la condition nécessaire au rituel de résurrection. Nous parlons de suppositions car c’est ce que le récit nous raconte sur le 1er chapitre que nous avons parcouru avec Shogo Okiie.
Toutefois, en progressant dans le jeu, le mystère s’approfondit puis l’histoire autour de ce rituel et des mythes de Honjo se complexifie. Le récit évolue finalement à travers un schéma découpé en plusieurs embranchements et divisé sur plusieurs personnages. Les récits sont liés les uns aux autres et progresser dans le récit d’un personnage devient une condition pour débloquer la progression d’un autre personnage. Nos choix et nos actions dans chacun de ces récits ont ainsi une certaine importance pour dépasser les nombreuses mauvaises fins du jeu et parvenir à la véritable conclusion de Paranormasight The Seven Mysteries of Honjo. Il peut arriver de se retrouver bloqué mais il s’agit finalement de regarder dans le détail et fouiller dans nos fichiers pour trouver la réponse à nos interrogations. Parfois, le narrateur ou un personnage du jeu nous glissent quelques indices en cas d’échec.
Par ailleurs, le scénario est écrit par Ishiyama Takaya qui a notamment écrit les séries de VN Detective Ryosuke Kibukawa. Malgré la mention de récit fictif, il est également important de noter que l’équipe du jeu a collaboré avec des spécialistes de la région, ainsi que des instituts de recherche des mythes et légendes japonaises autour des mystères de Honjo qui sont donc des mythes réels au Japon. A la manière du studio Kadokawa ayant collaboré avec des spécialistes de la préfecture de Shimame sur les jeux de la licence Root, Square Enix reproduit ainsi la zone de Honjo dans l’arrondissement de Sumida à Tokyo avec un soin particulier à certains décors donnant un côté très authentique au jeu. Un soin qui se retrouve à travers les légendes racontées par le jeu et permettant éventuellement d’enrichir votre culture du folklore japonais au moins sur les mythes de Honjo. De la même manière, ce soin est également présent dans la reproduction du contexte temporel et nous permet de vivre ce récit à travers cet arrondissement de Sumida de l’ère Showa du Japon.
Paranormasight est un jeu qui ne prétend pas nécessairement réinventer le genre du Visual Novel. Ainsi les connaisseurs seront habitués sur le type de gameplay et progression. Pour les autres, le titre propose une expérience d’aventure textuelle. Nous le répétons mais c’est le genre d’expérience dans laquelle la traduction uniquement anglaise est un frein énorme pour un amateur français. Une expérience où le gameplay se résume surtout à faire défiler du texte et choisir des réponses pour faire progresser l’histoire. Une mention de confort non négligeable au mode portable grâce à l’utilisation de l’écran tactile. Ceci étant dit, Paranormasight tente quelque approche particulière et rare au genre notamment une utilisation assez dense de prise de vue 3D pour multiplier les effets de surprise et jumpscare propre à un scénario d’horreur. Cela étant dit, si vous êtes friands d’horreur, restons mesuré puisque Paranormasight se veut relativement soft avec quelques piques de surprise de temps en temps. Ainsi c’est une expérience qui peut convenir à des peureux comme nous.
Au-delà de ça, l’expérience tente d’introduire des éléments qui franchissent le 4ème mur afin d’immerger d’autant plus le joueur dans cette aventure. Comme le fait de devoir paramétrer les “voix” à 0 pour échapper à la mort infligée par un porteur de malédiction dont le sortilège de mort nécessite que nous entendions des voix. L’expérience propose quelques autres originalités du genre nous impliquant d’autant plus dans le récit en tant que joueur plutôt que simple lecteur externe. Sans pour autant dire qu’il est rempli de ce genre d’interactions, Paranormasight arrive à les proposer de manière suffisamment pertinente pour que cela nous marque dans le bon sens en tant que joueur. Au-delà de ça, Kobayashi Gen est au chara-design du jeu et ceux ayant éventuellement joué à NEO: The World ends with you reconnaîtront peut-être sa patte. La réalisation globale est dans un genre animation japonais aux traits noirs très prononcés sur les personnages et leurs différentes expressions faciales pour mieux accentuer les instants chocs.
Les environnements semblent également moins chatoyants par rapport à de nombreux de VN pour donner un côté oppressant attendu d’une œuvre d’horreur. Ces environnements ont à la fois un joli aspect peinture mais en même temps également un côté moins propre et flou certainement dû au gameplay nécessitant justement de regarder à 360° afin de recueillir des indices, repérer des personnages clés ou des menaces en approche. Toutefois, ce parti pris original et cette réalisation donnent un grain unique à Paranormasight qui le distingue des autres VN. Par ailleurs, Iwasaki Hidenori est chargée de l’ambiance sonore du jeu avec des compositions accompagnant très bien le jeu. Parfois des thèmes et des bruitages qui accentuent l’oppression et la terreur des lieux et d’autres fois des thèmes amusants pour coller à certains passages légers du jeu. Il manque peut-être un doublage pour apporter plus de vie et de crédibilité à tout ça. Effectivement, paramétrer des “voix” sans avoir de voix nous laisse un peu…sans voix.
Conclusion
L’année dernière avec The Centennial Case, Square Enix tentait une aventure d’enquête empreinte de mythologie japonaise au format FMV totalement traduite et réussie. En ce début d’année, l’éditeur joue les timides avec Paranormasight et restreint même le budget notamment avec une traduction française absente. Pourtant, le travail d’écriture et de recherche est assez riche pour un récit légèrement plus mystique et quelques intrigues de personnages un peu moins bonnes. Un abandon du format FMV pour un format Visual Novel avec une touche visuelle et des traits uniques. Quelques tentatives de gameplay originales tout aussi timides mais qui sauront faire en sorte de démarquer Paranormasight d’un autre Visual Novel. Timides également dans ses tentatives de terrifier les joueurs si tel était un des objectifs du cahier des charges. Paranormasight The Seven Mysteries of Honjo aurait pu prétendre à mieux voire même à tenter la confrontation avec Project Zero dans le genre de l’aventure/horreur sur Nintendo Switch en ce début d’année 2023. Pourtant, sa non traduction en français joue grandement en sa défaveur et c’est bien là sa malédiction qui le plongera dans l'oubli du catalogue Nintendo Switch.
LES PLUS
- Chara-design de Kobayashi Gen
- Un style visuel qui se démarque d’autres VN
- Une OST qui nous accompagne bien
- Les points de vue en 3D pour accentuer les jumpscares
- La fonctionnalité tactile en portable
- Des mécaniques qui brisent le mur avec les joueurs
- L’authenticité des mythes et du contexte temporel
- On sent le travail de recherche et d’écriture
- Plusieurs embranchements et plusieurs fins
- Une durée de vie convenable pour le genre
- Un prix raisonnable
LES MOINS
- Un côté flou et moche des environnements
- Quelques musiques qu’on oublie
- Ainsi que quelques personnages qu’on pensait importants
- Ça manque de doublage
- Si c’est un jeu d’horreur, ça manque de terreur
- La malédiction de la non traduction française…