La Nintendo Switch est une console extraordinaire qui a su capter l’attention des éditeurs et développeurs aussi bien pour nous offrir de nouveaux projets que pour donner une nouvelle vie à des titres plus anciens qui n’avaient peut-être pas connu le succès escompté. C’est dans cette optique qu’arrive aujourd’hui Project Zero 4 : Le Masque de l’Éclipse Lunaire, un titre sorti initialement et exclusivement sur les Wii japonaises en 2008 et qui revient dans un format Remaster. Alors que vaut ce prétendant au titre de survival horror de l’année ? C’est ce que nous allons découvrir dans les lignes qui vont suivre.
Reprenons à zéro
Mais commençons d’abord par évoquer en quoi cette série des Project Zero cherche à se démarquer de la concurrence que représentait à l’époque les Resident Evil et autres Silent Hill. Eh bien cette différence tient en un mot : le gore. Là où bon nombre de survival horror font la part belle aux giclées d’hémoglobine ainsi qu’aux boyaux à l’air, les titres Project Zero ont toujours cherché à mettre en place une atmosphère plus pesante via la décrépitude des lieux ou l’atmosphère étrange plutôt que via des hectolitres de sang.
D’ailleurs, c’est l’arme iconique de la série qui illustre à merveille cette volonté. Nous disposons en tout et pour tout d’un arsenal uniquement constitué d’un appareil photo. La fameuse Camera Obscura qui va nous permettre, grâce à ses pouvoirs étranges, de capturer les différents esprits/spectres/fantômes qui hantent ces lieux. Finis les zombies vomissant leurs tripes à coup de fusil à pompe et autre Pyramid Head nous infligeant de grands coups de Great Knife, c’est bien derrière notre objectif que nous allons devoir mettre à mal les forces obscures qui règnent dans ce manoir empli d’une horreur toute psychologique.
Car oui, cette quatrième aventure de la Camera Obscura prend place dans un manoir. Nous y retrouvons trois jeunes filles qui ont tout oublié de leur passé commun dans ces lieux se situant sur l’île de Rogetsu. Toutefois, elles savent qu’à l’origine, elles formaient un quintet et dès lors que deux de leurs amis meurent dans des circonstances étranges, il n’en faut pas plus pour les décider à faire la lumière sur ces événements oubliés. Ce choix de nous mettre dans la peau de frêles demoiselles est classique pour la série et il n’est donc pas étonnant d’un tel point de départ.
Durant chaque chapitre de cette histoire, nous allons incarner l’une des trois héroïnes pour ainsi avancer petit à petit vers la conclusion de ce récit. Ce sera alors l’occasion pour nous de comprendre les faits qui se sont déroulés dans ce manoir et, plus généralement, comprendre l’origine des meurtres perpétrés sur l’île. Si le folklore japonais est mis à l’honneur tout au long de ce récit mâtiné de rituels ancestraux, le cinéma d’horreur asiatique sera lui aussi de la partie avec des références à des films tels The Grudge ou Ring.
Cet aspect cinématographique est d’ailleurs loin d’être anecdotique dans ce Project Zero. Les cinématiques sont énormément travaillées et chaque plan semble avoir été mis en scène pour procurer le plus de peur au spectateur. Il est rare d’entrer dans une nouvelle pièce sans qu’une petite saynète de quelques secondes ne viennent nous faire sursauter et il faut alors faire preuve de sang-froid pour ne pas oublier d’utiliser à bon escient notre Camera Obscura.
Là tu me vois, là tu ne me vois plus
Une fois les joycons en main, nous allons alternativement incarner Misaki, Ruka et Madoka qui mettront à chaque fois la main sur la Camera Obscura. Nous pourrons alors nous déplacer dans ces lieux pour y résoudre de petites énigmes faites d’indications plus ou moins obscures pour débloquer de nouveaux passages et aller toujours plus loin à la recherche de nos souvenirs et réussir, pourquoi pas, à quitter vivant cette île.
Durant notre exploration, des fantômes viendront chercher à voler notre âme, nous disposons donc d’une jauge de vie qui baissera à chaque fois que nous subissons une attaque. Ces esprits belliqueux ont la capacité de disparaître pour ensuite réapparaitre depuis un endroit différent pour ainsi nous surprendre. Heureusement pour nous un indicateur de position nous avertit toujours du lieu relatif où se trouve notre ennemi.
Une fois repéré, nous devons le viser avec notre appareil, plus le temps d’exposition sera long et plus nos dégâts seront importants. D’autres facteurs entrent en jeu, tels que le cadrage ou la proximité vis-à-vis de l’ennemi. Il existe en plus différentes lentilles aux capacités différentes, mais qui demandent une recharge en esprit. Chacun de ces éléments peut, de plus, être amélioré, via l’utilisation de cristaux. À nous de choisir dans quelle capacité nous voulons les dépenser.
Ces combats, sans être intenses sur le plan de la vitesse ou des réflexes, sont toutefois très stressants. Notre jauge de santé diminue vite, les lieux sont souvent exigus, limitant nos capacités d’esquive, et il va nous falloir, à chaque fois, plusieurs prises de photo avant d’avoir vidé la barre de vie de ces esprits. Project Zero réussit à mettre en place une vraie tension sans jamais chercher à être frénétique, mais plutôt en posant une ambiance et un stress constant.
La jeune fille et l’EPS
Il y a malheureusement un mais à ce tableau brossé. En effet, le revers de la médaille de ce sentiment de faiblesse constant est que nos jeunes protagonistes sont, forcément, diablement frêles. Mais à un point où cela en devient ridicule. Leur vitesse de déplacement, que ce soit en marche ou en course, est tellement lente que nous en venons à douter de l’existence de professeurs d’EPS dans le système éducatif nippon.
De plus, nous allons devoir parcourir en long, en large et en travers, les couloirs du manoir de Rogetsu, et vu la vitesse de déplacement, nous avons trop souvent l’envie de pousser ces jeunes filles pour qu’elles accélèrent. Même les moments de fuite face aux fantômes pour se libérer se font à une vitesse digne d’une tortue arthritique. Nous aurions espéré que ce remaster soigne ce point, mais il n’en est rien et le même constat qu’en 2008 se doit d’être fait : il va falloir prendre son mal en patience et accepter que nos héroïnes mettent 42 secondes pour faire un 100m.
Et c’est bien dommage, car pour le reste, ce remaster reste fidèle à l’esprit qui animait le jeu de base lors de sa sortie en 2008 tout en rehaussant activement la partie graphique. Si nous avons constamment l’impression de regarder un film ancien avec son aspect granuleux, le résultat est prenant. De plus, ce travail est couplé à un gros travail sur les modèles 3D des différents protagonistes de cette histoire. Il est juste dommage que l’ensemble des textures n’ait pas eu droit au même traitement. Certaines font encore très pixelisées et remettent en mémoire l’âge de cet épisode. De même, les animations de nos héroïnes sont assez rigides et leurs phases de courses notamment frôlent le ridicule.
Durant nos sessions, le framerate est resté stable même si le rythme lent de nos héroïnes pourrait laisser penser le contraire. De même, les temps de chargement lors du passage des phases de gameplay aux cinématiques sont très faibles, ce qui nous permet de profiter parfaitement de l’ambiance mise en place et des jump scares, tout en enchaînant avec la prise en main de notre Camera Obscura.
La bande-son est elle aussi parfaitement adaptée à l’œuvre de Grasshopper. Avec toujours un fond angoissant, nous avons régulièrement le droit à des effets sonores qui viennent nous surprendre et augmenter un peu plus la tension vécue. Il est juste regrettable que régulièrement, tout son se coupe et nous laisse dans un désert auditif uniquement rythmé par les pas de notre héroïne.
Terminons par la maniabilité. Si les Wiimotes ne sont plus d’actualités, nous avons toujours la possibilité de jouer en mode gyroscope. Celui-ci ne sert que lorsque nous avons la caméra en main et permet une visée plus souple que l’usage unique du stick. Malheureusement, cette bonne idée n’est pas présente durant nos phases à la lampe torche et il faut trop souvent faire des allers-retours maladroits sur les éléments du décor pour déclencher l’apparition des items.
Conclusion
Arrivant pour la première fois en France dans une version Remaster et sous-titrée, Project Zero 4 : Le Masque de l’Éclipse Lunaire remplit parfaitement son contrat de base, à savoir nous offrir un survival horror bien plus psychologique que ce que propose Resident Evil et son action à tout va. Point de gerbe de sang ici, mais la lutte de frêles jeunes filles contre des esprits. Si le jeu de base était une réussite en 2008, cette version reprend la même recette pour nous fournir des graphismes de bien meilleure facture. Nous regrettons juste que le travail de remaster n’ait pas était poussé plus loin pour gommer les quelques imperfections restantes telles que les animations de nos héroïnes ou leur vitesse de déplacement. Il n’en reste pas moins le meilleur opus de la série et plaira aux fans de films d’horreur asiatiques.
LES PLUS
- Trois histoires, plus une, qui s’entremêlent intelligemment tout au long des douze chapitres
- Les graphismes sont très propres et le rendu final typé film d’horreur fonctionne parfaitement
- Enfin une version disponible avec des sous-titres en français
- La bande-son réussit toujours à nous surprendre
- Le gameplay de la caméra fonctionne parfaitement, accentuant le côté fragile de nos héroïnes
- Le doublage d’origine est toujours aussi efficace
- Tout est fait pour rendre l’ambiance de plus en plus pesante
LES MOINS
- Mon Dieu qu’elles sont lentes ces frêles jeunes filles !
- Quelques passages à vide dans la bande-son qui manque de craquements ou autres bruits de vent
- Quelques textures piquent encore les yeux
- Mais c’est quoi cette idée de se balader seule sur une île avec une telle réputation et en pleine nuit ?