L’éditeur brésilien QUbyte accole fièrement au jeu la mention « Classic ». Essayons de voir en quoi Water Margin – The Tale of Clouds and Wind est un classique. Et s’il s’agit bien d’un classique, a-t-on droit à un indémodable se révélant au grand jour, ou à une pièce de musée poussiéreuse qui mériterait de rester poliment sous cloche ? …
A la vue des photos, nous avons affaire à un beat-them-all typique des consoles 16-bit de la première moitié des années 90, avec des héros sans peur et sans reproche et des ennemis à sabrer copieusement, le tout en 2D, avec du bon pixel croustillant.
Suiko Enbu, le Beat-them-all
Manette en mains, nous retrouvons, en effet, dans Water Margin tous les marqueurs du genre à l’épée qu’ont établi Capcom avec ses Knights of the Round ou The King of Dragons et Sega avec sa célèbre série des Golden Axe. Ici, le jeu met en scène, parmi les trois héros, le hors-la-loi Song Jiang qui défia l’Empereur de Chine au XIIème siècle après Jésus Christ. C’est une figure populaire, mythique, grâce au roman – Water Margin – datant du XIVème siècle et aux nombreux films qui s’inspirèrent de ses hauts faits.
La trame du jeu suit donc le roman en question et rappelle avec force l’origine du jeu. Water Margin est un jeu chinois, créé exclusivement pour le marché chinois en 1999, sur une Megadrive déjà bien rangée dans les placards partout ailleurs (c’était le temps de la PS1, Nintendo 64 et de la Dreamcast). Le développeur Piko, dénicheur de vieilles pépites méconnues, l’a donc ressorti à son compte en 2015, à nouveau sur Megadrive, puis sur PC et finalement sur Switch en association avec QUByte Interactive.
Le résultat sur Switch est un portage respectant le jeu original avec quelques options élémentaires comme l’ajout de filtres, mais sans la possibilité de sauvegarder ou autres fantaisies du genre (rembobinage cheaté, god mode et j’en passe…). Honnêtement, nul besoin de sauvegarde ou de triche, le jeu se terminant en moins de deux heures.
Pour un jeu Megadrive, Water Margin s’avère encore très joli, flatte l’œil en se dotant d’un pixel art agréable, détaillé et colorée, incluant personnages bien gros et animations stylées et réussies. La musique, efficace, anime un peu l’action, dommage que ce ne soit pas le cas des bruitages, particulièrement discrets.
Pour battre le fer, nous avons droit à trois héros : deux gars (dont un barbu armé d’une hache) et une fille, chacun ayant ses défauts et ses avantages. La perte d’un continue nous permettra de sélectionner à nouveau le héros de son choix.
Au bord de l’eau, ça bastonne de partout !
En réalité, les différences entre nos héros ne sont pas énormes : l’allonge principalement, la résistance aux coups et dans une moindre mesure, la vitesse. La variété des coups n’est d’ailleurs pas exceptionnelle, quelque soit le perso. Il y a de petites variantes permettant d’en découdre vite et bien, en expulsant l’ennemi hors de l’écran, mais dans les faits, bourriner benoîtement le seul bouton d’attaque suffira amplement.
Le saut est bel et bien là mais il est possible de ne pas l’utiliser pour terminer le jeu. Il servira surtout pour se sortir d’un délicat combat en mêlée ou pour rompre avec le sempiternel moulinet d’épée, en faisant une attaque aérienne.
Le petit plus de Water Margin est le système de pouvoirs lié à des items que nous récolterons sur le champ de bataille ou en explosant les tonneaux (qui libèrent aussi et comme il se doit de l’argent, de bons poulets rôtis et des bouchées à la vapeur).
En actionnant deux fois le bouton A (une fois pour sélectionner le pouvoir et une autre fois pour valider notre choix), nous pourrons illuminer tout l’écran à la manière d’un Golden Axe : en foudroyant, congelant, enflammant – c’est au choix – nos ennemis. C’est salvateur, ça fait du bien et surtout, le jeu prouve que d’immenses Dragons en flammes, en mode 16-bit, pour carboniser tous ces vilains, c’est la grande classe, même encore aujourd’hui.
No fun, my babe no fun
Malheureusement, le jeu révèle ses failles au fur et à mesure de notre progression. Les hitbox sont larges et pas précises pour un sou. Le gameplay, la faute à un seul bouton d’attaque, est extrêmement répétitif et le jeu manque singulièrement de variété et de mise en scène. Par exemple, dans l’antique Golden Axe, nous avions droit à des montures, de petites phases de plates-formes avec des trous mortels… Ici, nous allons sempiternellement de gauche à droite, avec pour seule récompense des décors qui changent (modérément et sans folie).
Chaque type d’ennemis est bien différent entre le gros bibendum ventru, la Lady spécialiste du coup de tatane (et accessoirement de la dague) ou le sournois épéiste à l’allonge démesurée. Hélas, les mêmes vagues d’ennemis se répètent, de manière presque exagérée, au point qu’il est possible de soupirer, un brin exaspéré, passé une heure de jeu à bastonner le même menu fretin.
Seul espoir de variété, les boss. Deux fois hélas, ils sont classiques, dans l’esprit du roman traditionnel dont le jeu s’inspire, et il manque de cette pichenette de folie pour embraser notre imagination.
A noter que le jeu n’est pas bien difficile. A deux, avec des continues en nombre, il devient même une formalité. Augmenter la difficulté pourrait être une bonne chose, histoire de rallonger la durée de vie et obtenir une des fins alternatives… Encore faut-il avoir envie de recommencer une partie. Car une fois terminé, il est probable que ce Water Margin, rébarbatif à souhait, retrouve sa place dans un musée…
Conclusion
Jeu méconnu, et pour cause, le jeu n'est sorti qu'en Chine, un peu avant l'an 2000, Water Margin se refait une seconde jeunesse sur Switch en nous proposant du Beat-them-all à l'ancienne, avec du bon pixel art. Hélas, malgré toute notre sympathie pour ce tape-dur et son ambiance, Water Margin accuse le coup, et nous avec, avec un gameplay beaucoup trop simple et des vagues d'ennemis qui n'en finissent pas de se répéter.
LES PLUS
- Pour un jeu Megadrive à l'origine, le pixel art est très joli
- Le background de la Chine impérial
- Le système de pouvoirs, sympa !
- Des continues en nombre
LES MOINS
- Un seul bouton d'attaque
- Des hitbox un peu a bisto de nas
- Les vagues d'ennemis qui n'en finissent pas de se répéter
- Manque flagrant de surprise et de mise en scène
- Rébarbatif... même à deux !
- Une fois terminé, difficile d'y retourner