Les plus assidus de nos lecteurs se souviennent sans doute avec émotion de la rencontre inopportune entre des pâtes et de la cassonade lors du test mémorable de The Punchuin. Et bien aujourd’hui, c’est tout le contraire que nous allons évoquer. L’histoire d’un rendez-vous entre deux géants que tout rapprochait. Celle d’un mélange entre l’un des romans historiques les plus lus de ces dernières années avec l’un des développeurs de point’n’click les plus importants… de ces dernières années aussi. Le fruit de leur travail commun, Ken Follett — Les piliers de la Terre, arrive aujourd’hui sur nos consoles hybrides et il est temps d’en faire le bilan.
Une histoire sur des rails
Avec une base de départ aussi forte que celle du livre de Ken Follett, le récit mis en place par Daedalic tient forcément une place importante et le respect du matériau d’origine est impeccable, peut-être même trop. Mais avant d’en venir aux reproches, commençons par évoquer ce monde qui nous happe dès les premières minutes de jeu. Tout se passe en Angleterre au XIIe siècle après la naissance de Jean Claude.
Nous allons y suivre les destins croisés de nombreux protagonistes du roman, à commencer par Tom, Philip ou encore Aliena tout au long de la construction de la cathédrale de la ville. Le récit de base est extrêmement documenté et cette version, sans jamais se montrer lourde, nous emmène directement dans les tourments de cette période faite de rivalité politique et religieuse sur fond de guerre civile et de disette.
Le prologue nous plonge directement dans les douleurs que vivent ces hommes et ces femmes via le drame vécu par Tom le bâtisseur lors de son cheminement vers Kingsbridge. Autant dire que le ton est de suite donné. Il nous sera impossible de lâcher une telle histoire après une accroche si forte. Il nous faut connaître la fin de cette histoire et de ces personnages de suite si attachants. Cette narration sera faite d’ellipses puisqu’elle prend part sur une période d’une cinquantaine d’années, nous pourrons ainsi voir évoluer nos protagonistes sur une grande partie de leur vie.
Si une telle durée pouvait laisser entrevoir, pour le monde du jeu vidéo, des impacts forts en termes de choix et de fins multiples, il n’en est rien. Le respect pour l’œuvre d’origine est tel qu’aucune sortie de route n’est possible. Nous suivons les rails laissés par Ken Follett et nos choix n’ont quasiment aucun impact sur ce récit. C’est sans doute le seul reproche que nous ferons à ces Piliers de la Terre tant la narration est prenante.
Séparée en trois livres, notre histoire avance par à coup et accélère au fur et à mesure que nous avançons. Si le passage du livre un au livre deux nous permet de profiter d’une accélération bienvenue dans les intrigues, la conclusion du dernier livre semble, elle, menée tambour battant et nous laisse l’impression d’avoir été davantage expédiée que le reste du récit. Si nous sommes satisfaits de voir la fin, les émotions de nos héros semblent moins respectées dans cette dernière partie.
Le choix de la narration
Une fois joy-cons en main, nous commençons notre aventure comme ce qui semble être un classique du point’n’click : nous déplaçons notre personnage dans un environnement en 3D isométrique, nous collectons certains items pour les utiliser sur des éléments du décor et nous entamons moult discussions. Toutefois l’impression de facilité des énigmes proposées ne nous lâche jamais et nous avançons tranquillement dans ce récit sans, certes, ne jamais connaître la moindre frustration, mais sans connaître la moindre félicité non plus.
Ce constat est d’autant plus vrai dans les livres un et trois dont nos interactions consistent la plupart du temps à discuter avec tout ce qui nous passe à portée avant d’utiliser le seul élément de notre petit inventaire faisant sens. Le livre deux se montre plus intéressant, mais sans jamais atteindre le niveau des toutes récentes nouvelles aventures de Larry Laffer ou de Guybrush Threepwood. L’impression de vivre un récit interactif plutôt que de jouer à un point’n’click devient vite omniprésente ; cela n’enlève rien à la qualité de la narration, mais les amateurs de combinaison d’objets risquent fort d’être déçus.
Si l’énorme respect pour l’œuvre d’origine de la part de Daedalic nous empêche de profiter d’énigmes tordues à la Déponia, le travail sur l’interface est quant à lui irréprochable. À aucun moment, nous ne venons à regretter le sacro-saint duo clavier/souris : un appui sur ZL et les objets interactifs apparaissent. Un appui sur ZR et notre personnage avance plus rapidement et pour le reste, nous avons le choix entre observer, interagir ou utiliser l’objet en réserve actif via les touches Y, A et X. point de soucis d’inventaire puisqu’une simple utilisation du stick droit est suffisante pour l’ouvrir, sélectionner l’objet et le refermer. Le tout est extrêmement intuitif et suffit largement à répondre à tous nos besoins.
L’art gothique de la technique
Il ne nous reste plus qu’à évoquer la partie technique. Commençons par la particularité de cette version Switch : sa version nomade. Si jouer en docké offre une expérience de jeu identique aux versions disponibles sur les autres plateformes existantes, la version nomade a été pensée pour offrir un confort de jeu optimal. La simplicité et l’efficacité des commandes ne font jamais regretter l’absence de prise en charge du tactile, mais c’est surtout la taille des textes qui est parfaitement adaptée à nos écrans portables. Cette version Switch ne souffre d’aucun souci de lisibilité que ce soit durant les dialogues ou pour afficher les informations à l’écran.
Nous pouvons donc ainsi profiter dans les meilleures conditions des graphismes mis en place. Chaque tableau est peint à la main et regorge de détails. Que ce soit les intérieurs ou les extérieurs, chaque décor met toujours en exergue l’ambiance qu’ont voulu y instiller les développeurs. Des plaines froides et désolées des abords de Kingsbridge aux intérieurs dépouillés et sacerdotaux du prieuré en passant par une certaine magnificence de la nature sauvage, nous naviguons dans ce XIIe siècle immersif et prenant.
Le seul bémol à mettre sur ces graphismes concerne l’inégalité de traitement auquel ont eu droit les personnages. Tout d’abord, si les principaux font honneur aux descriptions de Ken Follett, une grande partie des personnages secondaires souffrent d’un manque de détails qui est fortement visible durant les phases de dialogues. Ensuite, le parti-pris du peint à la main engendre une certaine raideur dans les animations, mais nous nous adaptons vite à celle-ci pour rapidement ne plus en tenir compte.
Terminons par la partie sonore de ce Ken Follett – Les Piliers de la Terre. La bande-son, entièrement orchestrée par le FILMharmonic Orchestra de Prague, fait la part belle aux titres à l’ambiance ecclésiastique. Souvent calme et posée, cette bande-son est toutefois capable de se montrer plus rythmée lors des passages le nécessitant. C’est une belle réussite qui accompagne parfaitement les dialogues, tous très bien doublés en anglais.
Conclusion
Ken Follett – Les piliers de la Terre est d’abord une expérience narrative avant d’être un point’n’click. Entièrement basée sur le roman éponyme, l’histoire que nous vivons est prenante de bout en bout et respecte à la lettre les événements et les personnages de l’œuvre de base, nous permettant ainsi une plongée interactive dans ce roman historique. Ses graphismes, peints à la main, sont impressionnants de détails, sa bande-son nous met toujours parfaitement dans l’ambiance et ses nombreux dialogues sont parfaitement doublés en anglais et sous-titrés en français. Toutefois, nous regrettons la grande linéarité et l’absence d’impact qu’a le joueur sur son destin, tout comme la relative facilité des énigmes proposées. Un excellent titre pour les amateurs d’histoire moyenâgeuse, mais un titre moyen pour les fans de point’n’click.
LES PLUS
- La narration est prenante de bout en bout…
- Les décors, peints à la main, sont extrêmement détaillés et beaux
- La bande-son s’adapte toujours à l’ambiance des lieux
- Le livre deux nous offre plus d’énigmes et de choix, même si facultatifs
- La prise en main ne souffre d’aucun défaut et d’aucune lourdeur
- La version nomade reste parfaitement lisible
- Une durée de vie d’une quinzaine d’heures
- Le doublage en anglais est de qualité et les sous-titres en français sont corrects
LES MOINS
- … même si le livre trois semble un peu expédié
- Les énigmes sont vraiment simples
- Nos choix n’ont quasiment aucun impact
- Les personnages sont moins travaillés que les décors
Très bon test. Mais parlons plutôt d’histoire médiévale que « moyenâgeuse ». Car ce dernier terme est péjoratif évoquant un Moyen Âge obscur et un retour en arrière civilisationnel en comparaison à la periode antique. Ce qui est d’ailleurs un gros cliché. Et ouai les Gars je suis historien!