Il y a des jeux qui restent gravés dans nos mémoires et cela pour un tas de raisons. Pour une narration intégrée version Half-Life, pour des graphismes criants de réalisme version Far Cry premier du nom, pour une déception indélébile version Persona 5 et, en remontant plus loin dans le temps, sur une machine, l’Amiga 500, qui restera culte et supérieure en tous points à l’Atari du chef, peu importe ces dires, il y a eu un phénomène français de l’animation et du plateformer : l’une des œuvres majeures du studio Delphine Software : Flashback. Son doux souvenir plane toujours dans le cœur des développeurs et c’est pour cela qu’aujourd’hui nous allons évoquer celui qui commença comme un hommage pour finir comme une suite spirituelle : LUNARK. Alors celui-ci réussira-t-il à prendre la place de son aîné dans nos cœurs ? C’est ce que nous allons voir…
Un peu d’histoire
Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, commençons par évoquer le parcours du studio français Canari Games. Celui-ci n’est constitué que d’un unique développeur fou, Johan Vinet au but étant simple : faire tourner un demake de Flashback sur Game Boy Color. Et qui sommes-nous pour l’empêcher de concilier ses deux passions dans la vie ? Mais voilà qu’en cours de route, la volonté de créer un hommage à ce jeu si important, qui plus est avec des moyens modernes, est doucement arrivée. Alors après, en 2019, une campagne Kickstarter réussie et avec l’aide de l’éditeur WayForward, c’est à notre tour de retrouver notre enfance.
Et pour comprendre pourquoi Flashback a eu une si grande importance dans le monde du jeu vidéo, il faut revenir sur une technique qui a peu à peu disparu : le rotoscoping. Succinctement, cette méthode consiste à se filmer en train d’effectuer une action, puis à reprendre chacune des images pour venir réaliser les graphismes en surimpression. Nous obtenons alors des animations incroyables de détails pour chacun des mouvements en jeu ainsi que pour les cinématiques. Des titres immanquables réalisés ainsi sont notamment Prince of Persia ou Mortal Kombat.
Malheureusement cette technique a un point faible. Cette décomposition du mouvement est tellement importante qu’une fois une action lancée, il est impossible de l’annuler. Les temps de latence entre nos appuis sur les touches peuvent vite devenir importants du fait de l’attente de la fin de l’action précédente. Les jeux cités souffraient de cette tare et c’est sans doute pourquoi cette technique n’a jamais était prépondérante dans notre média. LUNARK réussit-il à se sortir de ce piège ? Nous y reviendrons dans la partie technique.
Du gameplay à l’ancienne…
Car cette envie de retrouver une méthode oubliée de tous n’est pas le seul point fort de ce LUNARK. Sa narration n’a rien non plus à envier à son modèle. Tout commence pour notre avatar, Léo, lorsqu’il rend visite à son mentor dans un laboratoire. Celui-ci nous confie alors la mission de récupérer un artefact ancien pour le lui ramener. Nous découvrons, lors de cette première partie, un monde totalitaire dirigé entièrement par des machines contrôlées depuis la lune par une IA toute puissante et nommée NOAH. Pourquoi un tel nom ? Eh bien tout simplement car après avoir ruiné la terre, l’humanité a investi la lune pour en faire un vaisseau spatial et se rendre vers la plus proche planète habitable.
Les thèmes abordés sont vastes. Entre le totalitarisme, la manipulation de masse, la résistance, l’intelligence artificielle, mais aussi la découverte de son passé, tout est bon pour nous offrir un univers dense. Nous naviguons à vue dans celui-ci, nous contentant la plupart du temps de subir ces événements dans le seul but de survivre quelques minutes de plus tout en nous rapprochant des réponses à l’ensemble de nos questions.
En utilisant le moteur graphique du jeu pour les phases de dialogues ainsi que quelques petites cinématiques en mode rotoscoping, nous avançons régulièrement dans cette histoire prenante qui démarre sur les chapeaux de roues avant de trouver son rythme de croisière pour ne plus retomber en rythme jusqu’à son dénouement. Nous ne voyons pas défiler les cinq à sept heures (en fonction de notre talent manette en main) nécessaires pour venir à bout de nos aventures. Pour cela, il va nous falloir avancer en mode plateforme, tout en résolvant de petites énigmes et en annihilant toute menace présente.
De ce point de vue, les niveaux nous offrent une expérience de jeu qui sait se renouveler avec des passages classiques d’action/plateforme suivis de phase d’infiltration enchainées à des moments plus orientés RPG durant lesquels nous aurons à discuter avec les PNJs qui hantent ces lieux tout en améliorant notre équipement. Pour le reste, les actions disponibles de Léo sont un copier/coller de celles de Conrad dans Flashback : nous courons, sautons, effectuons des roulades et tirons, la seule différence vient de la plus grande facilité de mise en œuvre grâce aux contrôleurs modernes.
… et des pixels voyants
Et pourtant, malgré tout, maintenant que nous abordons la partie technique, nous pouvons l’avouer, l’animation en rotoscoping engendre bien le problème récurrent de latence des contrôles et les premiers sauts ou combats nous demandent d’anticiper chacune de nos actions, ainsi que celles de nos ennemis, pour éviter de perdre bêtement nos points de vie. De plus, le système de progression est rythmé par des checkpoints répartis çà et là, mais en aucun cas, la fin d’un tableau ne signifie un retour à celui-ci. C’est parfois une bonne demi-heure de progression que nous perdons en cas de décès. Nous apprenons vite à être prudents.
L’autre écueil technique concerne les graphismes. Si jouer en mode nomade se fait très facilement et agréablement avec des décors en pixel art sympathique. Le passage en mode docké nous laisse face à ce qui ressemble à une grande bouillie de pixels dont la faible résolution devient vite difficile à supporter. C’est dommage, car le soin apporté aux animations de chaque sprite, qu’il soit celui d’un ami ou d’un ennemi, est alors plus difficile à apprécier.
La bande-son est agréable à écouter, chaque piste est parfaitement adaptée au lieu que nous sommes en train d’explorer. Les effets sonores sont adéquats et ne viennent jamais nous sortir de l’action en cours. Durant les six à sept heures que nous avons mises pour découvrir le fin mot de cette histoire et boucler l’ensemble des douze niveaux, la partie musicale ne nous a, à aucun moment, fait sortir de notre expérience de jeu. Terminons en ajoutant que si LUNARK est disponible sur l’eShop pour 20 €, une version limitée est aussi disponible chez Limited Run et que forcément, il n’y en aura pas pour tout le monde.
Conclusion
Amoureux de Flashback ou Another World, ne cherchez plus et foncez, LUNARK en est leur digne successeur. Partageant les mêmes thèmes liés à la science-fiction et le même gameplay à base d’action/plateforme, c’est un pur plaisir que de retrouver ces sensations d’antan en mode portable sur notre console hybride préférée avec une prise en main moderne. Toutefois le néophyte aura sans doute plus de difficulté à s’adapter à ces contrôles tant la latence due au rotoscoping est importante et à ces graphismes suintant le gros pixel. Quoi qu’il en soit, le pari de Canari Games est une réussite et nous espérons grandement voir venir leur prochaine production.
LES PLUS
- Nous remettre Flashback, Another World et Prince of Persia en mémoire, ça n’a pas de prix
- La prise en main de LUNARK est bien plus agréable et efficace que celle de ses modèles
- Les graphismes en mode portable sont détaillés
- La bande-son s’adapte toujours au lieu visité
- Les animations en mode rotoscoping sont toujours aussi impressionnantes
- La narration est efficace avec des thèmes SF intéressants
- Le ratio prix/durée de vie est correct
LES MOINS
- Les chekpoints sont très largement disposés
- La latence des contrôles demande un temps d’adaptation
- En mode docké, les pixels piquent la rétine